Réveil

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     Le temps s'était rafraîchis tout d'un coup. La douceur du matin caressait ma peau, accompagnée par la sensation de gouttes d'eau froides ruisselant contre mon visage. Je pouvais sentir les odeurs de la forêt, l'écorce mouillé, le boisé des pins, les fleurs qui toutes ensemble se mêlaient dans un parfum envoûtant, les fougères à peine poussées.. Le son que produisait la pluie tout autour de moi était agréable, reposant même. Tout ça formait ensemble comme une mélodie rassurante qui lorsqu'on l'entendait n'avait pas plus d'impact que ça sur nous, mais que dès qu'on ne l'entendait plus son absence venait subitement à nous manquer. Je vouais rester là à me laisser bercer par cette atmosphère qui me faisait presque oublier tout ce que je venais de voir.
     Je rouvris les yeux tout doucement, le visage de Stiles se dessinant peu à peu devant moi. Il me regardait calmement, ses iris fixés dans les miens, sa bouche scellée, l'air éteint. Sa respiration s'était calquée sur le vent léger caressant nos cheveux sans un bruit. Sa main était toujours dans la mienne, ayant desserré sa poigne. Nous nous dévorions du regard, n'ayant plus que l'autre en tête en cet instant. Tout était là, il ne maquait plus une seule pièce du puzzle. Le corps reposant entre nous n'avait plus aucun secret pour nous. Et chacun d'entre nous connaissait l'issue de l'histoire. Nous ne voulions pas rompe cette bulle de temps dans laquelle nous étions pour le moment enfermés. L'aube était à nos portes, mais pourtant tout semblait s'être arrêté, comme figé. Et nous avec. En détaillant le visage du garçon qui se tenait devant moi, je me rendis compte que ses larmes se mêlaient à la pluie comme pour se cacher. Sans doute en étais-ce de même pour moi. Peu importait.
     Je le vis entre-ouvrir sa bouche, ses lèvres laissant apparaître un discret fil de salive lorsqu'elles se détachèrent l'une de l'autre. Il inspira profondément, hésitant à rompre ce silence qui s'était déjà installé depuis une éternité. Mais il les joignit de nouveau, retenant un sanglot alors qu'une nouvelle goutte quitta ses cils pour rouler tout le long de sa joue. Sa main avait recommencé à trembler dans la mienne. Je la serrai davantage, sentant son étreinte se faire à son tour. Et imitant ses comparses, mes yeux se mirent aussi à pleurer. 
     Nos émotions commençaient à nous regagner. Notre tristesse grandissait dans notre poitrine, se mélangeant à l'amour qui y était réapparu comme si il n'avait jamais cessé d'exister. J'entendais mon cœur battre dans mes oreilles, dans mes veines, dans mes tempes. Tout comme j'entendais celui de Stiles battre dans sa paume. Tout deux chantaient à l'unisson, produisant une mélodie teintée de bleu. Il essaya à nouveau, la gorge nouée par la peine.

     - J'ai vu mes souvenirs.. Derek..
     - J'ai aussi vu mes souvenirs.. Stiles..

     Il hocha la tête, déglutissant alors que son regard fuit partout sauf sur moi. Il renifla, sentant le froid pénétrer son corps à l'en faire tomber malade. C'était presque comme si il était à nouveau vivant lorsqu'il se tenait sur cette souche. Il fît rouler sa gorge, la dégageant pour reprendre la parole.

     - Et.. J'ai aussi vu tes souvenirs.. Derek..
     - J'ai aussi vu tes souvenirs.. Stiles..

