Neuvième entretien

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        Ma très chère. Comment allez-vous ? Apparemment, vous n'avez pas passée une bonne nuit... Bien sûr, vous pouvez vous rapprocher, dites moi. Oh oui, glissez-vous près de moi pour me sussurer de sales mots.

        Pardon ? Attendez, pas si vite, je veux savourer chaque mot. Ils sont venus, ils vous ont ..? Quoi ? Mmmh oui, dites m'en plus. Ils vous ont menacé, ils vous ont goûté, ils se sont installés chez vous. Votre chambre n'était plus reconnaissable. Ils ont détruit votre lieu de vie. Attachée, dévorée, testée, vous m'excitez. Derrière vous, devant vous, à vous mordre, à vous lécher, à vous prendre, violemment ? Délicatement, sensuellement. Ils vous ont pénétré ? Tous ? Combien étaient-ils ? Cinq... vous en êtes sûre ? Oui. Vous vous souvenez de chacun de leur pénis... Vous me rendez moite. Ne me regardez pas comme ça, voyez plutôt, là, entre mes jambes.... je vous avais prévenue, vous me plaisez. Ils ont réellement été jusque là ? Et qu'en avez-vous pensé ? La première fois a été dure.... vous avez fait ça plusieurs fois ? Votre anus doit être en feu. Toute la nuit ? Ce matin aussi ? Mais... quand sont-ils repartis ? Il n'y a que quelques heures. Je vois. Je vous avez dis que vous risqueriez de plus grand danger si vous persistiez à venir me titiller. Vous avez aimé ça. 

        Je suis dans cette cage, vous êtes en dehors et vous vous amusez sans moi. Je ne pense pas que cela me plaise. Vous m'obligez à faire quelque chose que je ne voulais pas faire. Je vais devoir parler. Non, pas à vous, à ceux qui m'ont enfermé ici. Leur donner des informations sur les meurtres de la Baie des Vierges. Oui, je connais les auteurs, je peux même identifier certains corps. Trois ans qu'ils piétinent sur cette enquête, ils seraient heureux que je leur fournisse des pistes. Pourquoi est-ce que je veux faire ça ? Parce que vous avez eu envie de jouer et que j'en ai marre de ne pas pouvoir participer. Vous n'avez pas compris que je peux faire de vous ce que bon me semble, vous pensez être protégée par un je-ne-sais-quoi. Je vais vous prouver le contraire. Dès que j'aurai parlé aux inspecteurs, leur hiérarchie me demandera ce que je veux en échange.... et ce sera vous. 

        Je pourrais ainsi avoir une souris avec laquelle jouer. Je vais devoir faire preuve d'imagination, jamais ils ne m'autoriseront à insérer des objets dans... cette cellule. J'arracherai vos tétons de mes dents, je sucerai votre peau jusqu'à ce qu'elle change de couleur, je vous épuiserez, vous serez si faible que je pourrais boire directement entre vos cuisses. Votre clitoris sera si douloureux que vous ne comprendrez plus la différence entre le plaisir et la douleur. Je sens déjà la moiteur de votre peau. Sans même le vouloir vous exaucerez mes voeux, vous n'imaginez pas à quel point je peux être inventive....Vous ne tremblez pas pour le moment car vous ne vous rendez pas encore compte du pouvoir que je peux avoir. Que vous restiez ici ou que vous vous balladiez au dehors, je peux vous atteindre. Votre entaille vous le prouve, sachez que je ne plaisante plus. Je suis bien forcée d'admettre que vous avez réussie en partie ce que vous vouliez faire, vous m'avez intriguée... vous allez en payer les conséquences. Que voulez-vous savoir de plus ? Ah non, je ne parlerais pas de ces meurtres avec vous, j'ai besoin de certaines garanties, il me faut de la matière pour pouvoir vous attirer plus étroitement dans ma toile, je ne vais gacher aucune information avec vous. Elles feraient la une d'un journal que je ne peux même pas lire. 

