Chapitre 5

22 3 1
                                    

Son aveu me cloue le bec. J'étais loin de me douter quelle terrible vérité cachait ce père si attentionné.

Veuf.

Joachim est veuf.

Je... Merde, lâché-je, sous le choc.

— Tu l'as dit...

Je ferme les yeux, morte de honte. Je le sentais, pourtant, qu'il fallait éviter d'aborder ce sujet. La curiosité était trop forte et me voilà à présent, bien embarrassée. Il est évident qu'il aime toujours la mère d'Ève et que sa disparition laisse un vide immense dans son cœur. Quand je pense que je l'ennuie avec mes soucis stupides liés à mon ex-compagnon ! Perdre l'amour de sa vie est bien pire que de subir les insultes de ce type.

— Je suis désolée. Je ne voulais pas me montrer indiscrète. Je n'aurais jamais pu imaginer... ça.

Malgré sa peine, il trouve tout de même la force de me sourire. Comme il doit lui en coûter !

— Tu ne pouvais pas deviner et, de toute façon, ce n'est pas un secret. Quand la petite est entrée à l'école, j'ai bien dû informer l'instit de ce qui s'était passé. Une gamine aussi jeune qui n'a pas de mère, c'est assez rare et ça fait jaser.

— Et euh... avec Ève, ça va ? Je veux dire... tu arrives à gérer ?

— On s'en sort, affirme-t-il en soupirant. Je fais ce que je peux pour combler le vide que sa mère a laissé, mais je ne me fais pas d'illusion : je ne pourrai jamais la remplacer.

J'ai le cœur serré et l'envie irrépressible de le prendre dans mes bras pour le réconforter. Les hommes pensent à tort qu'ils doivent se montrer forts et insensibles envers et contre tout. Or, il n'y a rien de plus touchant qu'un gars qui ose exprimer sa vulnérabilité quand son chagrin devient trop difficile à porter.

Joachim est un type robuste, il n'y a qu'à regarder les muscles de ses avant-bras. Il est un concentré de virilité dont le cœur porte une profonde cicatrice encore à vif.

— Je dois te sembler ridicule avec mes problèmes, m'excusé-je.

— Ne dis pas de bêtises, Livia ! Nous portons tous notre croix, quel que soit son poids. Certaines sont simplement plus lourdes que d'autres.

Je le regarde avec probablement un peu trop d'admiration dans les yeux. Je crois que c'est la première fois que je rencontre un homme qui fait preuve d'une telle sagesse.

— Je ne supporte pas les types qui se conduisent mal avec les femmes. Vous méritez qu'on vous respecte et qu'on vous traite correctement. Je ne te connais pas très bien, mais je sais que tu es une bonne personne. Je devine aussi que tu en as bavé avec ton ex et qu'il continue à te pourrir la vie.

Je baisse les yeux, gênée d'être ainsi mise à nu.

— Il vient vers nous, m'informe-t-il tout bas.

Je relève mon visage d'un coup sec, réveillant au passage Léna, qui avait fini par s'endormir contre moi.

— J'y vais, m'indique Marvin en me lançant un regard mauvais.

Vanina est à ses côtés, sa petite main liée à celle de son père. Je souris à ma fille et lui demande si elle accepte de venir me faire un bisou. Elle se jette à mon cou, tandis que je la serre contre moi. Je tiens mes deux enfants avec fermeté et respire une dernière fois leur odeur de bonheur. Je les reverrai dans deux jours. Deux petits jours durant lesquels elles vont me manquer terriblement.

— Soyez sages avec papa, mes amours. On se retrouve très vite.

Marvin est obligé de porter Léna, encore tout ensommeillée. Vanina me lance un dernier signe de la main et se détourne, poussée par son père. Je les observe jusqu'à ce qu'elles disparaissent, emportant avec elle mon pauvre cœur de maman dévouée.

Dans l'ombre de Narcisse (BMR Edition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant