Chapitre 13 : Le Chaos

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Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, seule face aux étoiles, espérant que Luke réapparaisse. C'est notre première grosse dispute, la culpabilité me ronge. Je me promets que je ne le blesserais plus jamais. Je ne veux plus jamais voir la lueur aimante dans ses yeux s'éteindre pour laisser place à cette colère noire et profonde. Je viens de ruiner cet être parfait en le rendant jaloux. C'était tellement étrange. Dès qu'il s'énerve, il semblerait qu'il se transforme en une autre personne, je ne le reconnais plus. Lui qui a toujours su garder son sang froid, je l'ai vu perdre soudainement le contrôle devant moi. À cause de moi.
Mais un détail me rappelle qu'il n'est peut-être pas la personne que je croyais. Quand il m'a avoué que j'étais morte la première fois que l'on s'est vu, il y avait tellement de colère dans sa voix, tellement de frustration... Il ne m'a pas sauvé pour moi, il l'a fait pour ne pas avoir ma mort sur la conscience ! Tous ces "je t'aime" , ces baisers, ces conneries qu'il me disait, comme quoi notre histoire d'amour était réelle, qu'il suffisait d'y croire, tout ça était faux ! Et bien moi je n'y crois pas, voilà ! Je ne crois pas qu'on puisse tomber amoureux d'une personne avant même de l'avoir rencontré, je ne crois pas aux fantômes qui peuvent voler, je ne crois pas qu'on puisse rester perché dans le vide en ayant la sensation d'un sol sous ses pieds, je ne crois pas qu'on puisse s'assoir sur un nuage alors que ce n'est qu'un gaz blanc, et surtout, je ne crois pas que quelqu'un puisse tomber amoureux de moi ! Parce que je suis minable et que je n'en vaux pas la peine. On m'a toujours dit de rester tranquille, de faire confiance à la vie, de sourire poliment en disant oui, et bien je ne suis pas d'accord, moi je dis non, non ! Je crie à en perdre les cordes vocales. Je laisse tomber définitivement mon sang froid et fait place aux sentiments de l'enfer.

En une fraction de seconde tout semble s'évanouir pour faire place à un noir ténébreux, tel des projecteurs qui cessent d'éclairer la scène annonçant la fin du spectacle, ou bien seulement l'entracte. Je me sens chuter en arrière et atterris sur le dos, sonnée. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je me relève à l'aveuglette, la panique me nouant le ventre. Qu'est-ce que j'ai fait ? Tout à disparu, il n'y a rien, absolument rien !

"Luke ?"

Je ne vois rien, je n'entends rien, j'ai peur. Je hurle plus fort encore son prénom et m'accroche au dernier espoir qu'il me réponde, qu'il vienne me rassurer. Mais ceci est bien la preuve que tout cela n'était qu'une illusion, une mise en scène ridicule. Rien n'était réel, pas même lui, son regard, sa bouche contre la mienne. N'était-ce donc qu'un rêve, après tout ? J'étais désespérée au point d'inventer un scénario improbable mettant en scène mes rencontres nocturnes avec un idole de jeune homme qui, pour on ne sait quelle raison, tombe amoureux de cette fille triste et inintéressante, à un tel point qu'il lui demande de se rendre à son tombeau pour embrasser son cadavre. C'est fou, complètement fou. Je suis tellement désespérée que j'en perds la tête. Je comprends pourquoi mes parents ne m'aiment pas, pourquoi tout le monde meurt autour de moi. Je ne suis pas faite pour aimer ou pour être heureuse. Je devrais laisser ce monde tranquille au lieu de continuer à m'y accrocher, je ne lui manquerais pas de toute façon.

Je reprends la vue petit à petit. Je crois que je me trouve dans une pièce, ou bien une caverne, je ne sais pas. Je tourne sur moi même et aperçois un chemin descendant, des escaliers étroits, éclairés par des petites torches qui donnent une teinte rougeâtre à l'air, longeant les bords du chemin. Mon sixième sens me dit que ce n'est pas prudent de s'y aventurer, mais puisque ce n'est qu'un rêve, autant laisser ma curiosité me guider. Je dévale lentement les marches, pas à pas, comme si je n'étais pas pressée de voir ce qu'il m'attendait en bas. D'un côté, je sais que ce que je m'apprête à découvrir ne sera pas très gai, mais j'ai trop envie de savoir. Je passe mes doigts sur les dessins étranges sculptés sur les murs. L'atmosphère me semble de plus en plus pesante. La descente interminable débouche enfin sur une pièce pas très large, décorée de la même manière que le couloir en pente abrupte, et je découvre une étagère pleine de livres plus ou moins épais. En m'avançant je ne remarque que des titres éponymes, inscrits au dos des manuscrits. Je note qu'ils sont tous rangés par ordre alphabétique, j'en lis quelques uns en ignorants les autres pour aller plus vite : Anderson, Asher, Ball, Bilinski, Cleiton, Clifford. Mon coeur déraille lorsque je tombe sur ce nom familier. Je l'attrape et mon regard survole la bibliothèque jusqu'à la lettre H. Je ne trouve pas le livre de Luke. Je vais à D, pour Delay, mais ne trouve pas le mien non plus. Finalement, je suis aussi inexistante que mon copain imaginaire. J'ouvre celui que j'ai dans les mains : Michael Gordon Clifford, né le 20 novembre 1995 à Sydney. Jusque là tout va bien. Je change de page, divers faits étranges sur lui apparaissent, comme par exemple la liste de choses dont il est allergique. Il est également écrit qu'il a été opéré du genou à l'âge de sept ans suite à un accident de vélo. Il a eu une crise d'angoisse à l'école à l'âge de douze ans pour avoir oublié de préparer un exposé et une autre à quinze ans lors de la dissection d'un coeur. Mon regard passe de la page de gauche à celle de droite et je tombe sur la liste des choses dont il a le plus peur :

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