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Depuis mon baiser imprévu, avorté par le refus net de mon colocataire et mon départ précipité de l'appartement, on me laisse en paix. Je suis resté cloîtré dans ma chambre au prétexte d'une gueule de bois interminable. J'ai fini ma bouteille et une des trop nombreuses que Jin collectionne sous l'évier – pour proposer des cocktails improbables aux soirées. J'ai regardé toute une série de quatre saisons, douze épisodes chacune et je m'ennuie.


La fausse tranquillité dont je faisais l'objet se desquame à une vitesse vertigineuse. Chaque seconde de plus passé dans ce lit , à observer le plafond, conduit mon esprit à mes souvenirs. Le calendrier attend, sans plainte aucune, que je me lève pour chercher une date. Je pourrais prendre une douche froide et un somnifère, mais j'attends le point de rupture. Pas que j'ai une envie féroce de me faire du mal, je suis juste lasse de toujours esquiver, d'être aux aguets à détecter les premiers signes de traumatisme rémanent pour les détourner.
Je me redresse. Ma tête tourne et je dois attendre une minute, appuyé au lit, avant d'espérer esquisser le moindre geste. Le monde se réorganise. Je secoue la tête. J'enfile un t-shirt noir très près du corps et un jean trop épais. Le miroir grimace, je l'imite. Je suis là de cette silhouette androgyne, aux traits tirés et pâlots, souligné de mes cheveux longs.


Je glisse dans la salle de bain. Tout est trop calme. Les vêtements qui sèchent sur l'étendoir expirent un parfum d'assouplissant aux fleurs. La rue est assourdie par les fenêtres closes et les bruits de vaisselle de la cuisine ont cessé. Jin et Jungkook sont sans doute partis se coucher. Je glisse mes pieds menus dans des baskets défoncées. L'épaisse doudoune noire, accrochée dans l'entrée, me tombe dans la main. J'observe, projeté dans le miroir de l'entrée par un rayon de lumière du palier, mon visage décharné.

Fin novembre, l'air est frais et il vient me titiller dans le couloir de l'étage. J'attrape au hasard ce qui traîne sur le meuble de l'entrée : clefs, baume à lèvres, bonbon à la menthe et remplit les poches de la veste. Juste en face de notre porte, un nouveau paillasson. Monde étrange où l'appartement de mon enfance affiche, sans gêne, sa nouvelle propriété.


Je suis prêt à partir, j'ai envie de fermer les yeux sur la réalité. Je referme la porte avec toute la délicatesse dont je dispose. Elle bloque. Je pousse plus fort, sans succès.

« Où crois-tu aller à cette heure ? »


Jin tient la porte de son pied. Chemise sombre fermée bien haut, cravate à demi dénouée, pantalon à pinces et ces church noires. Fidèle à ses habitudes, ni son ton, ni son visage ne laissent transparaître la moindre émotion.


« Je sors. »

Je maîtrise aussi bien que lui, si ce n'est mieux, l'art de la réponse laconique insupportable.


« Je ne crois pas que ça soit l'heure de prendre l'air, Yoongi. »

Systématiquement quand il s'agit de me faire une remarque, Jin s'évertue à employer mon prénom. À croire que sans lui, tout me glisse dessus. Il a tort, même avec, tout glisse. Je hausse les sourcils et replace une mèche.


« T'inquiètes maman, je vais juste boire un verre et je rentre », un sourire se dessine malgré moi, « j'ai mes clefs et mon téléphone, je ne suis pas perdu. »

𝕃𝕖 𝕣𝕖𝕞𝕖̀𝕕𝕖 |JinKookYoon|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant