ADEN
Une souffrance profonde, violente envahie ma poitrine. Je ne maîtrise plus rien. Dès que je l'ai vu, le contrôle m'a échappé. C'était déjà le cas la dernière fois. C'est elle qui contrôle tout, je n'y peux rien. Mon corps est centré sur elle, mon âme s'abreuve de sa proximité. Toutes les émotions qu'elle créé en moi... Comment envisager de vivre sans ? Est-ce vraiment vivre de ne rien ressentir ? Non. Je ne peux pas.
J'aimerai hurler, lui hurler qu'elle a tort que je peux tout encaisser. Mais elle a raison bien sûr, je ne sais pas ce qu'implique réellement de lui appartenir mais j'ai envie de croire que rien n'est pire que ce vide, ce creux dans mon coeur. Que rien ne peut être pire que ce que j'ai déjà vécu.
Un sanglot m'échappe alors que son refus me frappe. Je me plaque encore plus contre son corps. Contre sa chaleur, sa vie, son aura si puissante. Les mains le long de mon corps je me contente de se simple contact, de sa présence. Je n'ose même pas la toucher sans son accord. Elle me l'a refusé. Les larmes envahissent mes yeux pendant que le poids dans ma poitrine m'empêche de respirer.
J'étouffe. Oh putain de merde. Je m'éloigne d'elle. Je cherche de l'air. En vain. La panique me saisit alors que tout devient flou autour de moi. Elle se précipite sur moi en se rendant compte de mon état.
- Aden, sa voix est calme, tu fais une crise de panique. Il faut que tu respire. Lentement.
Je n'y arrive pas. J'en suis incapable.
Elle me fait m'asseoir sur un fauteuil. Ses douces mains entourent mon visage pendant que je lutte toujours pour trouver de l'air.
- Regarde-moi, m'ordonne-t-elle.
Mes yeux se plantent dans les siens. J'y perçois son inquiétude. Pas de pitié, pas de peur, juste de l'inquiétude, une présence sans pression. Une compréhension silencieuse de ma souffrance. Un océan de calme, un refuge.
- Maintenant tu dois respirer.
Ses mots me frappent. L'ordre atteint mon cerveau, et lentement la confiance qui l'entoure m'atteint, le calme de ses yeux me berce. Et l'air parvient lentement à mes poumons à nouveau. Son sourire en me voyant à nouveau respirer est si beau, si lumineux que je suis obligé de cligner des yeux, comme aveuglé.
- C'est bien, encore un peu. Voilà. Reprend tes esprits. Tout va bien, tu es en sécurité. Tout va bien.
Sa voix est sûre et posée mais je vois le soulagement dans ses yeux.
- Je suis désolé. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Je... Je suis tellement désolé.
Des larmes coulent toujours le long de mes joues. Elle soupire.
- Ce n'est pas de ta faute Aden, tu n'as pas à être désolé. C'est moi qui suis désolée, parce que les crises de paniques sont une vraie souffrance et que je suis désolée que tu ais eu à vivre cette souffrance en plus. Maintenant reprends ton souffle, je vais te faire couler un café.
Elle se lève et se dirige vers la machine à café. Sa distance physique me fait mal. Putain, ça devient grave cette histoire. Le bruit familier de la machine à café envahit l'espace et dissimule ma respiration encore saccadée et mes légers reniflements. Charlie reste dos à moi. La tête penchée en avant, je sens qu'elle réfléchit.
La machine à café cesse son bruit épouvantable et Charlie m'apporte une tasse, je veux me lever pour la chercher moi-même, mais son regard m'ordonne de rester où je suis.
- A ta place je resterai encore quelques minutes assis, tu n'es pas encore remis et je n'aimerais pas que tu te blesse en pensant l'inverse.
Comment comprendre et interpréter ses paroles ? Comment ne pas ressentir une bouffée d'espoir devant sa sollicitude ?
Elle se positionne de nouveau contre le bureau, en face de moi pendant que je prends une gorgée de mon café. Ma main tremble et ce constat m'agace terriblement.
- Qu'est-ce que tu risque ?
Je lève le regard vers elle, peu sûr de ce dont nous sommes en train de parler. Elle soupire.
- Quels sont les risques que tes "amis" découvrent que tu m'as parlé et qu'est-ce qu'ils te feront si c'est le cas ?
