Chapitre 64

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Le médecin n'attendit pas la réponse de celui-ci avant de se lever.

- Bien. L'audience est suspendue jusqu'à quinze heures.

*

Le légiste qui s'était occupé de Marina était à la barre.

- Docteur. Fit Brown.

- Avez-vous oui ou non récupéré les vêtements de Mademoiselle Sullivan le soir du vingt-sept juin ?

- Objection votre honneur. Le témoin n'a jamais affirmé ça. Fit le maître Azéri.

- Je reformule. Avez-vous fait partie de l'équipe qui s'était chargé de mademoiselle Sullivan la nuit de vingt-sept juin ?

- Oui monsieur.

- Dîtes-moi, pourquoi avoir fait appel à un médecin légiste pour un accouchement ?

- Voyez-vous maître, il ne s'agissait pas d'un simple accouchement. Il s'agissait aussi d'une victime d'agression. J'ai eu affaire à ce genre de situation plus d'une fois. Mais cette fois-ci, la victime était non seulement vivante mais aussi enceinte. Et je l'avais déjà vu plusieurs fois. Je n'étais pas permanent dans cet hôpital mais je pense l'avoir vu plus de fois qu'il n'en faut. Elle était trop régulière. Beaucoup trop. Elle était presque devenue une infirmière. Fit-il dans un rire.

- Elle avait peur pour ses bébés. Peur de faire une erreur. Vous savez quoi ? Un jour je l'ai vu devant la morgue de l'hôpital. Elle me regardait ranger. Je venais de finir l'autopsie d'une femme qui avait presque son âge.

Il prit une pause avant de continuer.

- Elle avait poussé son dernier soupir entre les mains de ses agresseurs.

- Objection votre honneur. Aucun rapport avec le cas ci.

- Taisez-vous maître. Veuillez continuer docteur Hank. Fit le juge.

Le médecin eut un rire amer.

- Lorsque j'ai fini je l'ai rejointe. Je lui ai demandé si elle avait un parent à l'intérieur. Elle l'a répondu, je cite. "Non. J'ai peur de m'y retrouver moi-même en laissant mes enfants seuls au monde. Certes ils ne seront pas tout à fait seuls mais ils le seront quand même".

Flashback

- Voyez-vous mademoiselle, vous devriez penser à vos enfants et vous donner la force de chasser ce genre d'idées.

- Ça fait mal ? Demanda-t-elle d'une toute petite voix.

- Quoi ?

- La mort.

- Je suis très mal placé pour vous répondre. Vous avez peur d'elle ?

- Oui ! Pour mes enfants ! Comment faites-vous ?

- Disons que chaque corps qui franchit cette porte a une histoire. Et lorsqu'ils franchissent cette porte, je leur demande la permission de la connaître, afin de mieux raconter ce qu'ils ne peuvent plus dire de leur bouche.

- Et pour les victimes d'agression sexuelle ?

- C'est pareil, mademoiselle.

- Très bien, si un jour, je franchis cette porte sur un brancard, alors découvrez mon histoire et dites-leur tout avant de les laisser m'ensevelir. Vous avez déjà ma permission.

Elle tourna les talons puis s'en alla, laissant le légiste perplexe.

Fin du flashback

- J'étais plus qu'étonné de voir une personne parler comme ça. C'est comme si elle avait prévu sa propre mort, ou qu'elle prévoyait se faire agresser sexuellement jusqu'à son dernier souffle. Elle paraissait très tourmentée. J'en ai parlé à son médecin qui m'a assurée qu'elle allait bien. Je n'ai pas insisté plus. Mais je lui fais promettre de lui conseiller un psychologue s'il remarquait quelque chose ou de lui proposer tout simplement son aide si elle avait des problèmes. Alors, ce soir-là, lorsque le docteur Murphy a fait appel à moi, j'ai compris.

La Maitresse Bafouée [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant