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Avan n'était pas retourné à l'école depuis qu'il avait eu son accident. Cela faisait deux semaines qu'il n'avait vu personne. Il ne savait pas s'il s'agissait d'une manière de le punir de la part de sa famille ou si aucun de ses amis n'avait daigné lui rendre visite.

Il passait ses journées dans son lit à attendre que quelque chose survienne au sein de sa misérable vie. Il en venait même à apprécier les moments où ses cousines entraient dans la pièce pour rire de lui.

Le temps passait si lentement qu'il se demandait si le monde n'allait pas être radicalement différent lorsqu'il sortirait de ces quatre murs qui lui servaient de prison.


Une nuit, Avan fut réveillé par un bruit provenant de sa fenêtre.

Il tira le rideau et vit Ailsa qui collait son nez contre la vitre. Avan était partagé entre rire ou retourner se coucher sans lui ouvrir, vexé qu'il ait mis autant de temps à venir le voir.

"ouvre-moi, sale tête" avait-il pu lire sur ses lèvres.

Après quelque seconde d'hésitation, il déverrouilla le loquet et le laissa pénétrer dans la pièce. Ailsa se pressa immédiatement contre lui, en prenant garde de ne pas lui faire mal à son bras blessé.

Il sentait son nez et ses lèvres dans son cou. Avan pencha sa tête légèrement en arrière et ferma les yeux.

- Deux semaines... souffla-t-il. Tu abuses...

- Ne m'en parle pas, soupira son ami en se reculant pour se jeter sur son lit.

Avan désigna son frère qui dormait dans l'autre lit. Comprenant qu'il ne devait pas faire de bruit, Ailsa tapota simplement à côté de lui pour inviter Avan à le rejoindre. Bien trop heureux de le revoir, il ne se fit pas désirer et se glissa à ses côtés.

- Je suis venu tous les jours.

Avan fronça les sourcils, dubitatif.

- Et tous les jours, on m'a interdit d'entrer. Je me suis promis que si on refusait de me permettre de te voir aujourd'hui encore, je trouverais un moyen de te rejoindre.

Ils s'observaient en silence. Un sourire fendait leur visage.

- J'étais en train de devenir fou. J'étais prêt à démonter cette maison brique par brique.

Avan ne put s'empêcher de rire.

- Mais bien sûr...

Ailsa s'approcha de lui et posa son front contre le sien. Avan sentait qu'il avait envie de lui dire quelque chose. Il le connaissait par cœur. Il pouvait voir qu'il se taisait volontairement et qu'il gardait en lui quelque chose qui le faisait souffrir. Malgré tout, Avan ne disait rien.

- Tu veux sortir ?

- Dehors ?

- Oui, c'est mieux, en général.

Avan lui donna un coup de tête qui arracha un rire à Ailsa. Il s'empressa d'aplatir sa main sur sa bouche pour le faire taire.

- Je n'ai pas le droit de sortir, murmura Avan.

- Je n'avais pas le droit de rentrer. Depuis quand est-ce que tu es un garçon sage, toi ?

Avan se saisit du menton d'Ailsa et le secoua doucement.

- On pourrait sortir demain, qu'en dis-tu ? Ce soir, j'ai juste envie d'être là avec toi.

Sur ces mots, il se serra contre lui et son ami l'entoura de ses bras. Le visage enfouit dans le torse de son ami, Avan respirait doucement et savourait la tendresse des doigts d'Ailsa caressant son dos.


*

"Qu'est-ce que tu fais ici, Ailsa ?" furent les mots qui sortirent Avan de son sommeil. Il ouvrit les yeux et les ferma immédiatement, agressé par la lumière. La fenêtre ouverte laissait passer un léger courant d'air. Un intense soleil brillait à l'extérieur. Encore une belle journée dont il ne pourrait pas profiter car il était enfermé dans sa chambre.

Il avait bien dormi.

Il se tenait contre Ailsa.

Les paroles de son frère raisonnèrent alors dans son esprit.

- Oh, mince ! souffla-t-il prêt de l'oreille de son ami. Ailsa, tu t'es endormi chez moi ! Réveille-toi !

Ailsa bailla longuement. Il s'apprêtait à s'étirer lorsque Avan le poussa hors du lit.

- Ce n'est pas le moment ! On va se faire prendre ! Dépêche-toi de sortir !

L'esprit brumeux, Ailsa se mit sur ses pieds et tituba jusqu'à la fenêtre.

- Tu ne peux pas sortir par là, le prévint Simm en s'asseyant sur son lit. La tante prend son petit-déjeuner dehors. Il doit passer par la fenêtre de la cuisine pour sortir derrière la maison.

Avan cogna son front sur l'épaule d'Ailsa.

- Descendons mais soyons prudents.

Il se saisit de sa main et l'entraîna à sa suite hors de la chambre.

Ils marchaient sur la pointe des pieds. Avan se mordait les lèvres, le cœur battant à tout rompre. S'ils se faisaient surprendre, cela irait mal pour lui. Après les deux semaines de solitude qu'il avait passé, il ressentait de nouveau quelque chose qui l'enivrait ; un mélange de crainte et d'excitation.

Ils arrivèrent sans faire de mauvaises rencontres dans la cuisine.

- Eulalia ! murmura vivement Avan en apercevant sa cousine qui attrapait un sachet en haut d'un buffet.

Il poussa Ailsa dans un coin de la pièce et s'accroupirent derrière un meuble.

- J'ai l'impression qu'on a jamais rien fait de plus dangereux que ça dans notre vie, rit Ailsa en pressant son nez contre Avan.

Il l'avait fait taire avec hâte et avait retenu sa respiration alors que sa cousine passait à côté d'eux pour sortir de la pièce.

Dès qu'elle fut sortie, ils s'empressèrent de quitter leur cachette. D'un geste, Ailsa ouvrit la fenêtre et sauta par-dessus.

Il se pencha et posa ses lèvres sur le front de son ami.

- Tiens-toi prêt ce soir.

Avan approuva vivement et le poussa pour qu'il s'en aille.

Lorsqu'il se retourna, Eulalia le fixait, les bras croisés et le regard accusateur.

- J'ai rarement vu plus pathétique que vous.

Il ne l'avait pas entendu revenir sur ses pas. Avan s'en voulait. Il savait qu'elle allait tout dire aux adultes.




AVANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant