50.

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Cinq années.

C'était à la fois très long et très court, à la lumière du temps et de son paradoxe. Ça me donnait l'impression étrange que c'était hier que Taehyung avait été diplômé de son école d'art et pourtant, cela pouvait paraître si loin après tout ce qu'il s'était passé depuis ce jour-là.

Voilà que cinq années s'étaient écoulées et en ce jour de printemps, tandis que la chaleur avait commencé à arriver doucement sur la capitale, j'abattis la masse contre le mur de l'appartement. Le bruit fut saisissant et l'objet s'enfonça dans le plâtre comme s'il s'agissait de feuilles de papier. Reprenant mon souffle, je retirai l'outil, avant de recommencer jusqu'à ce qu'une ouverture permette de distinguer l'appartement voisin, entièrement vide.

J'entendis le déclic d'un appareil photo et me retournai, les sourcils froncés.

-Tu es censé m'aider, je te rappelle.

-Pardon, pouffa Taehyung en posant son appareil photo sur un des nombreux cartons qui encombraient la pièce. Je n'ai pas pu m'en empêcher.

Il s'approcha dans mon dos, m'enlaça et embrassa ma nuque avant de murmurer d'un ton qui allait me faire râler :

-T'es sexy comme ça.

-Prends cette fichue masse et aide-moi à casser le mur.

-Oui chef, scanda-t-il de bonne humeur.

En chœur, on reprit notre effort jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de parois entre notre mur et celui de l'appartement voisin. Bientôt, ces deux logements n'en formeraient plus qu'un seul.

Il y a quelques mois de cela s'était imposé un choix de vie. Ni Taehyung, ni moi ne voulions déménager mais il nous avait fallu reconnaître que le logement était petit pour deux personnes. Pourtant, rester dans cet immeuble et ce quartier nous convenait.

Longtemps j'avais eu un doute. Lorsque le moi du passé, qui n'avait pas oublié son ancienne vie, avait choisi cet endroit spécifiquement sur Séoul, j'avais eu l'impression que ça n'avait pas été par hasard. Le prix de l'immobilier commençait sérieusement à grimper sur la capitale et le quartier voisin était en travaux pour créer une zone commerciale d'ici trois ans. Il n'avait pas été difficile de calculer, que d'ici quelques années, le loyer de cet immeuble que nous habitions vaudrait trois fois le prix actuel.

D'un commun accord, Taehyung et moi avions décidé de garder l'appartement mais de l'agrandir.

J'étais mentalement décidé à faire des travaux, ou plutôt, je voulais le faire. J'éprouvais le besoin de travailler de mes mains, apprendre à casser et reconstruire, créer, poser des parquets, redéfinir architecturalement un espace. Tout cela me passionnait.

Sun avait dit que ça me ressemblait bien d'agir ainsi.

Taehyung, lui, me laissait faire. Il avait seulement imposé de s'occuper de la peinture des pièces et de la décoration.

Voilà que cinq ans s'étaient écoulés depuis son diplôme. Il avait brillé par son absence lorsque l'académie des Arts lui avait validé ses années. J'étais celui qui avait dû se rendre sur place pour chercher son document car ce jour-là, sous la floraison des cerisiers, il se trouvait à des milliers de kilomètres de là. Les prédictions de Mme Kwon s'étaient avérées justes. En voyageant, en parcourant la planète, en rencontrant des artistes et des professionnels du milieu, Taehyung avait trouvé sa place. Il avait participé à des projets artistiques à plusieurs mains, des expos de photographie et surtout de peinture à travers le globe.

Il peignait toujours autant, mais il aimait me répéter qu'il préférait peindre dans cet appartement. C'était son endroit d'ancrage.

Notre logement ne pouvait rester indéfiniment un local à peinture. Il était temps qu'il ait un véritable studio. Après des années de hauts et de bas, dans cette bataille à la stabilité psychique, nous avions trouvé un juste-milieu entre les disputes et la plénitude.

L'AccidentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant