Chapitre 3.

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7 octobre 2013 

On est lundi. J’ai cours. Je n’irai pas. J’ai passé la journée d’hier sous ma couette, dans le noir complet. Antisocial. Je suis aussi vide qu’une coquille. J’ai pleuré aussi. Je me suis vidé de mes larmes. Il ne reste que du sang en moi. Liquide rouge que j’ai envie de faire couler à flot. Je voudrai nager dedans, m’étouffer, et m’y noyer. Je refuse de bouger. De manger. De parler. De vivre. Je refuse. C’est tout. On me parle, je crois. Je m’en moque. Je n’écoute pas. Je n’entends pas. Je ne comprends pas. Brouhaha incessant insupportable. Depuis hier. Je m’enferme dans un silence complet, sourd, noir. Un silence des plus horribles. Je n’aime plus que ça, le silence. Et le noir. Si tant est que je peux encore ressentir autre chose que de la colère. Tout autour de moi est noir. Tout est sombre. Froid. Dur. Insupportable.

Je m’appelle Louis. J’ai 17 ans. Et je déteste la vie. Banal, pour un adolescent de mon âge, direz-vous. Naïfs. Idiots. Incompréhensifs êtes-vous. 

La plupart des adolescents disent ne pas aimer la vie, parce qu’ils se cherchent. Ils essaient, échouent, se morfondent dans leur triste et misérable existence.  Il ya plusieurs catégories de jeunes. Il y a ceux-là. Puis il y a ceux qui aiment la vie, en profitent, sans jamais penser au lendemain. Et il y a le reste. Ceux qui sont optimistes et à qui il arrive de mauvaises choses. Il y a ceux qui ne s’y attendent pas, qui tombent des nues. Qui n’acceptent pas, qui n’y croient pas. Il y a ceux qui n’ont jamais pensé à ce qui pourrait arriver, puisque tout allait bien. Il y a ceux-là. Et Louis en fait parti. Il a toujours cru, pendant 17 ans, que tout irait bien. Il a toujours tout optimisé, toujours cherché à voir ce qui était bon, partout. Il est difficile de trouver le juste milieu quand on doit se chercher en même temps, réussir ses études et profiter de sa jeunesse. La vie n’est pas un jeu. La vie ne rit pas. Elle décide, et si tu ne suis pas ses choix, tu tombes. 

Louis est tombé.

10 octobre 2013 

Je me sens mal. J’ai mal à la tête. Le monde tourne autour de moi. Mes pieds s’emmêlent. J’essaie de me lever. Je m’appuie à la table. Mes jambes tremblent. Je vois trouble. Je voudrais parler. Aucun son ne franchit mes lèvres. Je sens un bras autour de ma taille. Quelqu’un parle. Je ne comprends pas. Tout est brouillé. On m’aide à sortir de la salle. Je me laisse glisser le long du mur la tête en arrière. Je souffle les jambes repliées. J’ai les avant bras posés sur les genoux. Les yeux fermés. Je les ouvre. Il est assis en tailleur face à moi. Il me sourit, inquiet. Ses yeux verts me fixent. Me détaillent. M’interrogent.

« Louis…c’est la troisième fois en quatre jours. Qu’est-ce qu’il t’arrive ? »

Il s’inquiète. Je l’entends dans sa voix. C’est toujours lui. Toujours lui qui m’aide à sortir quand ça ne va pas. Quand le sol se dérobe sous mes pieds pendant les cours.

« C’est rien, t’inquiète pas.

-Ce n’est pas rien Louis et tu le sais. Qu’est-ce qui se passe ? »

Il parle doucement. Gentiment. Adorablement. Il pose sa main sur mon genou et il me sourit.

« Tu sais, j’ai remarqué que t’avais rien mangé ce midi…

- Je…je n’avais pas faim. Vraiment pas. Crois-moi.

-Tu n’as jamais faim. Et ça fait une semaine que ça dure…

-J’y peux rien. Je peux pas manger. »

Et je sais que c’est à cause de ça, mes malaises. J’en suis conscient. Mais je ne me forcerais pas à manger. Je ne le fais même pas exprès. Et depuis l’enterrement je n’ai presque rien avalé. Ca va faire une semaine et j’ai déjà perdu un kilo. Kilo que je ne voulais pas perdre. Parce que je n’en ai pas besoin. Mais je suis incapable d’avaler quoi que ce soit.

Enfants de l'automne.Where stories live. Discover now