Je grimace. Les connaissant, rien de bon.
- Je suis un excellent agent, mais ils finiront par découvrir que je les ai trahit, c'est indéniable quant à ce qu'ils me feront... Je ne peux penser qu'à quelque chose de très très douloureux.
Elle se détourne et va se poster devant la fenêtre. Je la sens qui hésite, qui doute.
- Qu'est-ce qui provoque les crises de panique ?
Ma question ne semble pas la surprendre. Elle me fait toujours dos lorsque sa voix s'élève.
- Tout et n'importe quoi. Il est très difficile d'identifier la cause. Ça provient souvent d'un syndrome post-traumatique, d'une peur inconsciente, une angoisse. C'est une réaction physique. Elle peut avoir des causes organiques ou psychiques. Mais la plupart du temps ces causes sont inconscientes. Les exercices de respirations et de relaxations permettent de les gérer, mais le mieux c'est encore d'en comprendre la source pour lutter contre.
Sa voix est douce, triste. Elle sait de quoi elle parle, c'est une certitude.
- Qu'est-ce qui va arriver maintenant ?
Elle se tourne vers moi.
- Je vais partir. Ni toi ni ton organisation ne représentez un danger direct pour le moment. J'aurais mes réponses un jour, mais ce n'est pas aujourd'hui. Pour le moment je ne vois pas de raisons suffisantes pour te demander de mettre ta vie en danger.
Je porte la main à ma poitrine sous le coup de la souffrance. Elle remarque mon geste et un léger rictus triste s'épanouit sur son visage pendant qu'elle secoue encore une fois la tête.
- J'ai besoin que tu comprenne que je ne suis pas bonne pour toi, Aden. J'aime trop la souffrance, j'aime trop avoir le contrôle. Tu ne veux pas savoir ce qui me pollue la tête. Non, tu ne veux pas, et je ne veux pas te le faire vivre. Alors tu dois comprendre que ma proximité n'est pas un avantage, c'est un risque.
Je ricane.
- Qu'est-ce que tu crois ? Hein ? Qui crois-tu que je sois ? Je suis un tueur en puissance, un fils de pute sans pitié. La souffrance je connais. C'est ma manière de vivre.
- Je ne suis pas prête à te croire, Aden. Ton âme toujours cette étincelle et je m'en voudrais terriblement de l'éteindre. Tu as vu des choses horribles. Je le sais, je le vois. Mais tu n'es pas prêt, pas assez fort pour t'approcher de moi, de mon monde. Et malheureusement. Oui, malheureusement, je n'ai pas le temps de te sauver.
Elle s'est approchée de moi pendant qu'elle parlait. Elle s'accroupie devant moi. Sa main caresse ma joue avec délicatesse.
- A partir d'aujourd'hui, tu dois me promettre de faire attention à toi. Tu dois apprendre à vivre. Mais surtout tu dois rester loin de moi. Pour ta propre sécurité. Je m'assurerais que ce soit bien le cas.
Elle me sourit doucement et se relève. Ses pas ne font aucun bruit, l'épais tapis au sol étouffant le coup de ses talons, mais mon coeur, lui, résonne à mes oreilles, assourdissant.
La porte se ferme.
Je me retourne. Trop tard. Il ne reste plus rien de sa présence, que la simple trace de son effluve qui flotte encore dans l'air. Je prends une grande inspiration. Elle est partie. Sans un mot. Sans un regard. Je m'affaisse. La douleur s'abat sur moi en même temps qu'une certitude. Je la reverrais. Je lui prouverai que je suis capable de lui faire face. De vivre, avec elle, à ses côtés.
Je jette un coup d'oeil à ma montre. Il me reste dix minutes avant mon premier cours. Il faut que j'y aille. Je me mets lentement debout. Mes jambes me portent. Elles me font encore un effet bizarre mais je suis capable de marcher. Cette constatation en amène une autre : elle a attendu que j'aille mieux avant de partir.
Un léger sourire envahit mon visage. Non, je n'abandonnerais pas.
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Give Me Moore
RomansaJe me suis battue toute ma vie. Contre le monde, contre moi-même, pour sauver ceux que j'aime et me sauver de moi-même. Je ne sais que mordre et attaquer. Les apparences font de moi quelqu'un de fort, de puissant. Et au fond je me dis que je dois b...