Chapitre 1

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— Allez les filles, dépêchez-vous ! Il ne faut pas être en retard pour votre premier jour d'école !

Mes deux fripouilles arrivent en trombe dans le hall d'entrée afin que je les chausse. Elles sont à croquer dans leur nouvelle tenue achetée spécialement pour l'occasion. Comme beaucoup de parents, je tiens à ce qu'elles soient irréprochables pour ce grand jour tant attendu.

Depuis un mois, elles me cassent les oreilles pour faire leurs débuts à la maternelle. Alors trop jeunes, il a fallu attendre leurs deux ans et demi pour qu'elles puissent enfin passer dans la cour des grands.

Émue et incroyablement fière d'elles, je les observe tandis qu'elles discutent dans un langage qui leur est propre : un mélange de français et de baragouinage infantile.

Si, au début, avoir des jumelles m'effrayait, j'avoue qu'avec le temps et une bonne dose d'organisation, j'ai fini par m'acclimater à ma condition de maman. Situation qui s'est davantage compliquée il y a un an lorsque j'ai pris la décision la plus douloureuse mais également la plus sensée de toute ma vie : quitter leur père.

Il sera présent, aujourd'hui. Il tentera comme toujours de se faire passer pour le papa aimant et attentionné, abandonné par sa femme qui, prise d'un coup de folie, l'a privé des prunelles de ses yeux. Il amadouera son public en le charmant avec sa sympathie naturelle qui cache pourtant un monstre de manipulation.

J'essaierai, comme je le fais à chaque fois, de ne pas prêter attention à ses propos mielleux et de me concentrer uniquement sur Léna et Vanina, mon unique source de bonheur.

Déterminée, je les sangle dans leurs sièges-auto et prends la route de l'école maternelle située au cœur de notre petit village. Je leur jette un coup d'œil par le rétroviseur central. Elles semblent si sûres d'elles, avec leurs petites mallettes posées sur leurs genoux.

Je roule à peine dix minutes avant de me garer sur le parking de l'établissement scolaire. Comme tous les matins, j'imagine, c'est la cohue entre les parents qui arrêtent leur véhicule n'importe où sans se soucier de la sécurité des piétons, les enfants qui courent dans tous les sens, heureux de retrouver leurs camarades, et ceux un peu moins contents d'entamer une nouvelle journée d'école.

Je me félicite intérieurement d'avoir mis au monde mes filles en avril. Au moins, je n'ai pas eu à m'imposer un premier septembre chargé d'émotion pour tous les petits qui entament une nouvelle année scolaire. Nous sommes en octobre et les premiers jours d'école sont déjà loin pour ces chérubins remplis d'énergie.

J'aperçois Marvin avant les filles. Nonchalamment appuyé contre le mur principal du bâtiment, il dévisage les parents qui passent devant lui, leur octroyant la plupart du temps un sourire et un signe de tête aimable.

Quel trou du cul !

Vêtu d'un costume Hugo Boss au summum de l'élégance, il ne laisse pas indifférente la gent féminine. Lorsqu'une maman se retourne pour le détailler avant de pénétrer dans l'enceinte de la bâtisse, j'ai envie de vomir. Si seulement elle savait de quel bois cet individu est fait... Malheureusement, la pourriture ne se remarque pas de l'extérieur. Bien au contraire !

À moi aussi, il m'a fait cet effet-là quand je l'ai rencontré. Je n'ai vu que la plastique, j'ai été éblouie par son sourire extra-white et j'ai balayé toutes les mises en garde que ma mère a pu me prodiguer contre les beaux parleurs.

Marvin était à tomber et il s'intéressait à moi. C'était tout ce qui m'importait, à l'époque.

À présent, je ne parviens même plus à le trouver beau. Je sais qu'il l'est pour les autres. Moi, je ne vois plus que le monstre de laideur tapi sous ce corps attirant. Le mal se pare de ses plus beaux atours pour attirer les pauvres âmes qu'il convoite.

Dans l'ombre de Narcisse (BMR Edition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant