Chapitre 5: Quand la lumière se révèle n'être que feu de forêt

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FairyLake, le présent

- Vous n'avez toujours pas fermé l'œil, n'est-ce pas ? lança Devon.
Après leur visite à l'hôpital et la découverte de l'état comateux dans lequelle Alceste, l'ancienne Reine de Wonderland et la sœur de Lacie, cette dernière avait, avec l'aide du chapelier, pris des mesures légales afin de pouvoir mettre la main sur les possessions de la Reine. Après avoir prouvé leur lien sanguin et consulté un avocat, le reste ne fut qu'un jeu d'enfant. Parmi les possessions de Alceste comptait une magnifique demeure dans un coin aisé de la ville. « On ne pourra pas rester éternellement au Mille et une Nuit» avait argumenté Lacie devant la réticence de Devon. Bien entendu, il finit par céder et c'est ainsi que les deux compagnons se retrouvèrent à s'installer dans la maison de leur ennemie jurée.
Lacie finit d'avaler sa gorgée de café avant de répondre, froissée:
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
Devon considéra les cernes sous les yeux de Lacie, sa posture trop raide et la grande tasse de café qu'elle tenait à la main.
- Juste une supposition, dit-il d'un ton léger. Je suis un peu inquiet à vrai dire. Ça fait plus de 48 heures que vous n'avez pas eu de sommeil.
- C'est faux, protesta Lacie. J'ai fais une sieste dans la voiture, tout à l'heure. Et puis, qui a besoin de sommeil quand on a une bibliothèque aussi immense ! s'exclama-t-elle en pointant les rangées de livres devant elle. Je veux dire, je pourrais y passer des journées entières !
- Je peux comprendre l'engouement, admit Devon.
- Au fait, je ne vous ai jamais demandé comment s'est passé votre rencontre avec Bonnie, fit remarqué Lacie.
- Bien, je suppose. On a discuté.
- Vous avez discuté..?
- D'Edward, précisa Devon.
- Oh. Et comment va Bonnie?
Devon prit un moment avant de répondre.
- C'est dure à dire, avoua-t-il finalement. Comme sa mémoire a été modifiée, elle croit que mon frère est un soldat mort au combat, ajouta-t-il.
Devon eut un sourire triste.
- C'est assez proche de la vérité, fit-il.
Un silence s'ensuivit.
- Et ... commença Lacie. Qu'en est-il de vous, Devon ? Comment allez-vous ?
Un silence s'installa.
- Il me manque, dit-il simplement.
Lacie le regarda, tenta de sonder son expression, mais il ne laissait rien paraître.
- Dites, vous ne trouvez pas que Alceste possède une inquiétante quantité de livres occulte ?fit-il soudainement.
- Elle est une puissante sorcière, lui rappela Lacie. Il n'y a rien de surprenant à cela.
- Tout de même, insista Devon en feuilletant un large bouquin. Cela découle davantage de l'obsession. Voyez un peu ça.
- La magie des cœurs, lut-elle.
Sur la couverture, deux silhouettes étaient illustrées; l'une était une paysanne à genoux sur le sol, le visage exprimant une horrible souffrance, alors que la seconde silhouette représentait une sorcière maléfique tenant un organe rouge et brillant dans sa paume.
Un sentiment de malaise envahi Lacie.
- J'ai déjà vu ça, dit Devon.
Lacie acquiesça.
- Elle lui a arraché le cœur, dit Lacie.
Devon hocha la tête, l'air écœuré. Elle se demanda si c'était la façon qu'Alceste avait assassiné Edward, en lui arrachant le cœur de la poitrine. Devon avait-il été témoin d'une telle ignominie ?
Au pays des merveilles existait une magie que seuls certains rares puissants sorciers avaient acquis; on l'appelait la magie des cœurs. Cette dernière permettait, à l'aide de quelques enchantements, de pouvoir plonger sa main à l'intérieur du thorax d'une personne pour pouvoir y cueillir son cœur, tout en laissant le corps de la victime intact. Cet organe était considéré comme source de toute magie. Avec un coeur humain, un monde de sortilège et de malédiction aux possibilités infinies s'ouvrait.
- Je crois qu'on devrait garder ce livre, dit Lacie. Il pourrait nous en dire plus sur ce dont Alceste est capable.
Devon l'observa mettre le grimoire dans son sac en bandoulière avec un regard étrange.
- Qu'y a-t-il ? lui demanda Lacie.
- Je n'aime pas ça, confia-t-il.
- Quoi donc ?
- Ça, dit Devon en faisant un vague signe de main pour désigner son entourage. Cet endroit est sinistre. Et ce livre... on peut pratiquement sentir le poids des vies perdues à cause de ce bouquin. Ça respire la magie noire.
Lacie leva les yeux au ciel et croisa les bras.
- En premier lieu, fit-elle, très composé, ce bouquin n'a tué personne, Alceste si. En deuxième lieu, il n'existe pas de magie noire, souffla-t-elle avec exaspération. La magie est ce qu'on en fait.
- La magie permet d'arracher des coeurs, protesta Devon. C'est quelque chose de purement immonde.
- Ce n'est pas qu'à propos de meurtre! riposta-t-elle avec trop de véhémence pour que cela paraisse justifié. La magie des cœurs peut être magnifique, elle peut signifier promesse et confiance...
- Pourquoi défendez-vous Alceste ? s'écria Devon.
- Ce... ce n'est pas ça, balbutia-t-elle. Je cherche simplement à vous faire comprendre que... que la magie des cœurs n'est pas nécessairement mauvaise.
- C'est la première fois que j'entends une chose pareil, rétorqua le chapelier.
- C'est la vérité, insista Lacie. La magie des cœurs peut même protéger les innocents.
- De que diable parlez vous ?
Lacie regarda dans les yeux de Devon et y vit une fureur mal contenue, quelque chose qui était prêt à éclater.
«Son frère s'est fait arracher le cœur, se rappela-t-elle. Enfin Lacie, à quoi pensais-tu?»
Elle décida de ne pas en dire davantage, mais Devon ne voulait pas lâcher l'affaire.
- Avez-vous déjà utilisé cette magie ?
Il avait prononcé ces mots avec un ton précautionneux et un brin accusateur. Lacie lui renvoya un regard surpris. Elle avait oublié à quel point Devon était perspicace.
- Bien sur que non, Devon, répondit-elle, composée. Ne dites pas n'importe quoi.

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