La Mélodie du Cœur

Chapitre 6 : Le rival rempli de haine

Je la détestais. Pour moi, elle n'avait pas sa place parmi nous. Je la détestais, vraiment. En fait, je haïssais tout chez elle, en particulier son comportement que je n'arrivais plus à supporter.

Sa technique était impeccable, digne des plus grands. Seulement lorsqu'elle jouait, rien ne se passait. Aucune émotion ne se découlait de sa musique, il n'y avait que sa perfection qui rendait son jeu monotone et fade. Et le pire, c'était qu'elle gagnait tout le temps alors que, contrairement à elle, je méritais d'être à la première place. Cette place m'était destinée.

J'étais beaucoup plus doué qu'elle, c'était évident. Même Tressa était plus talentueuse que cette fausse prodige. D'ailleurs je ne la comprenais pas. Cette fille était notre ennemie commune, celle qui nous avait permis de nous rapprocher tous les deux. Tressa aurait dû la haïr, tout comme moi, mais elle n'éprouvait pas ce sentiment. Au contraire, elle était même admirative, ce qui me laissait toujours perplexe.

Ce que je haïssais le plus chez cette fausse prodige, c'était son caractère. Elle était tellement hautaine. Jamais un regard vers les listes des sélectionnés. Jamais une écoute du jeu de ses adversaires. Jamais une attention portée vers Tressa ou moi. Elle savait déjà qu'elle allait gagner et ne prenait pas la peine de montrer son intérêt. Elle venait, jouait, puis repartait comme si de rien n'était. La seule véritable compétition durant ces concours était entre Tressa et moi pour savoir lequel de nous deux serait en deuxième ou troisième position. Mais rien d'autre.

Je la détestais. À chaque fois que je la croisais, j'avais l'impression de voir un robot qui obéissait à je ne savais quels ordres. Elle ne prenait plus de temps pour sa musique. J'étais si énervé contre elle.

Je devais l'avouer, même si ça me faisait mal, mais au début elle avait un immense talent et une technique qu'elle savait tirer à son avantage. Cette technique était loin d'être parfaite, mais elle rendait sa musique humaine et magique. Seulement avec le temps, ça s'était dégradé. Avec le temps, elle ne faisait que reproduire note après note sa partition. Avec le temps, elle ne jouait que pour la gloire et le succès qui lui étaient montés à la tête. Il n'y avait plus rien à en tirer.

Puis un jour, elle avait subitement décidé de partir, sans ne rien dire à personne. Au moment où j'avais appris qu'elle arrêtait de jouer, j'aurais dû ressentir une immense joie. C'était enfin l'occasion de me mettre en avant et de montrer à tout le monde qui était le véritable « Prodige James ». Mais je ne ressentais pas ça, c'était tout le contraire. J'avais une telle rage de la vaincre que son départ m'avait mis hors de moi.

Je voulais la battre, l'humilier, me faire remarquer. Je voulais être enfin vu par ses yeux si longtemps fermés à la compétition. Je voulais lui montrer à quel point mon talent surpassait le sien. Je voulais la voir revenir parce que je trouvais ça injuste qu'elle parte sur un coup de tête, sans penser aux autres.

Et, parce que je savais que la musique était importante chez les musiciens, en particulier chez elle, j'étais persuadé qu'elle reviendrait un jour ou l'autre. C'était un sentiment d'une puissance telle qu'on était obligé d'y répondre à un moment donné. Alors je m'entraînais tous les jours pour ne pas perdre le rythme, son rythme. Je m'acharnais sur mon clavier. Je devais me tenir prêt.

Et je ne m'étais pas trompé. Quelques années plus tard, elle était revenue pour participer à un concours qui avait lieu tous les dix ans et qui rassemblait les plus grands talents du piano, mais aussi les jurys les plus exigeants et impitoyables du milieu. Ce concours était une véritable chance pour quiconque souhaitait faire du piano son métier car il offrait aux trois personnes du podium l'opportunité d'intégrer le conservatoire le plus prestigieux du pays. C'était une occasion à ne pas louper et je me refusais de la rater parce que je la méritais amplement.