8 - Essuie-tout

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     Nina

     "Épuisée mais ravie" comme évoqué dans la chanson préférée de ma mère.

     Je peine à refaire surface, mais il faut reprendre pied dans la réalité, et mon derrière se fait un malin plaisir à me le rappeler. J'ai le coccyx en compote. La table en bois d'une cuisine, c'est une première pour moi, et il est évident que mon délicat fessier préfère largement le moelleux d'un bon matelas. Je regarde Nathan, son sexe encore ferme à la main malgré ce moment de débauche, et je réalise à quel point ce mec est séduisant.

     Je prends également conscience de son sperme gluant sur ma poitrine – beurk ! Poitrine nue... donc exposée ! Quelle horreur, mais qu'est-ce qui m'a pris ?! Dans un tel contexte, je fais toujours en sorte que « l'autre » ne voit jamais mon corps. En général, lumière éteinte, à la rigueur tamisée. J'ai d'ailleurs pris l'habitude de ne consommer mes pauses quatre heures qu'à la nuit tombée, afin d'éviter de m'épancher sur des complexes dont « l'autre » se fout royalement. Mais, « lui », il m'a totalement hypnotisée par son regard, envoûtée par ses caresses, au point que je n'ai même pas réagi. L'euphorie de l'acte est passée, je ne me sens plus à l'aise.

     De plus, en réfléchissant, il est complètement inconscient ce mec, et même si je lui suis reconnaissante de s'être retiré avant la fin, je lui en veux. C'est vrai, il aurait pu assurer le coup et mettre un préservatif comme hier soir, ne serait-ce que par rapport aux IST. Je ne suis plus sous pilule à cause de la prise de poids qu'elle engendrait et je n'ai pas pris le temps de m'intéresser aux autres moyens de contraception... quelle idiote ! Je sens maintenant le sperme qui coule jusqu'à mon ventre et retourne ma colère contre lui. Au même moment, Nathan approche un essuie-tout avec l'intention de m'aider ,ce qui a pour effet de me faire sauter hors de la table, à pieds joints sur le carrelage.

     — Non, laisse tomber, dis-je en me tournant dos à lui. Je me débrouille.

     Si la brusquerie de ma réaction le choque, il n'en montre rien, bien au contraire. Sa voix toute mielleuse me susurre à l'oreille :

     — Dis moi, Princesse, si tu souhaites prendre une douche, tu sais où se trouve la salle de bain maintenant. Et si tu souhaites plus, je peux t'y accompagner et t'aider à te savonner sous l'eau chaude. Je commencerai par ton mignon petit bidon...

     Son air moqueur m'agace profondément. Je vois bien qu'il se rend compte que j'ai du ventre. J'en ai toujours eu, même à quinze ans. Alors, tant pis si je risque de le regretter, mais j'ai envie d'être blessante, histoire de lui faire ravaler son sarcasme.

     Je me retourne, afin d'être bien en face de sa petite tronche de mec sexy, et lui assène :

      — D'une, tu arrêtes de m'appeler "Princesse", et de deux, t'es complètement inconscient de ne pas avoir mis de préservatif. On ne se connaît quasiment pas, je ne sais pas qui tu fréquentes. Si ça se trouve, tu es sur ce site de rencontre pour coucher avec une fille chaque soir. Bonjour la maturité !!

     — Alors, permets-moi de te retourner le compliment, Prin-ces-se !

     Il accentue chaque syllabe, tout en approchant son visage à quelques centimètres du mien. Je n'ai pas encore remis ma petite culotte et j'ai l'impression que le timbre de sa voix se répercute en écho entre mes cuisses.

     — Il me semble qu'on était deux sur cette table et je ne t'ai pas vraiment entendu réclamer de préso quand tu me suppliais de te faire jouir malgré mon sexe nu comme un ver. Et, pour ta gouverne, je baise qui je veux. Je n'ai pas de compte à te rendre.

     J'admets qu'il a raison pour le préservatif, mais pour rien au monde je ne lui avouerai. J'ai ma fierté. Physiquement, je n'ai rencontré Nathan que depuis un jour, mais il peut se targuer de me proposer une palette d'émotions diverses et variées. Malgré nos heures de tchats, je n'avais pas perçu chez lui ce côté franc et direct. Même s'il m'excède par moment, je reconnais qu'il sait me remettre à ma place et, étonnamment, j'apprécie. Mieux, j'adore ce rapport de force. J'ai toujours eu en horreur les béni-oui-oui, qui s'empressent d'approuver tout ce que je fais ou dis.

    Mon cerveau s'oublie face aux réactions épidermiques que ce démon provoque dans ma chair et dont je ne maîtrise absolument rien, tant il appuie exactement là où il faut... Mouais, c'est tout mon problème, ce mec est aussi horripilant qu'attirant ! Si Élise était là, elle crierait au scandale. On tient la cause féminine en exergue dans la famille Landert !

     Ma sœur ! Mon téléphone ! Elle était censée me récupérer à la gare Saint-Jean vers dix-huit heures et ma montre indique seize heures quarante-cinq. Il faut que je trouve un moyen de la prévenir.

Confinement torride - Publié aux éditions SHARON KENA (21.02.2023)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant