Déjà, sachez que je participe dans l'équipe qui gagne 2 points si elle rend avant 18h ( non je ne vais pas recopier le nom trop long de ce dieu x) ).
Aujourd'hui, nous devions écrire à partir de ce tableau de Kate Bergin :
Et voilà le texte que j'ai soumis :
Le flamant rose.
Tout commençait avec le flamant rose.
Parce qu'il était rose, et que tous les enfants du monde avaient déjà été fascinés par sa couleur.
Parce qu'il était rare, et que tout ce qui est rare est cher.
Qui avait eu l'idée d'attribuer un prix aux animaux, je me le demandais tous les jours.
Tout commençait avec le flamant rose.
Et ma nouvelle vie n'avait pas échappé à cette règle.
C'était le flamant rose qui m'avait décidée à changer de voie, à partir, loin, à sortir de l'ambiance dépravée dans laquelle ma vie s'était embourbée depuis trop longtemps.
Ce flamant rose solitaire, dans son enclos.
Tous les matins, alors que je balayais les allées du parc zoologique, il était là, debout. Il attendait. Tout son groupe était vendu ou mort. Et il attendait son sort.
Il était arrivé un matin de janvier. Un de ces matins où le froid pénétrait dans tous les recoins de cette petite ville du centre de la France, du cerveau des hommes aux brindilles des arbres caduques dénudées de leurs feuilles. J'avais balayé l'allée, j'avais tourné la tête, et le flamant rose était couché.
La mort était donc son sort.
Alors mes yeux avaient goutté, comme ce genre de rigole qui court le long des toits et qui laisse tomber la rosée du matin par son embouchure.
Ce flamant rose avait attendu durant toutes ces années, voyant peu à peu son groupe s'effilocher, l'abandonner. Il avait attendu en subissant les railleries des enfants gâtés qui lui jetaient des morceaux de pain. Il avait attendu en recevant sa nourriture morte, et un peu trop de crevettes pour lui donner son rose qui attirait les visiteurs. Il avait attendu pour servir de tableau mais personne ne voyait qu'il n'y avait plus d'art dans ses yeux.
Il avait attendu.Et c'était tout.
La réalisation m'avait frappée : les animaux n'étaient pas faits pour attendre. Et je n'avais pas choisi de travailler auprès d'eux pour les voir attendre. La fascination de petite fille, celle qui avait commencé avec le flamant rose, ne venait pas d'animaux qui attendaient leur mort.
Elle avait émergé face à leur liberté, leur sauvagerie, parce que j'avais senti que je partageais une part de cette indépendance, et que je souhaitais vivre d'une liberté grandiloquente, une liberté animale.
Moi aussi, j'avais commencé à attendre mon sort en fin de compte.
Je m'étais enfermée dans un enclos où je répétais tous les jours les mêmes gestes, où je pestais tous les jours contre les mêmes enfants qui tapaient aux vitres des aquariums et criaient sur les lions.
J'attendais.
Et c'était tout.
Et c'était fini.
Le jour où le flamant rose avait cessé d'attendre à jamais, j'avais décidé que je n'attendrais plus non plus.
J'avais décidé de m'envoler, de partir à l'aventure et de contenter la petite fille en moi qui s'était atrophiée.
J'avais parcouru le monde, rencontré des centaines d'animaux à la liberté grandiloquente qui se faisaient empêtrer dans les horreurs des hommes.
À Madagascar, le lémurien qui vivait au milieu de la ville car on avait cassé sa forêt.
Au Brésil, les singes qui criaient du haut de leurs arbres enflammés.
À la maison de mes parents, la pie qui creusait la terre pour trouver des vers et tombait sur les gravats de notre mur démoli.
À côté de la maison de mes parents, la tortue des voisins qui se faisait mordre par un chien laissé sans surveillance par des maîtres trop confiants.
En Camargue, l'échasse blanche obligée de s'envoler pour échapper aux aboiements enragés du berger allemand et ses propriétaires trop négligents.
Tout autour du monde, j'avais vu des animaux libres mais embourbés. Des âmes en peine qui bataillaient pour leur survie, pour l'air qu'on leur volait, année après année. Mes yeux avaient pleuré plusieurs fois.
Mais j'avais aussi vu les humains, ceux qui m'avaient rejoint dans mon élan, ceux que je ne connaissais pas mais qui luttaient aux côtés des animaux pour les voir libérés. Et mes yeux avaient de nouveau pleuré.
Alors ce flamant rose, ici, devant moi, debout, il commençait.
Quoi ? Je crois qu'aucun de ceux qui le regardaient n'en avait d'idée. Mais nous voyions tous qu'il était le commencement de quelque chose, infiniment plus grand, grandiloquent.
Après avoir fait quelques pas dans la marée basse d'une des lagunes de la Camargue, notre rescapé se nettoya les ailes de quelques coups de bec.
Il étendit ses ailes entières pour la première fois depuis des années, et avant de prendre son élan et de s'envoler, il sembla jeter un regard vers nous qui l'admirions.
Ses pattes le propulsèrent vers l'avant et en deux grands battements d'ailes, il décolla à la recherche d'un groupe où s'épanouir. Il n'aurait pas à chercher longtemps, ses anciens camarades de captivité se trouvaient dans l'étang d'à-côté. Il avait juste un peu de retard sur sa liberté.
Et tandis qu'il s'envolait, je retrouvais mon groupe à moi, mes compagnons de liberté animale, ceux avec qui nous agissions partout à travers le monde.
C'était pour lui que nous faisions tout ça. Pour le flamant rose du zoo qui avait attendu, pour le lémurien, pour les singes, pour la pie, pour l'échasse, pour eux qui formaient ce tableau d'horreur infligée par les hommes. C'était pour lui que nous nous étions réunis.
Le Flamant Rose.
Tout commençait avec Le Flamant Rose.
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J'ai obtenu la note de 5/6.
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Recueil de textes - Le Carnet des Dieux 2021
Rastgele@Aidons_Nous organise des défis d'écriture quotidiens durant l'été, et j'ai décidé d'y participer :) Je vous laisse donc découvrir les textes que je soumets hihi.