Aujourd'hui, nous devions écrire à partir de trois mots : Sandales, Sauvetage, Cigare.
Voici ce que j'ai écrit :
L'odeur du cigare envahit mes narines, racla les parois de mon nez avec sa fumée âcre, fit frissonner ma gorge de dégoût.
Voilà bien un quart d'heure que j'observais ce vieux monsieur sur ma droite, sa bedaine bien à l'abri de son parasol rayé et son bob rouge fermement enfoncé sur ses cheveux épars. Il observait son petit-fils frapper son seau pour en faire sortir un château de sable qui s'écroulait irrémédiablement. Le grand-père semblait apprécier un peu trop voir ce gosse de 5 ans galérer à faire un château avec son sable sec. Les personnes âgées cachaient bien leur jeu.
Cette scène me faisait sourire : ce vieil homme fumant son cigare, ses sandales de plage aux pieds, son bob sur la tête et son parasol un peu usé. Il y avait ce truc que je repérais souvent autour de moi, cette impression qui émanait de diverses situations : le sentiment que l'on pourrait facilement créer une œuvre d'art à partir de cet instant.
Je détournai quelques instants les yeux du papi aux sandales et au cigare. J'observai les goélands et les mouettes tourner à la recherche d'un sandwich à subtiliser. Oui, ce moment était fait d'art.
Après avoir passé quelques minutes à me prélasser au soleil, les yeux fermés pour apprécier la lumière qui passait au travers de mes paupières, je sortis de ma torpeur et posai de nouveau les yeux sur le papi et son petit-fils.
Quelle ne fut pas ma stupeur.
Le papi s'était levé, ses sandales disparaissaient presque dans le sable, son cigare se consumait toujours entre ses doigts. En revanche, son petit-fils avait disparu.
Plus précisément, il se trouvait désormais enfoncé jusqu'aux coudes dans la Méditerranée. Et il continuait d'avancer. Un pas de plus, sa tête serait sous l'eau. Sauf qu'il ne portait aucun système qui servait habituellement à soutenir les enfants en bas âge dans leur apprentissage de la natation. Et cela me faisait un peu peur.
Je continuai d'observer ce qui se déroulait sous mes yeux tout en jetant un coup d'œil à la chaise du maître nageur à quelques dizaines de mètres de là. Absent. Pourquoi ces gens-là étaient-ils toujours absents lorsqu'on avait besoin d'eux ?
Je ne me levai pas immédiatement, attendant de voir si la catastrophe qui se dessinait allait vraiment se produire.
Elle se produisit. Le gosse sauta en avant et se retrouva rapidement à l'endroit où le fond s'éloignait brutalement de la surface. Je ne vis que ses mains disparaître. Je jetai un œil au papi en courant vers la mer : il fumait toujours son cigare, examinant ses sandales ensablées. Il n'allait vraiment pas m'aider.
En deux mouvements de brasse, j'étais là où j'avais vu disparaître le petit. Je vis des bulles émerger à ma droite et projetai alors mes bras à l'aveuglette pour attraper le corps frêle qui gigotait dans tous les sens. Je le soulevai sans peine et le portai en le rassurant vers son grand-père. Une fois face au vieux monsieur, celui-ci me cracha la fumée de son cigare au visage et je lui jetai un regard noir.
- Votre petit-fils était en train de se noyer monsieur.
- Merci de l'avoir sauvé alors.
Il m'offrit un sourire en plus de son remerciement, attrapa la main du môme et repartit vers son parasol pour fumer son cigare, toujours ses sandales aux pieds.
Je n'ai toujours pas compris ce qui s'est exactement passé ce jour-là.
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J'ai obtenu la note de 3/6
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Recueil de textes - Le Carnet des Dieux 2021
Rastgele@Aidons_Nous organise des défis d'écriture quotidiens durant l'été, et j'ai décidé d'y participer :) Je vous laisse donc découvrir les textes que je soumets hihi.