8h00 : Le temps d'élaborer un plan

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La créature, dont un grondement peu enclin émanait, observait en silence la jeune fille suspendue à la poignée, le fil blanc dans sa main. Soudainement, une pression donna à Enora la sensation qu'on retournait un à un ses organes. Elle ne put se retenir de tousser et elle sentit un filet de sang couler le long de sa bouche.

Sous ses yeux, elle vit les quelques gouttes de sang comme aspirées vers le haut, libérées de toute pression atmosphérique. Puis, ce fut littéralement son corps qui se retourna. Comme si la tension s'inversait, elle sentit ses jambes s'élever lentement et tomber en direction du plafond. Elle tenta de se retenir n'ayant comme ancrage visuel que la porte qui donnait toujours sur le couloir quand un bruissement d'air attira son attention.

Un long cou ponctué d'une gueule habillée de dents pointues fonça vers elle et claqua sa mâchoire à quelques centimètres de son cou. Enora cria et tenta de remonter ses bras, en visant le haut du cadre de la porte dans l'espoir de sortir d'ici. La créature prit un nouvel élan, préparant sa prochaine attaque quand une lumière forte la fit hurler puis s'enfuir.

James était là, son Walkman insupportable dans les mains qui émettait à répétition des flashes dans le néant qu'offrait l'endroit où elle avait, de toute évidence, eut tort de se fourrer.

— Ta main, lança-t-il à son attention sans perdre de vue l'ombre de la créature qui tournait autour d'eux.

Enora le regarda un instant alors que la pression sur son corps ne faisait que s'accentuer. Elle allait lâcher d'un instant à l'autre et ses organes, qui semblaient jouer au rodéo dans son corps, étaient largement du même avis.

— Sérieusement, c'est le moment de douter ? Je te donne cinq secondes avant que tu ne lâches et disparaisses dans d'atroces souffrances.

Cette phrase bien que profondément agaçante, suffit à la persuader et, d'un geste, elle lâcha la poignée pour se saisir de la main tendue de James. Lui vers le bas ; elle menaçant de chuter vers les tréfonds inversés de ce monde, le temps sembla un instant se suspendre. Déployant une force insoupçonnée, James la tira non sans difficulté vers la porte et comme si la gravité avait repris son cours normal, elle finit par lui tomber lourdement dessus.

— Aïe, râla Enora.

— Est-ce que tu pourrais te pousser s'il-te-plait ?

— Dis que je suis lourde pendant que tu y es, lâcha-t-elle en grondant.

Elle se releva finalement en jetant un œil inquiet au lieu obscur qu'elle venait de quitter. Elle devait bien admettre que sans l'aide de James, un sort peu enviable l'attendait.

— Pourquoi je dirais ça ? demanda James qui avait suivi le mouvement et époussetait à présent sa veste. Quel intérêt à part rabaisser ton physique ? D'autant que, de ce que je sais, vous y accordez de l'importance.

— Quoi ? Oh et puis abandonne.

— Hors de question d'abandonner ! fit-il avec une véhémence qui surprit la jeune fille. 

Il ferma la porte d'un geste brutal et pointa un doigt accusateur vers Enora avant de reprendre :

— Sais-tu à quel point ce que tu as fait est stupide, idiot, que dis-je suicidaire ? Sais-tu au moins où tu as mis les pieds ?

— Dans un monde chelou, aux lois chelous, avec une créature chelou ?

— Dans un monde opposé au tien ! Les âmes humaines évoluent dans des espaces-temps adjacents aux leurs. Il y a une infinité de mondes et de temporalités dont certaines sont si éloignées qu'elles en deviennent invivables pour les âmes de ton espace-temps ! Le traumatisme qu'aurait subi ton corps et même ton âme si tu étais restée plus longtemps aurait été sans précédent. Donne-la moi pour vérifier !

Time FamilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant