3h00 : James Time

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— Coupé !

La petite fille aux cheveux blancs courts venait de trancher, à l'aide d'un long ciseau noir qui semblait avoir été taillé dans la roche, un fil blanc qui passait devant elle. Elle se saisit du petit filament dont la lueur ne s'éteignait pas malgré la dissection qu'il venait de subir et l'observa un instant.

— Chouette âme ça ! Belle profondeur... Une petite nuance d'égoïsme, mais beaucoup de créativité. Un soupçon d'excentricité...

Elle continua ainsi, durant quelques minutes, à chuchoter d'une voix basse les diverses caractéristiques de l'âme qu'elle tenait entre ses mains.

— Bon, tu te dépêches..., se plaignit une voix derrière elle.

À l'opposé de la pièce rectangulaire dans laquelle elle s'était installée, une jeune fille aux longs cheveux d'un noir de jais venait de souffler, exaspérée, ces quelques mots.

— Un problème, sœurette ? demanda innocemment et d'une voix toujours plus enfantine la fille aux cheveux blancs.

— Oui, Fim, j'ai un problème. Tu fais trop de bruits. Travaille en silence s'il te plaît.

— Miwi, c'est pas de ma faute si j'ai un tant soit peu d'affection envers ces âmes...

— De l'affection ? À d'autres ! Je t'ai vue oublier une âme par terre la dernière fois.

— Bon d'accord, j'avoue, j'essaye de mettre un peu d'ambiance.

L'aveu de Fim ne récolta qu'un profond soupir de la part de sa camarade. Tandis qu'elle coupait et étudiait les âmes afin de les envoyer chez leur orienteur, sa sœur les récupérait après leur session afin de les coudre à leur nouvelle existence. Armée d'une aiguille noire particulièrement longue, elle effilait et fusionnait l'âme d'une blancheur synonyme de beauté et de pureté à un tissu transparent et amovible : l'existence. Au cours de la vie de l'individu, le fil se déplaçait et permettait au tissu de s'étendre pour finalement ressortir jusqu'à être de nouveau coupé par Fim.

Fim était l'achèvement ; Miwi le commencement. À elles deux, elles représentaient le début et la fin de la famille Time.

— Il n'y a pas besoin d'ambiance quand on travaille, rappela à l'ordre Miwi.

— Ouais, je coupe, tu recouds ; je mets de l'ambiance, tu la brises. À croire que mère s'est trompée dans la répartition de nos rôles.

— Bon, les filles, c'est pas bientôt fini ?

— Voix profondément ennuyée, avec une nuance d'agacement et un soupçon d'égoïsme, tout à fait toi, James, se moqua Fim.

— Déjà, tu ne devrais même pas être ici, rajouta sa sœur.

— C'est pas comme si j'avais autre chose à faire, renchérit le jeune homme.

Le corps allongé, comme devenu liquide à l'exception de sa tête reposant sur l'un des murs de la pièce, il jouait avec un Walkman. Du moins l'était-ce encore ? L'objet avait subi tant de modifications et de bricolages de James qu'il était devenu, comme le jeune homme le nommait, un liseur et détecteur de fil d'âme.

À côté de lui s'entassait un tas de livres, de cassettes et de vinyles qu'il regardait, écoutait ou lisait en boucle. Il avait presque envahi la pièce, pourtant réservée au travail des deux filles, de ses multiples objets. Ces mêmes divertissements qui étaient normalement sans valeur aux yeux des membres de la famille Time. Les Time n'avaient pas le temps pour de telles choses. Sauf James Time. Lui, il avait le temps ; trop à vrai dire. C'était sûrement pour cette raison qu'il le passait à embêter ses sœurs.

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