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Il était allongé dans un lit. 

Il sentait le drap sur sa peau, l'oreiller contre sa nuque, ses bras le long de son corps. 

L'odeur qui flottait autour de lui était familière et indiquait qu'il était dans sa chambre, celle qu'il partageait avec son frère. 

 Il entendait des voix qu'il ne pouvait pas reconnaître.

 Il lutait pour essayer d'ouvrir les yeux mais tout semblait si pénible hors de son corps. Il sentait que s'il les ouvrait, il subirait des douleurs qu'il n'avait pas envie d'éprouver. 

Il finissait par s'apaiser et restait endormi. 

Il se souvenait de tout ce qui était arrivé avant qu'il ne perde connaissance. Sa perte d'équilibre. L'eau glacée qui entrait dans ses poumons, qui lui compressait la poitrine et qui l'empêchait de crier. Le courant, dans toute sa violence, qui refusait de lui permettre de se retenir à ce qui lui passait sous les mains. Les arbres, les branches et les objets en tout genre qui l'accompagnaient dans son déclin. 

Il se souvenait de tout. 

Lorsqu'il ouvrit enfin les yeux, deux jours après son accident, aucune partie de son corps ne le faisait pas souffrir. 

Il grimaça en essayant de se redresser et vit qu'il avait un bras bandé, soutenu par une écharpe.

Simm était assis sur une chaise à côté de son lit et dormait la tête dans ses bras, les joues couvertes de larmes séchées. En sentant du mouvement autour de lui, le petit garçon s'était réveillé. Sans qu'Avan ne s'y attende, il s'était immédiatement mis à pleurer.

– Tout va bien, lui dit doucement Avan, le souffle haché par l'élancement que produisaient ses blessures. Ne pleure pas. 

– J'ai eu vraiment très peur. 

Avan ne s'était jamais très bien entendu avec Simm. 

Premièrement, il n'avait jamais voulu avoir de petit frère. Il avait toujours trouvé ce concept inutile et encombrant. Il l'avait toujours considéré comme un être nuisible et sans intérêt. Du haut de ses dix ans, tout le monde le considérait comme grand mais pour Avan, il était toujours trop petit.

 Ensuite, il ne savait absolument pas s'y prendre pour gérer quelqu'un d'autre que lui. Il ne voulait pas avoir cette responsabilité sur ses épaules. Il était au monde par la faute de son père, c'était à lui de s'en occuper.  Il préférait le tenir hors de portée, l'éloigner et faire comme s'il n'existait pas. 

Simm était très effusif et émotif. Il ne pouvait rien cacher. Tout ce qu'il ressentait et pensait, pouvait se lire sur son visage. Avan avait passé trop de temps à enfouir ses chagrins et sa solitude pour les retrouver dans le regard de son frère à chaque fois qu'il posait les yeux sur lui. 

 – Les médecins ont dit que si les pêcheurs n'avaient pas été là, tu serais mort noyé. 

Simm, qui s'était un peu calmé, éclata de nouveau en un interminable sanglot.  Avan était trop fatigué et mal en point pour tenter de le rassurer ou de le calmer. Il avait du mal à réaliser ce que Simm était en train de dire. Il ne lui était rien arrivé de très grave alors pourquoi en faire tout un drame à présent ? Chacun de ses muscles criait à l'agonie mais il était vivant. 

– Je ne veux pas que tu m'abandonnes toi aussi, reprit le garçon en reniflant. Il me resterait qui si tu partais ? Il ne reste que nous deux. 

Avan ouvrit la bouche et la referma. Il avait envie de mentionner leur père mais Simm avait raison. Emprisonné dans son deuil, leur père n'était plus là pour eux. Ce n'était pas de sa faute. Avan ne lui en avait jamais voulu. Il avait perdu la personne qu'il aimait le plus au monde et n'avait plus rien à quoi s'accrocher. En quelque sorte, son père était aussi tombé dans une eau glacée et dangereuse. Cela faisait des années qu'il était entraîné par le courant et, à présent, tout ce qu'il faisait était se laisser entraîner en gardant tout juste la tête hors de l'eau pour ne pas se noyer totalement. 

AVANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant