Chapitre 1. Dernière partie.

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3 octobre 2013

Il est 9h. Je me réveille, émerge doucement. Elle dort toujours dans mes bras. James est endormi dans le fauteuil. La télé est encore allumée. Mon père est dans la cuisine. Je me relève, me frotte les yeux, passe une main dans mes cheveux. Je pose mes pieds sur le sol froid du salon, dépose la petite tête blonde endormie contre moi dans le canapé, la recouvre d’une couverture et me dirige vers la porte. J’entre dans la cuisine, fait un signe de tête à mon père et m’assoit à table. Je ne suis pas bien réveillé. Personne d’autre n’est encore levé. Etrange. Les visites commencent dans une heure et demie. Je bois un jus d’orange et enfouit ma tête dans mes bras croisés sur la table. J’ai un affreux mal de crâne. Mes yeux refusent de s’ouvrir en entier. Je relève la tête, marche vers la salle de bain, entre et me fige. Soudain, je me suis souvenu, enfin. Je me suis souvenu que c’était ici. Ici qu’ils l’avaient retrouvé inanimé. Sans vie. Blanc. Froid. Rigide. Ici. Devant moi. J’ai la tête qui tourne. Je m’appuie au lavabo, reprend lentement mes esprits. Puis j’ai cherché de l’aspirine dans les placards. J’ai fouillé jusqu’à en trouver. J’en ai pris une boîte. J’ai commencé à l’ouvrir mais au moment de refermer la porte, mon regard est resté accroché à une deuxième boîte de médicaments. Je l’ai prise dans mes mains et ai lâché l’autre. Mes yeux s’ouvrent enfin en grand. Je comprends. Des antiplaquettaires. J’écarquille les yeux. Ma tête me fait mal. Je m’assois sur la baignoire. Je fixe toujours la boîte blanche que j’ai dans les mains. Je me rappelle. Je m’en veux. Je savais. Mais seulement à moitié apparemment. Je suis déçu. Meurtri. J’aurais dû. J’aurais dû le forcer à se soigner. J’aurais dû insister. Je ne l’ai pas fait. A la place, j’avais préféré oublier. Tout le monde savait. Tous ici étaient au courant des problèmes cardiaques de son grand-père. Personne n’avait jugé bon de l’emmener de force chez le médecin une nouvelle fois, pour aller plus loin. Jugeant qu’il était grand, majeur et vacciné et conscient de ses choix. Louis lui en voulait. Un peu plus encore. Il le pensait responsable. Responsable de sa propre mort. Louis était persuadé qu’il l’avait fait exprès. Qu’il avait voulu en finir, refusant de se soigner d’avantage. Forme de suicide involontaire qui tuait son petit-fils chaque seconde un peu plus. Ce dernier tremblait. Il ne se contrôlait plus. Il ne pleurait pas, son regard vide toujours fixé sur la petite boîte en carton. Tous ses membres tremblaient. Il fut pris de spasmes. Le jeune homme n’arrivait pas à se calmer. Impossible. Il entendit quelqu’un entrer dans la pièce. Il ne bougea pas. Aucunement capable de prendre son corps en main. La personne s’agenouilla devant lui. Louis ne la regarda pas. Elle lui prit la boîte des mains. Doucement. Le força à la regarder. Il croisa ses yeux, bleus azur. C’était Margot. Il ne la quitta pas du regard. Ses prunelles étaient rassurantes, elles avaient quelque chose de doux. Elles suffirent à le calmer. Elle lui sourit légèrement, appuya une main sur son épaule. Louis la prit dans la sienne et la remercia. Elle lui caressa la joue et l’aida à se lever.

On est retourné dans la cuisine sans un mot. J’ai enfin pris une aspirine. Pour la forme. Elle n’aurait sûrement aucune efficacité de toute façon. Margot a posé les médicaments sur le plan de travail, devant mon père. J’ai vu ses épaules se crisper. Il a tourné la tête vers sa belle-sœur, puis a fait demi-tour pour me regarder. Il était désolé. Je le savais. Mais je ne lui en voulais pas. C’est à celui qui m’a quitté que j’en veux. Je suis en colère. Je le déteste autant que je l’aime d’avoir entrepris de m’apprendre la vie  pour me laisser tomber et refuser de se battre ensuite.  Ma mère vient de descendre à son tour et mon parrain est réveillé et a mal partout. Sa cousine a apparemment très bien dormie et court partout dans la maison quand Louis pensa à quelque chose, quelques uns manquent à l’appel.

« Ils viennent quand ? »

Tout le monde se tourna vers lui et l’interrogea du regard.

« Bah, les cousins, et, vous savez, votre troisième frère.

Enfants de l'automne.Where stories live. Discover now