Le Sanctuaire Perdu | Rejetée Par Sa Meute

Chapitre 12

Publié le  16/06/2021

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Le lendemain de ma première chasse, je m'étais réveillée avec un élan d'optimisme assez rare pour être noté. Une bonne nuit de sommeil était venue à bout de ma mélancolie de la veille, et j'en étais rassurée. Je m'étais trouvée absolument ridicule, avec mes ruminations – tout ça parce qu'en rentrant, j'avais aperçu la lumière qui filtrait depuis le bureau de l'alpha.

Il faut dire que je n'avais plus reparlé à Flavien depuis que j'étais guérie : nous ne faisions que nous croiser. Il était toujours très entouré, généralement pris dans de grandes conversations, et je me contentais de lui adresser de lointaines salutations. J'essayais de rester à ma place et de ne plus trop penser à lui, mais je ne pouvais pas m'empêcher de regretter l'époque où il s'occupait de moi. Sauf qu'il était tout de même l'alpha, malgré ses excentricités.

À ce sujet, j'étais comme tous les autres loups du Pin d'Airin : plus le temps passait, et plus j'étais surprise des différences entre les deux meutes. Tout le monde semblait penser que la Vallée aux esprits resterait sans Luna tant que Flavien serait à sa tête, mais je n'avais toujours pas compris pourquoi. Quand on posait des questions à ce sujet, la plupart des loups préféraient détourner la conversation, et tout ce que je savais, finalement, c'est que c'était Flavien qui était à l'origine de la plupart des originalités de sa meute. Quand il avait pris sa tête, il avait décidé de faire les choses très différemment de ses propres parents : partager le pouvoir avec les bêtas, diminuer sa propre autorité d'alpha, et assumer à la place les fonctions qui auraient dû revenir à la Luna. J'avais effectivement remarqué qu'il passait beaucoup de temps à servir de médiateur pour régler les conflits, et qu'il rendait des visites très régulières aux familles qui venaient d'avoir des louveteaux.

Le plus étrange, dans cette affaire, c'est que ces innovations avaient été très bien acceptées. Les loups-garous étaient pourtant connus pour leur amour des traditions – les humains employaient même le terme de « réactionnaires ». A titre personnel, je ne savais pas quoi penser. La seule chose de sûre, c'est que je détestais imaginer l'âme-sœur de Flavien. Cette simple idée suffisait pour que des nœuds tout à fait désagréables se forment dans ma gorge.

Une potentielle Luna serait sans doute sociable et charismatique, avec un caractère aux antipodes du mien – et ça me rendait amère de le reconnaître. J'étais à deux doigts d'être jalouse d'une image mentale, ce qui était d'autant plus absurde que je préférerais mourir que d'avoir à assumer une charge de Luna. C'était une fonction tout à fait incompatible avec mon caractère : moins je parlais en public, et mieux je me portais.

Cela étant dit, la question n'avait pas à se poser. Ma relation avec Flavien était revenue à la normale, ce qui signifiait que je devais rester à une distance respectable. Même si j'avais eu le sentiment d'être spéciale à ses yeux, il fallait bien reconnaître que je n'étais rien pour lui. Et il fallait que j'arrête de penser à l'alpha comme je le faisais, même si j'en tirais un plaisir douloureux qui me chatouillait le ventre.

Tout en essayant de me raisonner, je me suis préparée avec entrain. Je finis même par me trouver satisfaite de mon reflet dans le miroir : ma robe vert d'eau épousait mes formes et faisait parfaitement ressortir la couleur de mes yeux. Je caressai un instant l'idée que ma tenue pourrait attirer l'attention de Flavien – et puis je repris mes esprits, et je partis déjeuner, tout à coup affamée.

Lorsque je rejoignis Valentine et Marin à leur table, je remarquai qu'ils avaient l'air d'aussi bonne humeur que moi.

« Bien remise de la chasse ? Me demanda Valentine avec enthousiasme.

– À merveille, fis-je sur le même ton. J'ai eu l'impression d'expulser tout mon stress.

– C'est qu'il n'y a rien de meilleur ! » rit un loup assis à la droite de Valentine.