Chapitre 2

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— Ça va ? me demande l'inconnu en se plantant devant moi.

Rageusement, j'efface une larme qui a décidé de bousiller mon maquillage savamment élaboré ce matin.

— Oui, oui, c'est bon. J'ai l'habitude...

L'horreur de mes paroles me donne envie de vomir. Comment peut-on s'habituer à l'humiliation et à la peur ? Quand cesserai-je enfin de me laisser manipuler sans rien dire ? Parviendrai-je un jour à prendre le dessus sur lui ?

— Qui était-ce ?

— Marvin, le père de mes filles. Nous sommes séparés depuis presque un an, mais il ne l'a toujours pas digéré.

— Ça ne lui donne pas le droit de vous traiter comme il l'a fait ,!

J'ai envie de lui répliquer que cette petite altercation n'est rien comparée à ce qu'il m'a déjà fait subir. Je choisis néanmoins de me taire ; je ne vais pas exposer ma vie privée à un étranger, si charmant soit-il.

— Navrée que vous ayez dû assister à ce triste spectacle, m'excusé-je piteusement.

— Vous n'avez pas à vous sentir coupable. D'autant plus que je suis certain que lui n'éprouve aucun remords...

Il ne croit pas si bien dire. Marvin se considère comme une victime, me collant l'étiquette du monstre qui l'a abandonné. S'il a réussi à embobiner en partie sa famille, la mienne, en revanche, a fini par cerner ce personnage odieux et pervers.

— Au fait, je m'appelle Joachim, se présente-t-il en me souriant gentiment.

— Enchantée, je suis Livia, la maman de Vanina et de Léna. Elles ont fait leur rentrée aujourd'hui.

— Waouh ! Grande journée pour vous ! Vous tenez le coup ?

Avec l'intervention de mon ex, je n'ai même pas eu le temps de me poser cette question. À présent qu'elle me taraude, je dois bien reconnaître que j'éprouve un petit pincement au cœur.

— Oui, ça va aller. Elles étaient contentes de passer chez les grands.

— Je comprends ça. Ma fille, Ève, est entrée à l'école le 1er septembre. Je crois que j'étais plus chamboulé qu'elle, plaisante-t-il.

Je souris, attendrie par ce père de famille qui semble si bienveillant envers son enfant. Malgré tout, je me méfie. La vie a fait en sorte que je devienne suspicieuse vis-à-vis des hommes. Je sais par expérience qu'ils peuvent se montrer adorables avant de révéler la bête tapie en eux.

— Elle est toujours aussi heureuse d'aller à l'école ? demandé-je, sincèrement intéressée.

Après tout, nos petites sont dans la même classe. Il se pourrait même qu'elles deviennent amies.

— Oh oui ! Elle adore le contact avec les autres enfants etj'avoue que, depuis qu'elle est ici, elle grandit à vue d'œil. Elle revientsouvent le soir en me chantant de nouvelles chansons. Je ne comprends pastoujours très bien les parole, mais je trouve ça attendrissant. Vous verrez, vous adorerez aussi !

Après l'angoisse occasionnée par Marvin, je suis heureuse de pouvoir discuter avec un homme aussi agréable que Joachim. Il me ferait presque oublier celui qui m'attend au tournant.

— Bon, je vais devoir y aller. Le travail m'appelle, préviens-je, l'humeur un peu assombrie.

— Oui, évidemment. On aura certainement l'occasion de nous revoir.

— Assurément ! Je serai ici tous les matins à la même heure.

— Alors, à demain, Livia !

Dans l'ombre de Narcisse (BMR Edition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant