Lorsque j'ouvre les yeux, je me trouve étendu dans l'herbe, au milieu d'un champ de fleurs. Je me demande où je suis, je n'en ai aucun souvenir. Mais je ne panique pas. Je me sens bien ici. J'ai l'impression de flotter sur les plantes, je ne les sens même pas... je me redresse difficilement, mes membres me paraissent engourdis. Les herbes hautes me masquent la vue. Je contemple un moment les pétales pourpres et froissées des coquelicots, les abeilles qui butinent tranquillement, avant de me relever pour de bon.
J'ai l'impression d'avoir déjà vu cet endroit. L'horizon est un peu trouble au loin. Je ne me sens pas dans mon état habituel. Comme si j'étais drogué. Est-ce que je suis en train de rêver ? L'atmosphère commence à m'angoisser, pourtant le paysage est splendide. De la végétation à perte de vue, un ciel azur et le chant lointain des oiseaux. Je me fraye un chemin entre les friches et manque de trébucher sur les mottes de terre.
Il n'y a que moi ici ?
C'est là que je remarque au loin des rosiers jaunes. Et un jeune homme, qui me tourne le dos, respirant les fleurs. Il a des cheveux noirs bouclés et il est fin, mais il me semble musclé sous son tee-shirt noir. Peut-être qu'il en sait plus que moi sur cette situation ! Je m'empresse de le rejoindre, l'interpelant :
"Hé !"
Le garçon se retourne et me dévisage, l'air serein comme s'il s'attendait à ma présence. Ses yeux noirs pétillent de malice. Je fais halte, troublé par sa beauté. Un faible sourire s'esquisse sur ses lèvres rosées. Il glisse une des mèches rebelles derrière son oreille. Il attend que je m'approche, la tête légèrement penchée.
Je déglutis. Je ne le connais pas, moi ! J'ai des troubles de mémoire ou quoi ? Plus je me dis que tout ça ne tourne pas rond et plus je sens le décor évoluer autour de moi. Je recule, effrayé. Les fleurs disparaissent une à une ! Le jeune homme se rend compte de ma détresse et s'avance vers moi, la main tendue comme s'il voulait me retenir. Il dit quelque-chose que je n'entends pas. Mon rythme cardiaque s'emballe. Les herbes commencent à grandir et à m'encercler, le ciel s'obscurcit, je ne vois plus le garçon...
Je me réveille en sursaut.
En constatant que je me trouve bien dans mon lit et dans ma chambre, j'ai un soupir de soulagement. Je suis trempé de sueur. Je me redresse et ramène mes genoux contre ma poitrine, perturbé par cet étrange rêve. Je revois encore nettement le visage du jeune homme, qui m'est inconnu. Comment puis-je imaginer aussi distinctement un visage que je n'ai jamais vu auparavant ?
Je me recouche et ramène les draps sur ma tête, un peu affolé. Je dois me rendormir, j'ai cours dans quelques heures ! Je ne peux pas me permettre de rester éveillé à ressasser cette expérience troublante. Alors je respire un bon coup, ferme les yeux et chasse de mon esprit le visage du garçon.
Je rentre épuisé par ma journée de cours, ce soir-là. En déposant mon sac dans le salon, je tombe nez à nez avec le tourne-disque que j'avais laissé sur la table. Il semble me défier. Est-ce que je vais oser écouter une autre chanson ? Après tout, il ne s'est rien passé quand mes amis sont venus. Peut-être que je me fais du soucis pour rien.
Je m'affale donc en face de l'appareil pour choisir un vinyle au hasard. Je dépose le disque avec des doigts tremblants. Il a du mal à démarrer, c'est comme s'il était rouillé. En même temps, c'est un vieux tourne-disque trouvé sur une brocante. Le son enjaillé d'un accordéon s'élève alors dans les airs. Durant les premières minutes, il ne se passe rien. Je suis un moment grisé par cette musique d'un autre temps...
C'est là que l'appareil se met à grésiller, et qu'entre deux notes discordantes, j'entends à nouveau cette voix grave mystérieuse, venue d'ailleurs.
J'ai un frisson à l'écoute de cet écho vibrant. Cette fois, je n'ai pas rêvé. C'est exactement la même voix qu'hier, alors que ce n'est pas le même disque.
Une partie de moi voudrait arrêter le vinyle et rapporter une bonne fois pour toute ce tourne-disque de malheur à la brocante. Mais une autre partie de moi, captivée par ce timbre inconnu et piquée de curiosité, souhaite en entendre davantage. Je reste donc figé sur ma chaise, abasourdi.
Les mots se font plus distincts à mesure que mon teint blanchit. C'est alors que je peux clairement percevoir, par-dessus la musique qui tressaute, les mots :
"Je m'appelle Jungkook. Tu m'entends ?"

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LE MESSAGER (Jikook)
Fiksi PenggemarLe disque vinyle a du mal à démarrer, c'est comme s'il était rouillé. En même temps, c'est un vieux tourne-disque trouvé sur une brocante. Je suis un moment grisé par cette musique d'un autre temps... c'est là que l'appareil se met à grésiller, et q...