Mardi 13 juillet 2021

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Aujourd'hui, la contrainte était d'écrire à partir de 3 mots : Oasis, Propriétaire de ranch, Femme médecin

Voilà le texte que j'ai soumis :

Je m'écroulai à l'ombre du palmier le plus proche et m'aspergeai le visage de l'eau fraîche qui remplissait le petit lac de l'oasis. Cela faisait trois jours que je voyageais dans le climat extrême du désert et retrouver la sensation de fraîcheur que procurait le liquide de la vie était une bénédiction.

Mon compagnon dromadaire qui me soutenait depuis le début de ma mission s'approcha lui aussi de la rive et plia ses grandes jambes pour se coucher sur le sable frais. Je glissais mes doigts dans sa robe sablée, envahie par le calme que m'apportait toujours le contact animal.

Après quelques instants à me prélasser, étendue dans l'ombre des palmiers, je me redressai et appréciai du regard mon refuge pour la nuit.

Il y avait un petit lac au centre de l'oasis, bordé d'une dizaine de palmiers gigantesques et de quelques-uns plus petits. Derrière les palmiers, quelques tentes de nomades étaient tendues, mais toutes semblaient vides. Devant l'une d'elle, un étal couvert de divers produits se tenait : sans son propriétaire, il risquait d'être dépouillé de ses richesses. Quoique, étant donné l'absence apparente de toute personne autre que moi, il n'y avait pas beaucoup de danger.

Ce vide commença soudainement à m'inquiéter. Le silence et le vent qui commençaient à agiter les palmes au-dessus de ma tête, la nuit qui faisait glisser le soleil derrière les dunes au loin, et ce vide, ce vide !

Je décidai de partir en quête de quelqu'un, n'importe qui ! Il devait bien y avoir quelqu'un dans cette oasis, devenue si glauque si vite.

Après avoir examiné quelques tentes à proximité, et n'avoir trouvé absolument rien hormis des couchettes vides et des paquetages à moitié déballés, je me tournais vers la tente du marchand. C'était l'endroit où j'avais le plus de chances de trouver quelqu'un, j'aurais dû commencer par là.

En quelques enjambées, je fus devant l'étal. Ma voix un peu rocailleuse à cause de l'air sec du désert, je lançais un appel vers l'intérieur.

- Il y a quelqu'un ?

Après avoir hurlé, j'entendis des murmures se glissant entre les pans de tissu. Un homme les suivit quelques instants plus tard.

- Madame ?

Il m'avait interrogé d'un ton pressé, comme si je le dérangeais. Je ne me crispais pas, j'avais un peu l'habitude des gens que je prenais à rebrousse-poil.

- Je viens d'arriver et je voulais savoir où étaient tous les propriétaires de ces tentes.

- Ils sont à l'intérieur, ils ne sont pas disponibles.

Je me répétais de me détendre et de ne surtout pas m'énerver face à son agacement.

- Que se passe-t-il, s'il vous plaît ?

- Un jeune enfant est tombé malade sur la route, personne n'est à même de la soigner et nous nous sommes tous réunis pour aider le père à surmonter cette épreuve.

Ni une ni deux, je courus vers mon paquetage encore arrimé sur le dos du dromadaire. J'attrapai ma trousse à essentiels alors que j'étais déjà repartie vers la tente du marchand. Il se planta face à moi en me barrant l'entrée de sa tente.

- Pouvez-vous me laisser passer, s'il vous plaît ?

Il fit un pas de côté, l'air interloqué, sûrement brusqué par mon ton rêche.

Je jetais les pans derrière moi et, en deux pas, je me trouvais devant la couchette autour de laquelle s'était formé un cercle funèbre.

Un homme se dressa soudain face à moi, tel un pic, un roc, une protection pour son enfant. Je le perçus immédiatement, il avait cette détermination dans son regard, cette étincelle animale qui demeurait depuis la nuit des temps. J'avais toujours su comprendre rapidement les liens qui unissaient les gens, ces relations d'amours familiales, romantiques, amicales, qui impliquaient autant le corps que l'esprit.

Je m'adoucis immédiatement face à son antipathie. Je lui tendis une main solidaire en prononçant les mots qui rallumeraient son regard d'espoir.

- Je suis médecin, je peux aider votre enfant.

Il accepta mon offre en même temps que ma poignée de main.

Je me précipitai auprès du malade. Il transpirait à grosses gouttes et semblait souffrir d'une très grosse fièvre. On l'avait couvert pour le protéger de l'hypothermie.

En quelques instants, je compris son mal et j'extirpai un mortier et son pilon ainsi que quelques herbes médicinales. Une bouillie verte plus tard, je filtrai le jus avec un tamis très fin et le glissai entre les lèvres du jeune garçon.

Dans quelques heures, sa fièvre descendrait, son pouls redeviendrait régulier et il ouvrirait de nouveau les yeux innocents que tout enfant se doit de poser sur le monde.

Une fois l'opération finie, je repris ma respiration. Je me rassis sur mes talons en soupirant.

- Il sera rétabli demain matin.

Je rassemblais alors rapidement mon matériel, complètement en bazar, pour laisser aux personnes présentes le temps de s'acclimater à l'idée que la mort n'attendait plus le petit-être.

Je lâchais le tout auprès de mon chargement avant de soigneusement organiser chaque élément dans ma trousse de femme médecin. Je vouais une passion dévorante à mon métier, ce genre d'affection qui vous tiraillait les tripes durant des années. Ce sentiment galvanisant qui m'habitait à chaque fois que je sauvais une vie, que je rallumais les étoiles d'espoir dans les regards. Cela me faisait vibrer.

Et à cet instant, en replaçant le pilon nettoyé dans son emplacement, je ressentais cette vibration mêlée à l'étrange sérénité que l'oasis avait retrouvée. Je levai les yeux vers les étoiles qui apparaissaient petit à petit. Leur éclat s'engouffra jusque dans mon cœur et je pétillais de l'intérieur.

- Je me dois de vous remercier.

L'homme s'était approché dans mon dos, ses pas étouffés par le sable.

- Je vous en prie, c'est normal.

Je lui offris mon plus beau sourire, galvanisé par les paillettes qui brillaient dans le ciel.

- Je me dois tout de même de le faire.

Il sourit à son tour. Il s'assit devant le dromadaire qui somnolait tranquillement, étranger à l'agitation des hommes.

- Je me dois de le faire car vous avez sauvé la seule chose qui me reste.

La nuit poussait toujours à se confier, et je savais aussi que j'avais cette aura des personnes qui écoutent.

- Ma femme est décédée en donnant naissance à notre fils, il y a quatre ans de cela. Après avoir porté son deuil durant toutes ces années en tentant de faire vivre mon ranch, j'ai voulu changer de vie, tout recommencer. J'ai vendu toutes mes vaches, tous mes chevaux, tous mes champs, j'ai acheté une nouvelle propriété avec l'argent. C'est là que nous nous rendons en compagnie de ce convoi de marchands.

Je m'installais à ses côtés, doucement, pour ne pas déranger son ambiance songeuse.

- Vous avez beaucoup de courage.

Dans ses yeux, noirs comme le ciel qui s'étendait peu à peu au-dessus de nos têtes, je vis tout ce que je ne pouvais pas dire avec des lettres, des mots.

Il me semblait que j'allais demeurer un peu plus longtemps avec ces marchands. Ne serait-ce que pour voir à nouveau les joues un peu barbues du propriétaire de ranch s'étirer et tordre ces lèvres charnues.

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J'ai obtenu la note de 2,5/6

Recueil de textes - Le Carnet des Dieux 2021Où les histoires vivent. Découvrez maintenant