Chapitre à lire avec la musique pour plus d'intensité« C'est à partir de toi que j'ai dit oui au monde.»
Paul ÉluardSélène
- On ne se rend compte qu'une chose nous manque que lorsqu'on la perdue.
Dante m'offrit son dos. Arrêtés à quelques mètres de la Villa, sous les esquisses du soleil qui tirait sa révérence.
Lorsqu'il s'ouvrait à moi, il ne me regardait jamais.
Alors, je l'observais. Toujours de loin. Toujours loin de moi, parce que s'on déchirait en s'aimant. Parce que le monde était un lieu terrible et violent, et que nous en étions ses acteurs misérables.
- Tu sais, Sélène, j'ai peur de beaucoup de choses. J'ai peur quand je regarde ma mère, et que je vois qu'elle vieillit. J'ai peur, lorsque je vois Nino qui grandit, lorsque je vais sur la tombe de Dora, lorsque je sens l'odeur de brûlé. J'ai peur que le monde se déchaîne contre moi.
Il s'arrêta. Ne dit rien. Se retourna.
- Mais plus que tout, j'ai peur que ma vie me passe un côté et qu'un jour il ne soit trop tard.
Les derniers rayons d'Hélios se jetaient sur la ruelle, irradiant Dante d'un halo irréel. Je me rapprochai et lui pris la main. Voilà, comme ça. Ses tremblements cessèrent au contact de la mienne.
- Sélène.
Mon nom. Entre ses lèvres. Ultraviolence.
Et mon palpitant, qui plusait, encore et plus fort.
- Je-
Une porte s'ouvra à la volée et le coupa dans son élan.
- Sei lì, entra!*
Dante plaça sa main sur le bas de mon dos et nous entrâmes.
Maria me prit dans ses bras.
- Mi ricordo di te.*
Ses cheveux bruns remontés en un chignon. Ses beaux yeux marrons brillaient tandis que des rides ornaient son regard, arabesques.
Puis, ses mains autour des miennes, elle chuchota :
- Dante, non ti ha mai dimenticato. Mai, mai...*
J'avais compris. Oui, cela je l'avais compris, et mon cœur brûlait pourpoint tandis que je me retournai vers ce dernier. Un léger sourire traversa ses lèvres.
- Fais comme chez toi, Sélène, me dit gentiment Maria.
Dante me fit alors visiter la grande maison. Richement décorée, une fierté brûlait dans sa voix : celle d'avoir pu offrir à sa mère un endroit digne où vivre. Il ouvrit la porte d'une chambre. Nino y dormait, tandis qu'une veilleuse projetait des ombres étoilées sur le mur noir.
Puis, il m'emmena sur le balcon. De là, on pouvait voir tout Palerme. La maison, située sur une colline, surmontait la ville. Les lumières de la cité éternelle brillaient, lucioles terrestres.
C'était beau.
La musique du salon provenait jusqu'à nous. J'entendais Maria chantonner. Dante s'accouda contre la rambarde. Il sortit une cigarette et l'alluma, avant de se perdre dans la contemplation du spectacle muet qui dansait face à nous. L'univers, pâle et véritable, qui nous révélait toute sa fragilité. Et il partait en fumée lorsque Dante exhalait le feu qui brûlait en lui.
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S A P H I R
Romance2009. De retour à Palerme, Sélène retrouve ses côtes baignées par le Soleil, l'éternité ocre et jaune de la jeunesse encore pure qui se veut invincible. L'été de 1999 est resté gravé dans sa mémoire telle la relique de l'immortel. Foulant les mêmes...