9. un mal pour un bien

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– home, one direction



— Frenkie ! une voix aiguë et imprégnée d'un accent espagnol s'élève dans son dos. T'as pas soif ? On a fait de la sangria ! Juste une fois !

C'est Riqui, deux grands verres rouges dans les mains. Il porte toujours ce sourire qui plisse ses yeux de bonheur, et l'énergie d'une nuit éveillée semble le rendre encore plus jovial que d'habitude. Certainement l'alcool, aussi. Frenkie pose son menton sur la main qu'il a posée sur son genou replié pour le regarder. Dans les échos d'une musique trop dansante, il ne l'a pas entièrement compris mais en lisant brièvement sur ses lèvres et remarquant ses mains chaleureusement occupées, il refuse. Il ne boira pas ce soir.

Surtout pas ce soir.

Riqui insiste, faisant des grands gestes avec ses bras, mais une autre silhouette emportée par la folie de leur victoire l'attrape sur la piste. C'est Antoine, qui l'entraîne dans la maison. Il lui murmure un truc à l'oreille qui fait poser le regard de Riqui sur eux d'un air à la fois curieux et amusé. Frenkie essaie de ne pas se laisser aller à son tressautement : il n'a pas dévoilé leur secret.

Ils se retrouvent à nouveau seuls. Enfin. Non, seuls entourés d'une vingtaine de fêtards à quelques mètres d'eux qui pourraient, au hasard d'une oreille attentive, lire entre les paroles qui attendent de s'envoler dans la clarté du ciel.

— T'es revenu ? Frenkie engage pour la forme.

Quand Frenkie a suivi Memphis pour qu'ils atterrissent tous chez lui, Matthijs n'était pas là. D'ailleurs, c'était la raison principale qui a fait qu'il voulait partir. Mais il s'est dit que même s'il est une partie immense de sa vie, il y a ses amis dans cette maison, il y a Memphis, il y a Pedri, il y a Ousmane et Marc-André, et il peut tout autant s'amuser avec eux. Même si ça inclut de devoir chanter faux et de sauter comme un idiot parce que la musique bouge autant que lui. Ça reste amusant.

Et puis il l'a trouvé là, au bord de la piscine, seul face à lui-même comme il aime parfois l'être. Frenkie ne sait pas pourquoi il trouve que ce moment l'inspire une mélancolie et une beauté pudique, comme le soir avant leur dernier match à l'Ajax. L'aube de séparations, de concessions déchirantes.

À Doetinchem, il y a eu le rayonnement bleu d'une pluie nordique, les caresses intimes de Matthijs sur le galbe de son mollet et les draps défaits, un réveil précoce. À Barcelone, il y a l'eau limpide de la piscine et l'odeur chimique du chlore, sa chemise blanche aux coutures bouffantes – une chemise qui lui rappelle l'Italie – et son short en lin, cette envie dévorante de poser sa tête contre l'épaule de Matthijs et de s'endormir, les étoiles artificielles qui éclairent Barcelone à chaque coin de rue.

— Envie d'être plus à l'aise.

— Je suis désolé, Frenkie plante de but-en-blanc.

Les jambes de Matthijs ne se balancent plus dans l'eau mais le bleu que Frenkie observe n'est plus celui du bassin mais celui de son coéquipier. Ils sont proches, très proches et il ne peut pas s'empêcher de baisser le regard vers cette fine ligne rose que forment les lèvres de Matthijs. Il a oublié que plus les centimètres se perdent entre leurs deux visages, plus les couleurs de sa peau, de ses lèvres et ses yeux- Bordel, ses yeux. C'est tellement puissant.

Il perd ses moyens un instant mais il se reprend vite quand la musique revient buter contre ses tympans comme un afflux de sang. Il a envie de se perdre dans ce bleu qu'il a si souvent eu envie de retrouver quand il s'est retrouvé au bord du désarroi le plus profond, qui lui a tant manqué et auquel il a si peu pu appartenir ces dernières années, mais il y a la musique, il y a tout ce monde autour d'eux qui les empêche d'être entiers. D'être leurs moitiés.

barcelona [matthijs&frenkie]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant