Chapitre 5 : La jeune fille riche

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Elle était douée avec son piano, mais elle était tout aussi douée avec ses mots. J'avais eu la chance de recevoir son aide lorsque j'en avais eu le plus besoin. Et j'avais également été l'une des personnes à qui elle s'était confiée de vive-voix, non à travers sa musique. J'étais fortement touchée par ce geste.

À la veille de mes dix-huit ans, mon père savait parfaitement comment le lendemain se présenterait pour moi. Il me faisait répéter, encore et encore. Je devais être la plus parfaite possible pour ce jour qui était censé être magnifique. Il avait tout planifié, comme d'habitude. Mon père était celui qui contrôlait les moindres détails de ma misérable vie dont aucune décision ne m'appartenait réellement.

J'avais donc pris l'habitude d'être méchante avec les gens qui m'entouraient, en particulier avec celle qui passait le plus de temps avec moi parce que mon père était trop occupé ailleurs : ma gouvernante. J'étais la plus horrible avec elle, surtout après ce qui s'était passé. Elle aurait dû me laisser tomber comme tous les autres, mais elle avait toujours été derrière moi pour me soutenir. Je la remerciais secrètement pour tout ce qu'elle m'avait apporté.

Et, durant une journée d'été, mon père avait décidé que j'étais devenue trop grande pour avoir une gouvernante. Malgré la forte dispute qu'on avait eue, il ne m'avait pas écoutée et avait pris sa propre décision. Il l'avait renvoyée et je savais dès lors que je ne retrouverais jamais quelqu'un comme elle, à l'écoute de moi.

Le jour J, j'avais définitivement perdu l'espoir d'avoir la fête d'anniversaire que j'avais tant rêvée. On m'avait préparée et je m'étais laissée faire, comme un criminel qu'on enverrait à la pendaison.

Mon père avait choisi une robe bleue toute simple, mais qui coûtait extrêmement chère. Un collier de diamants affreusement lourd à porter, mais encore une fois très cher. Des boucles d'oreilles en saphirs très chères. Des talons trop hauts, mais chers. J'avais uniquement eu le droit de décider d'une chose qui n'était pas négociable : porter sa broche dans mes cheveux blonds comme les siens. Et encore, mon père me l'avait accordé seulement parce qu'elle était bleue et qu'elle irait bien avec tout le reste qu'il avait choisi pour moi. Pourquoi est-ce que mon père était-il si cruel ?

Mon seul rôle durant l'entièreté de la soirée était de paraître. Je devais paraître la plus heureuse, la plus charmante, la plus polie et surtout la plus parfaite possible. En somme, je devais faire croire aux autres que ma vie était idéale et que je n'avais aucun souci.

À l'extérieur, j'avais tout d'une jeune fille riche et radieuse, mais à l'intérieur, je hurlais le plus fort possible en espérant que n'importe qui viendrait à mon secours. Un simple regard de compréhension, une simple main tendue, une simple parole, j'aurais tout accepté sans rechigner un seul instant.

Dans la salle, il y avait des milliers de personnes, pourtant, aucune ne remarquait ce que je ressentais au plus profond de mon être. J'avais l'impression d'être à l'agonie dans une cage avec des tonnes de regards braqués sur moi, mais personne pour ouvrir la porte et me sortir de là. Les autres regardaient le spectacle et s'en délectaient. Certains se moquaient, d'autres ne prenaient même pas la peine de poser les yeux sur moi. J'étais une bête de foire dans ce monde rempli de charognards et d'indifférence.

Je ne le remarquais pas à cette époque, mais j'étais en train de creuser ma propre tombe.

Un moment d'inattention et je m'étais éclipsée de cette fête d'anniversaire qui n'était nul autre qu'un immense banquet de prétendants tous plus aveugles les uns que les autres. Je m'interrogeais d'ailleurs sur ce manque de considération du monde qui les entourait. Ils étaient tous enfermés dans leur petit univers idéal dans lequel ils ne se souciaient que d'eux-mêmes et de leur argent qui coulait à foison. Ils m'écœuraient, je ne pouvais plus les supporter davantage.

La Mélodie du CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant