Chapitre 7: Souvenirs

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Lacie ouvrit paresseusement ses yeux et contempla le plafond un long moment, perplexe. Elle ne se souvenait pas s'être endormie... Cela avait du se produire alors qu'elle parlait à Devon.
Mais où se trouvait-elle ? Le plafond était trop haut pour qu'il s'agisse de l'appartement des Mille et Une Nuits, et les tapisseries des murs n'étaient pas semblables à celles qui se trouvaient dans la demeure d'Alceste.
Elle se redressa et parcoura l'étrange pièce circulaire du regard avant de se figer lorsqu'elle entendit une voix beaucoup trop familière.
- Je t'attendais.
Lacie se retourna avec lenteur.
Alceste était prélassée sur un long canapé victorien, son habituelle robe blanche comme de la soie contre le velour rouge. Elle observait le dos de sa main avec minutie.
«Je suis donc dans un rêve, comprit Lacie, refusant de tomber dans le même piège deux fois. Tout ça n'est pas réelle.»
- Je vois que tu as décidé de révéler tous nos petits secrets à ton ami le chapelier, constata Alceste.
Elle faisait référence à la discussion que Lacie avait eu avec Devon.
- Je suppose qu'il ne me reste plus qu'à le tuer, lui aussi, s'esclaffa Alceste. Afin qu'il rejoigne son frère.
Lacie serra ses poings.
- Espèce de monstre, cracha-t-elle.
- Tu parles comme si tu étais une sainte, rétorqua Alceste. Je crois me rappeler que tu n'es pas non plus irréprochable, sœurette.
- Ce n'est pas la même chose, répliqua Lacie. Je n'ai jamais tué qui que ce soit, moi.
Alceste eut un sourire sarcastique.
- Tu as raison. Toi, Alice, tu as au moins le mérite de ne pas avoir du sang sur les mains.
Lacie ne dit rien, se demandant où sa sœur voulait en venir.
- Force est de constater que le frère de Devon serait encore parmis nous si tu avais fais un autre choix, finit-elle d'un ton léger.
«Ce n'est pas moi qui l'ai tué, pensa Lacie, enragée. N'essaie pas de me blâmer pour tes actions. »
Mais au fond d'elle, une petite voix murmurait qu'Alceste avait raison.
Cette dernière s'était levé du canapé et s'était posté devant Lacie, plantant ses yeux glaciales dans ceux de sa sœur jumelle.
- Tu te souviens de cet endroit ? lui demanda-t-elle.
Lacie parcoura la pièce du regard. Il s'agissait d'une tour, c'était clair à présent, seulement il n'existait ni porte, ni fenêtre. Les étagères étaient parsemés de vieux jouets, et une horloge brisée était fixée sur le mur. Le sol en marbre noir et blanc ressemblait à un échiquier.
Elle ne pût s'empêcher de penser que la pièce avait un aspect lugubre, comme si elle était la demeure d'un esprit fou.
Et puis soudainement, les traits de son visage s'affaissèrent.
- Oh non...comprit-elle.
- C'est pénible, n'est-ce pas ? De replonger dans le passé.
Pour une fois, il n'y avait pas de malice ou de colère dans le visage d'Alceste. Elle regardait Lacie avec impassiblité, et la jeune fille crut même discerner quelque chose qui ressemblait à de la... tristesse.
- Je sais que tu as oublié, Alice. Mais, moi, je ne peux pas.

Manoir Liddell, 1827

- Ça ne peut plus continuer ainsi, Beowulf, murmura Jane Liddell, une main sur le torse de son mari. Je- je ne peux pas-
- Jane, je t'en prie, répondit l'homme en prenant la main de son épouse. Ce n'est qu'une enfant, laisse-lui le temps, elle apprendra...
- Non, c'est trop douloureux, Beowulf! lâcha-t-elle.
Elle baissa la tête, les épaules tendues, et Beowulf la regarda d'un air inquiet. Puis la main gracieuse de la jeune mère plongea dans la poche de son tablier pour en ressortir un papier légèrement froissé. Elle le tendit vers lui, ses mains crispées comme s'il s'agissait d'une missive aussi effroyable que le diable lui-même, et parut vouloir dire quelque chose, mais rien ne sortit de sa bouche.
Beowulf le déplia avec précaution, ajusta son monocle, et l'examina.
Il s'agissait d'un dessin des plus simplistes fait par des doigts maladroits. Il représentait un portrait de famille comprenant quatres silhouettes caricaturées par la vision naïve d'un enfant.
La première était celle d'un homme avec, au dessus de son haut-de-forme, la mention Papa. La seconde était une délicate silhouette embellie par des boucles brunes: Maman.
La troisième silhouette était plus petite que les deux autres. Elle représentait une fillette portant une petite robe rouge appelée Lacie.
La dernière silhouette était une copie identique de la précédente, excepté qu'elle arborait une robe vaporeuse blanche qui ne semblait pas appartenir à la mode victorienne.
Alceste.
Beowulf ferma les yeux et lorsqu'il les rouvrit, il sembla avoir pris une dizaine d'année.
- Où l'as-tu trouvé ? demanda-t-il.
- Elle m'en a fait cadeau plus tôt dans la journée, répondit sa femme. Elle a dit que c'était pour... me remonter le moral.
Jane avait difficilement articulé sa phrase, et elle peina pour ne pas que sa voix prenne un teint brisé.
- Tu comprend maintenant ? demanda-t-elle.
Il hocha la tête.
- Je lui parlerais.

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