        Je vais demander faveur après faveur, vous ne saurez pas quand viendra votre tour. Cela me rappelle cette jolie fille, elle avait une voix mélodieuse.... elle se mettait au piano, je l'écoutais souvent jouer, ses doigts glissaient sur les touches et les sons qui sortaient de son instrument était envoûtants. Non, on ne peux pas dire qu'elle ait été victime, si, malheureusement elle est morte. Mais pas de ma main, non, je ne l'ai pas vu mourir. Elle s'est suicidée. Elle s'est ouverte les veines et s'est jetée dans un lac. Elle était tombée amoureuse de la mauvaise personne. Pardon ? De moi, oui. A force de venir la voir jouer, les lignes ne sont amincies, les barrières entre nous se sont baissées, je n'aurais jamais fait le premier pas vers elle, elle était bien trop jeune, trop fragile, et je ne voulais pas que cela dérape avec elle, je désirais seulement poser mes yeux sur elle un instant et les fermer la seconde d'après pour écouter la beauté de son âme. Sa mélodie était incroyable, mes poils se hérissaient, elle avait un effet relaxant sur mes désirs, mes passions s'amenuisaient, je n'avais pas envie de sang, ou de meurtre quand sa musique perçait à mes oreilles. Non, vous ne comprenez pas, je me mettais dans un coin, assez loin d'elle, au sol et je fermais les yeux, je glissais dans son monde, c'est elle qui un jour a stoppé la mélodie, a posé ses longs doigts fins sur moi et m'a caressée le front. Je ne voulais pas ouvrir les yeux, je ne voulais pas la voir, je savais que si ma vue interceptait sa beauté, on serait foutu. Je peux résister, je peux me retenir mais lorsqu'on me provoque, je ne suis plus maître de ce qui arrive, un peu comme avec vous. Alors, sans soulever mes paupières, sans relever la tête, je lui ai demandé de retourner au piano, de poursuivre ce qu'elle faisait sans se soucier de ma présence. Elle a mal compris. Elle a pensé que je la rejetais, je lui ai dis que c'était faux, mais qu'elle m'offrait quelque chose dont je n'aurais jamais pu rêver, que les notes qu'elle faisait vibrer dans ma tête étaient réconfortantes, qu'elles m'aidaient sans même qu'elle s'en rende compte, que j'en avais besoin comme si ma vie en dépendait. Sauf que c'était sa vie qui en dépendait, si elle risquait de s'arrêter à nouveau il était sûr que je ne pourrais me retenir. Les jours ont persisté dans ce sens, je venais l'écouter, elle ne s'arrêtait pas, parfois elle coulait un regard vers moi sans que je ne l'aperçoive. Un soir, les notes mourrant dans le vent comme chaque nuit, elle s'avança près de moi au moment où la porte allait se refermer, elle prit mon visage dans ses mains et planta ses yeux noisettes dans les miens, m'embrassa sans fermer les yeux, quand ses lèvres quittèrent les miennes un léger frisson me parcourut. Je la dépassais de quelques centimètres, après cet échange ses ballerines retombèrent sur le sol sans bruit, c'était comme si on avait éteint le monde, le silence était... silencieux ? Je me dégageais rapidement, je voulais à tout prix m'enfuir de cet endroit, j'ai évité de lieu pendant des semaines. Quand j'y suis retournée, c'était la fin, le rêve avait été détruit, je lui avais pourtant dis de ne pas cesser de jouer, de ne pas s'approcher de moi. Elle avait laissé un mot, enfin pas un vrai mot, des notes griffonnées sur une tablature, et elle l'avait intitulé " le baiser de la solitude".... C'est à cet endroit que j'appris qu'elle venait de mettre fin à ses jours.  

        A force de vouloir l'impossible, on finit par se brûler les ailes. Il n'était pas écrit que cette jeune fille devait disparaitre de la sorte, mais elle m'a rencontrée et j'ai bien peur que parfois cela soit la seule combinaison possible. Peut-être que vous vous briserez seule, à cause de moi certes, mais seule. Je ne pense pas que notre prochain rendez-vous sera aussi rapide que celui-ci, je dois parler à ceux qui dirige toute cette absurdité. Je voudrais vous croquer, pas besoin d'attendre l'été pour voir que vous êtes mûre à tomber. 

EndTripOù les histoires vivent. Découvrez maintenant