     Il me regarda à nouveau, prit par les assauts de ses larmes. Il ferma la bouche, n'ayant rien d'autre à ajouter que ces mots. Sa gorge se contracta à nouveau lorsqu'il avala sa salive, crispant son visage dans une expression douloureuse. Ses doigts filèrent entre les miens, les abandonnant à leur solitude. Il s'aida à se lever en prenant appui sur ses poignets, puis il me tendit sa paume ouverte pour m'inviter à la saisir. Je pris un instant pour observer les lignes de sa main entachées par la terre avant de la prendre pour à mon tour me remettre debout. Nous nous faisions désormais face. Son regard emprisonna le miens. Je ne pouvais plus regarder nulle pars ailleurs. Lui non plus. Nous avions vu. Nous avions tout vu. Nous savions tout. Et il nous était maintenant impossible de voir autre chose que l'autre. Plus rien ne comptait hormis nous,. Hier, aujourd'hui, demain. Nous.
     Ses bras quittèrent le long de son corps, faisant relever ses mains fébriles jusqu'à mon visage qu'elles saisirent en leur creux. Ses pouces caressèrent doucement mes joues, dessinant mes pommettes sous leur extrémité. Il réapprenait mes traits qu'il avait un jour connu par cœur. Mes mains s'en allèrent à leur tour explorer, se posant sur ses hanches avant d'y laisser glisser mes avant bras. Enlaçant cette galbe, elles aussi réapprenaient ses formes dont elles semblaient toujours se souvenir. Nos torses s'appuyèrent l'un contre l'autre, provoquant un concert de pulsions cardiaques dans nos cages thoraciques alors que nos respirations s'étouffèrent sous la pression. Et alors qu'enfin le froid nous avait quitté pour laisser sa place à une sensation chaleureuse qui envahissait nos corps, nos lèvres s'unirent dans une passion tendre et amoureuse.
     L'étreinte se fît si forte autour de moi que je cru me rompre sous elle. Je n'osai pas en faire de même de peur de le briser dans mes bras. C'était si bon d'à nouveau pouvoir le sentir contre moi, ce garçon que j'avais tant aimé. Comment avions-nous seulement été capable d'oublier un tel sentiment? Je le ressentais à nouveau si fort que j'eu l'impression que ma poitrine allait exploser. Stiles Stilinski. Stiles Stilinski. Stiles Stilinski. Stiles Stilinski. Stiles Stilinski. Stiles Stilinski. Je gravais à nouveau son nom dans ma mémoire, terrifié à l'idée de le laisser s'échapper encore une fois. Je voulais le hurler sur les toits de Beacon Hills. Le chanter sous la pleine lune une nuit d'automne. Le graver sur l'écorce d'un arbre centenaire. Le tatouer sous ma peau. Pourvu qu'il ne disparaisse plus jamais de mon esprit. Je suppliais, je priais, j'implorais tout ce qui pouvait m'entendre faire cette demande. Celle qu'on ne me l'enlève plus jamais.
     Mais dans tout ça, j'en oubliais un élément essentiel. J'avais beau prier, je me rendais bien compte qu'il était déjà trop tard pour exaucer mes vœux. Stiles était déjà mort depuis bien longtemps. Et son corps reposait juste là, à mes pieds. Ce baiser auquel nous refusions de mettre un terme n'était rien d'autre qu'une illusion du Nemeton sur lequel nous nous tenions debout en ce moment même. Mais une fois quittés ses cerclages, le corps du garçon que j'aimais s'évanouirait dans mes bras, me rendant à nouveau incapable de le toucher. 
     Ce fût Stiles qui prit l'initiative de relâcher mes lèvres. Il posa son front contre le miens, serrant ma nuque entre ses paumes alors que ses doigts glissèrent dans la base de mes cheveux pour les caresser tendrement. Il se mordit la lèvre, relâchant son premier sanglot depuis notre éveil. Il réalisait sans doute la même chose que moi. Nous étions cruellement condamnés à être séparés l'un de l'autre pour l'éternité. Je vins englober son visage moi aussi, le relevant pour le faire me regarder. Et avant qu'il ne rouvre la bouche, je vins y joindre la mienne pour échanger un nouveau baiser. Puisque nous n'arrivions pas à nous parler, alors pourquoi ne pas juste s'embrasser?
     Cet échange-ci dura moins longtemps que le premier, prenant fin cette fois de mon fait. Je n'arrivais plus à bien distinguer le visage de Stiles, mes yeux embrumés par les larmes qui s'y étaient accumulées. Et lorsqu'il ne fût plus possible de les y laisser reposer, elles quittèrent mes yeux pour couler auprès de leurs consœurs déjà séchées depuis un moment. Le jeune homme frotta tendrement son nez contre le miens, violentant encore une fois sa lèvre sous l'assaut de ses dents. Puis son souffle devint profond, annonçant de nouvelles paroles.

     - Je suis désolé..
     - De quoi est-ce que tu t'excuses Stiles..?
     - Mon corps est ici.. Il repose sur le Nemeton.. Il n'est pas auprès de toi..
     - Mais toi, ton âme est auprès de moi..
     - Tu comprends bien que je ne vais plus pouvoir te suivre, n'est-ce pas Derek..?

     Je hochai la tête, comprenant ce qu'il essayait de me dire. Je me souvenais de pourquoi son esprit était resté parmi nous. Je me souvenais des paroles qu'il avait échangé avec ma mère le jour de sa mort. Et je savais pourquoi son corps était resté sur le Nemeton, intouché, depuis deux ans déjà.

     - Oui.. Je le comprend..
     - Je me suis souvenu.. Et je sais maintenant pourquoi j'ai décidé d'oublier.. Mais je ne peux pas te dire adieu encore une fois.. C'est trop dur..
     - Et je ne veux pas non plus t'oublier de nouveau..
     - Derek.. Je ne veux pas que tu m'attendes.. Je suis mort tu comprends..? Il n'y a rien à faire pour que je revienne un jour auprès de toi..
     - Je t'attendrai.. Pour toujours si il le faut..

     Il hocha la tête dans un geste vif, refusant mes paroles. Ses mains se serrèrent plus fort autour de mon visage, terrifié à l'idée de me laisser partir. Mais c'était ce qu'il voulait, et ce dont il essayait de me convaincre.

     - Non non.. Je ne veux pas te condamner à ça.. Tu ne me retrouveras pas dans l'au-delà Derek.. Mon âme est la Gardienne de ces lieux, je ne reposerai jamais en paix auprès de mes proches.. Je ne trouverai jamais le salut.. Je resterai ici jusqu'à ce que le monde s'éteigne.. C'est mon destin..
     - Ça m'est égal.. De ce jour jusqu'à l'éternité, je veux que tu saches que quelqu'un t'attend. Même si nous sommes amenés à ne jamais nous revoir..
    - Non non.. Non..

     Il pleura davantage, fermant les yeux pour se cacher cette dure réalité. Dans la vie ou dans la mort, jamais nos âmes n'allaient pouvoir se rejoindre. C'était son fardeau, et je ne voulais pas qu'il le porte seul.

     - Stiles.. 
     - Derek..
     - Stiles. Pour toujours.
     - Non non.. Non.. Non..
     - Que tu le veuilles ou non, c'est ce que je compte faire.. Si je suis l'amant d'un Gardien du Nemeton, je souhaite m'en montrer digne et lui rester fidèle jusqu'à la fin des temps.

     Stiles m'attira contre lui, se saisissant de mes lèvres pour me faire taire. Ce baiser était pleins de fougue, nos corps se serrant l'un contre l'autre dans une hargne intrépide. Il m'aimait et je l'aimais. Et il semblait m'accorder ce droit de l'éprouver pour l'éternité. La peine m'accompagnerait pour toujours, mais n'étais-ce pas le destin qu était aussi réservé à Stiles? Il rompit notre baiser, perdant presque haleine. Il appuya son front contre le miens, fermant les yeux en se sentant pleurer davantage. Sa voix se tordit, se transformant bientôt en cris de désespoirs. Le garçon souffrait. Il savait que je souffrais. Et nous savions que ce serait à jamais. Il tenta de se reprendre, sa respiration forte et saccadée. Puis il secoua la tête, son étreinte plus agrippée dans ma nuque.

     - Je suis désolé..
     - De quoi est-ce que tu t'excuses Stiles..?
     - Je t'aime Derek..
     - Moi aussi je t'aime Stiles..
     - Pardonne-moi..
     - Stiles..?
     - Pardonne-moi Derek..

     Et sans qu'il n'ajoute un mot, tout devint sombre. Je n'étais plus, à nouveau. Je me sentis me briser, comme si on me retirait une partie de moi. C'était aussi atroce que de se faire arracher le cœur. D'ailleurs étais-ce peut-être ce que l'on était entrain de me faire, car mon amour s'envola avec lui. Plus rien n'était. Encore.


     Je courais partout dans Beacon Hills, mon café à peine chaud serré dans la main. Il était temps que je me trouve une place pour siroter ce nectar revigorant que j'avais tant peiné à obtenir dans mon café du coin ! J'étais bon pour le boire froid à ce rythme. Entrant dans le parc, mon œil fût attiré par le seul banc de libre qui ornait la fontaine. Les autres étaient tous pris par des couples ou bien des groupes d'amis se rejoignant là pour échanger et s'amuser ensemble. C'est donc seul que j'allai poser mon derrière sur ce banc qui me semblait tout à coup bien trop vite. Alors que je portai mon café à mes lèvres, mon regard se posa sur la place vide à côté de moi, comme si je m'attendais à y voir quelqu'un. Sans doute le fruit de mon imagination, mais j'aurais juré y voir un jeune garçon assis à l'instant.

Le garçon de l'autre monde ( Sterek Fanfiction FR )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant