𝕃𝕖 𝕣𝕖𝕞𝕖̀𝕕𝕖 |JinKookYoon|

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J'ai passé la sainte journée à dormir. Quand ce n'était pas dormir -car mon corps est incapable de l'exploit de rester inerte plus de treize heures par jours- j'avais les yeux fermé, roulé dans ma couette, l'esprit vacant au néant. Je suis resté bien caché, au chaud, du retour de l'hôpital jusqu'à la fin d'après-midi suivante.

Je dois m'y reprendre par trois fois pour éloigner la couette de mon corps. Le monde est vaste quand je suis debout et un vertige m'oblige à me rattraper à mon bureau. J'ai déménagé, mais toutes mes affaires sont installées presque à l'identique : le porte crayon, les romans, le sous-main avec des bâtiments historiques français offert par ma mère... Je sers les doigts, tente de me concentrer sur la crispation de mes mains pour ne pas perdre connaissance. Je ne parviens pas à m'en souvenir avec exactitude de mon dernier repas – ou ce qu'il est bon de qualifier de repas.

Je pourrais me retourner, disparaître sous ma couette et jouer vingt-quatre heures à la console. Je ne vais plus à la faculté et je ne le fête même pas. Bien sûr, je n'y allais plus depuis septembre, mais c'est désormais officiel. C'est quelque chose que je devrais pouvoir fêter ; rester au lit toute la journée, finir tous les jeux que j'ai achetés et auxquels je n'ai pas tant joué. À la place, je mime le sommeil quand il ne vient pas et observe les heures me glisser entre les doigts.

Le vertige est passé, je fais un pas avec prudence. La porte de ma chambre me paraît à des kilomètres. J'aurais mieux fait de demander à mon médecin des somnifères plutôt que de regarder la pluie par la fenêtre. Mon corps à clairement besoin de sommeil ou je ne le comprends plus.

Le salon est vide. La majorité du temps, Jin et Jungkook restent dans la cuisine, installés au plan de travail pour boire et discuter.

« Yoongi ? »

Je serre mon bras sur les vêtements que je tiens.

« Ouais !

- On part dans vingt minutes, ça ira pour te préparer ? »

La voix de Jin porte, claire et nette, elle traverse les pièces. Ce n'est pas une véritable question – il faut dire qu'il n'en pose pas souvent, Jin réfléchit et répond par anticipation avant même de demander quoi que ce soit.

« Ouais ! Pas le choix ?

- Tu as tout compris. »

Je fronce les sourcils et reprends ma route. Je nage en plein brouillard. C'est assez joli. Le monde est vaporeux, les contours des objets diffus. Je fais passer mon t-shirt au-dessus de ma tête et tourne à fond le jet d'eau chaude. Je fais quelques petits pas pour le plaisir de sentir le tissu épais et duveteux du tapis sous la plante de mes pieds. Si je n'avais pas si froid, je m'allongerais bien une minute sur le sol, recroquevillé entre le panier à linge et l'évier. Je rentre sous la douche. L'eau me fouette le visage et rassemble mes esprits.

Le restaurant.

Je n'y suis pas allé depuis l'obtention de mon baccalauréat. Jin a l'air coutumier de ce genre de lieux. Jungkook a juré qu'il allait sortir sa plus belle tenue quand il est venu me l'annoncer. Il était trop heureux, à sautiller avec des chaussettes trouées sur mon tapis, à ouvrir mes volets, à se jeter sur mon lit. J'ai dit oui pour manger gratuit. La vie est trop courte pour se refuser un restaurant haut de gamme et je suis persuadé qu'ils ont des alcools extraordinaires. En réalité, je ne préfère pas trop interroger ce qui me pousse à sortir ce soir. Quand je n'ai pas idée de ce que je veux faire, tout à un goût d'absurde.