22.

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J'avais mal dormi, comme je l'avais prévu. Vers ce qui m'avait semblé quatre heures du matin, le père de Kim était rentré et s'était écroulé comme une masse dans le futon près de nous. Il sentait tellement fort l'alcool que ça m'avait pris au nez mais je n'avais pas pu voir à quoi il ressemblait, j'avais seulement entendu ses ronflements le reste de la nuit jusqu'à ce que le jour se lève et qu'un réveil sonne.

Kim et moi nous étions levés sans un mot, nous n'avions pas déjeuné, seulement enfilé nos uniformes, puis avions pris la route jusqu'au lycée. Quarante-cinq minutes de bus et de marche à pied.

Visiblement, Kim ne semblait pas vouloir parler et je n'étais moi-même pas d'humeur à prononcer un mot. En arrivant au but, j'étais déjà fatigué par le trajet mais avec le peu de monnaie que j'avais sur moi, je pris un beignet à la pâte d'haricot rouge à un stand de rue et en offrit un à Kim qui déclina d'abord, mais tenté ensuite par mon insistance, il finit par l'avaler d'une traite. On arriva in-extremis à l'heure de la sonnerie et je le laissai dans l'escalier qui menait au deuxième étage tandis que je montais quatre à quatre les marches qui me guidaient au troisième niveau.

Je me sentais presque étranger à moi-même. Entre la réalité et les cauchemars, comme un entre-deux où j'ignorais si je devais me réveiller ou fermer les yeux.

Garder les yeux ouverts toute la journée pour écouter les cours se révéla une torture insoutenable. Je finis par clairement tout abandonner durant les deux dernières heures et m'assoupir, le nez sur mes notes.

Enfin, quand la journée se termina, je n'eus aucune envie de rester à la bibliothèque étudier. Je n'avais ni le cœur ni la tête à ça. Sur le seuil du portail de l'établissement je me résolvais alors à devoir rentrer au domicile familial.

Mes pas furent lourds et trainants, indécis et inquiets, et j'osai croire, dans un espoir fou et naïf, qu'en arrivant mon géniteur serait toujours là. Malheureusement, ce ne fut pas le cas et ma déception fut douloureuse lorsque se referma derrière moi la porte d'entrée et que je constatai un vide à l'emplacement de ses chaussures. Ma génitrice accourut en m'entendant arriver, elle portait encore et toujours son tablier :

-Yooni ! J'étais si inquiète ! J'ai appelé le lycée, ils ont dit que tu étais en cours...

-Désolé, éludai-je sans relever le regard, dans la contemplation du vide.

-J'ai essayé d'appeler ! Je ne savais pas où tu étais, passer la nuit dehors c'est...

Alors il était vraiment parti, n'est-ce pas ? Tout ce dont je me souviendrais alors, ce serait ce sac de sport débordant d'affaires jetées à la va-vite. Un dernier souvenir peu réjouissant. Ma génitrice dut suivre mon raisonnement parce qu'elle s'exclama rapidement :

-Je prépare le dîner !

-Écoute, tentait-je, il faut qu'on parle de...

-Non !

La force de sa voix me fit sursauter et me réveilla soudain de mon état transitoire.

-Non, non, non et non ! asséna-t-elle. On ne parlera pas de ça.

C'était si typique d'elle. Pourquoi alors en étais-je si surpris ?

-Il n'y a pas à nous inquiéter, ton père va rentrer.

Je levai un sourcil sceptique mais elle fit mine de ne pas le voir.

-Il va revenir.

Elle semblait sûre d'elle et c'était ce qu'il y avait de pire. Quand nous étions convaincus d'avoir raison, rien ne pouvait nous faire changer d'avis, n'est-ce pas ?

L'AccidentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant