20° Ad vitam

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« En ce soir du Ritz, soir de destin, elle m'est apparue, redoutable de beauté, elle et moi et nul autre en la cohue des réussisseurs et des avides d'importances, mes pareils d'autrefois, nous deux seuls exilés, elle seule comme moi, et comme moi triste et méprisante et ne parlant à personne, seule amie d'elle-même, et au premier battement de ses paupières, je l'ai connue. C'était elle, l'inattendue et l'attendue, aussitôt élue en ce soir de destin, élue au premier battement de ses longs cils recourbés. Elle, Boukhara divine, heureuse Samarcande, broderie aux dessins délicats. Elle, c'est vous.»
Albert Cohen, Belle du Seigneur.





Sélène

Le soleil brûlait.

Nous avions roulé des heures, et le jour s'était levé, et le soleil, doucement, nous embrasait ...

Dante m'avait emmené le long des côtes siciliennes, et la mer, et les chemins escarpés... Si je fermais les yeux, je pouvais me souvenir du sentiment, de la liberté. Accrochée à lui sur une vespa qui vacille, qui danse sur l'asphalte brûlant, et me sentir incendiée par sa proximité, par son odeur, par son regard, par dessus son épaule. Le cœur qui palpite fort, fort, fort, et soudain, c'est le bruit d'un tambour que l'on entend. Silence. C'est l'amour.

- À quoi tu penses ?

Garée à l'ombre, la voiture ne protégeait de la chaleur. Des gouttes de sueur perlaient sur ma nuque, et je me sentais atrocement moite. Dante ne se portait pas mieux que moi, et nous esquissâmes un pauvre sourire, honteux de se faire abattre de la sorte par le soleil.

- Je crois que je devrais me débarrasser de ma peau pour avoir moins chaud.

Dante éclata d'un rire sonore et il passa sa main sous mon teeshirt. Je frissonnais.

- Tu es brûlante.

- Toi aussi.

- Allons-y, alors.


San Vito Lo Capo et ses plages de sables blanc. L'eau turquoise rayonnait devant nous tandis que la lumière blonde du soleil miroitait sur les vagues et ondulait, dansante, sur le rivage.

Il était tôt encore, et malgré la chaleur accablante, la plage était presque vide.


L'impression de posséder, pour quelques minutes de temps, le paradis.


- Le dernier dans l'eau...

Dante laissa sa phrase en suspens, tandis qu'il se débarrassait en hâte de ses vêtements. Je compris son défi et me dépêchait à mon tour de retirer ma robe.

- Merde, crachais-je. Mon maillot.

Dante esquissa un sourire, tandis que son regard parcourût les courbes de mon corps. Il se précipita ensuite vers le rivage, et je me lançais à sa poursuite, hilare.

- Tricheur ! l'accablais-je, une fois dans l'eau.

Dante plongea et revint à la surface, les cheveux mouillés, rejetés en arrière. J'eus la respiration coupée un instant, toujours interdite face à sa beauté. Irréelle.

Il s'approcha et, me gratifiant d'une moue faussement compréhensive, railla :

- Comment aurais-je pu tricher, s'il n'y a pas de règles ?

Il s'esclaffa encore et s'éloigna vers l'océan. Je le regardais un instant. Vingt-neuf ans, et une liberté adolescente. L'insolence. Chaleur matinale, déjà caniculaire.

Il nageait, criait mon nom. Regarde, Sélène. Oui, je regarde. Oui, je te regarde. Je regarde notre jeunesse. Elle brille, elle étincelle sur nos peaux. Parce qu'on ne vieillira jamais. Parce que l'on est des éternels, des joyeux, des fous de la vie. Oui, Dante. J'arrive. Et elle est belle, la vie. Et puis, la plage, regarde, elle est vide. Et qu'est-ce qu'il est chaud, le sable, mais qu'est-ce qu'elle est fraîche la mer. Attends, non. Je sais nager, mais peut-être que je ne sais plus. Porte-moi. Oui, voilà. Oui, comme ça. Et tu les sens, les rayons, brûler, brûler, brûler encore, lorsque tu fermes les yeux ? Puis, regarde Dante. Regarde là bas. Regarde l'horizon. Infini. C'est beau, n'est-ce pas ?

Dante s'arrêta de nager. Il acquiesça. Oui, c'est beau. Il me regardait moi. Oui, t'es belle.

- Et puis merde, pars pas, Sélène. Pars pas. Ou alors, ça sera moi qui viendrait. Paris, c'est ça ? J'ai toujours voulu découvrir la France. Et Nino, je suis sûr qu'il adorerait ça. Je suis sûre qu'il t'adorerait.





Onze heures. La plage se remplissait peu à peu. Étoile de paradis. La bulle avait éclaté, mais les paillettes demeuraient. Elles étaient dans les yeux.





















...



Court chapitre. Qu'en avez-vous pensé ?

Dites-moi tout !

J'ai publié une histoire il y a quelques jours : AMOUR CRÈVE. Si vous avez lu Harem, Neons Rouges ou encore Téléphone Rose, cette histoire pourrait vous plaire. Elle est courte (( et terminée )), n'hésitez pas !


À très vite ✨

S A P H I ROù les histoires vivent. Découvrez maintenant