Chapitre 8: DreamLand

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Dessin par darknono

« Tout a commencé en 1818, lorsque ma mère a appris qu'elle attendait des jumelles. Elle n'aurait pas pu être plus heureuse. Mon père racontait que son sourire aurait pu éclairer le monde entier. Elle avait déjà décidé des noms des deux petites filles: elles s'appelleraient Alice et Alceste. »
Lacie battit des paupières avec contentement, les yeux fixant le feu de la cheminé. Le sourire serein sur son visage trahissait ses pensées: elle était mélancolique d'une vie qu'elle aurait pu avoir.
Son sourire se dissipa lorsqu'elle poursuivit son récit.
- Malheureusement, son bonheur était aussi fragile qu'une flamme. C'est ainsi que j'ai connu ma mère, voyez-vous, elle était instable et... malade de tristesse. L'annonce de la mort d'Alceste l'avait plongée dans une profonde dépression.
« C'est là le phénomène le plus curieux: Alceste est décédée alors qu'elle n'était encore qu'un fœtus dans le ventre de notre mère, mais d'une manière qui m'échappe encore, son âme s'est en quelque sorte retrouvée... happée par la mienne.
- Happée ? répéta Devon.
Elle hocha la tête.
- Une connection s'était créée entre nous. On était deux âmes dans un seul corps. À chaque fois que je fermais les yeux, j'arrivais à la voir, à lui parler. Dans un endroit qui n'existait qu'à l'intérieur de ma tête.
«Mes parents pensaient simplement que je m'étais inventée une amie imaginaire, et je ne peux pas les blâmer. La perte de Alceste avait laissé une plaie béante, et mon insistance à les persuader que ma sœur jumelle était toujours là n'était que torture. Plus tard, cela a favorisé leur décision de m'envoyer à l'institution Saint-Carroll. » finit-elle.
Lacie avait baissé les yeux, se recrovillant dans les couvertures que Devon avait déposé sur ses épaules étroites. Celui-ci écarquilla ses yeux aux révélations de son amie.
- Vous étiez dans une institution mentale ? dit-il, surpris et désolé.
- C'était la pire année de ma vie, révéla Lacie. Vous n'avez aucune idée de ce qu'ils faisaient aux internés à l'époque.
- Je ne peux qu'imaginer, dit Devon d'une voix douce.
Lacie fixa le feu dans la cheminée et se replongea dans son récit.
- Étant donné que ma sœur n'avait pas de corps qui lui était propre, poursuivit-elle, la seule façon pour elle de sortir de la dimension des rêves était qu'elle prenne ma place...
- Vous voulez dire... qu'elle possède votre corps ?
- C'est une idée effrayant, non ? dit-elle en relevant les yeux vers le chapelier, cherchant à avoir son approbation. De céder le contrôle à quelqu'un d'autre...
- Une peur rationnelle, la rassura-t-il.
- Alceste n'était pas du même avis.
Elle déglutit difficilement. .
- Bien entendu, reprit-elle, je n'ai jamais laissé cela arriver.
Lacie eut une expression amère.
- Pas de mon plein grès du moins.

Boutique Le Chapelier Fou, FairyLake

- Qu'est-ce que tu fais ?
Devon sursauta lorsque Bonnie se pencha par dessus son épaule pour lire l'article Internet qu'il lisait.
Il était environ neuf heure, et la boutique était déserte.
- L'étude des rêves: Imagination ou réalité? lut-elle à voix haute.
Elle darda ses yeux noirs sur lui, intriguée.
- Tu t'intéresses à ce genre de choses ? s'enquit-elle.
- C'est pour une amie que je me renseigne, répondit Devon en refermant l'ordinateur portable. Elle... elle fait des cauchemars récurrents.
- A-t-elle essayé de voir un thérapiste ? demanda Bonnie en levant un sourcil foncé, les bras croisés.
- Elle a eu quelques mauvaises expériences avec les docteurs, révéla Devon avec une grimace.
Bonnie ne dit rien pendant un instant, et lorsqu'il leva les yeux vers elle, Devon n'arrivait pas à déchiffrer son expression.
Elle avait beaucoup changé physiquement depuis Wonderland. Bien sur, elle possèdait toujours cette beauté singulière, audacieuse, même après que ses cheveux noirs de jais soit désormais d'un blond-blanc articificel, qui contrastait avec ses sourcils foncés. Mais c'était ses yeux noirs qui avait changé le plus.
Lorsqu'il la regardait dans les yeux, il ressentait la même chose que s'il s'était tenu dans un endroit habituellement animé d'une foule, mais désormais abandonné et calme.  Une sorte de tristesse mélancolique pour ce qui avait été autrefois pétillant de vie, mais qui n'était plus.
- Tu sais, dit-elle soudainement, tu ne trouveras rien de bien utile sur ces sites Internet. Mais j'ai quelques bouquins qui pourront t'intéresser, je pense. Viens avec moi.
- Qui s'occupera de la boutique ? demanda Devon.
- Il n'y a pas un chat de toute façon, répondit-elle en haussant les épaules. Et si un un client ouvre la porte, on entendra les clochettes tinter depuis mon appartement. Allez, suis-moi.
Bonnie se dirigea vers les escaliers qui menait à son studio, situé juste au dessus de la boutique, avec Devon à sa suite.
Le jeune homme parcoura des yeux l'endroit, curieux de voir dans quel type d'appartement Bonnie habitait-elle. Tout était soigneusement rangé et d'une propreté étincelante. Il ne semblait pas y avoir d'effet personnelle, pas de photos ou de décorations qui auraient pu égayer l'appartement. Tout était étrangement impeccable, comme s'il s'agissait d'un laboratoire, ou musée.
- Ici, dit-elle en sortant quelques vieux manuels d'une boîte en carton.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Devon.
- Mes vieux bouquins de psychologie, répondit-elle. J'avais l'intention de décrocher mon doctorat avant que Edward ne... avant que je n'hérite de la boutique, reprit-elle.
Devon leva les yeux vers elle. Elle arborait une expression impassible, comme d'habitude.
C'était comme si elle était morte de l'intérieur.
Il reporta son attention vers la pile de livre que Bonnie avait déposé devant lui. Un en particulier attira son attention: il semblait plus ancien que les autres, comme d'un autre âge complètement. La page couverture était en cuir et le titre était écrit en lettres cursives dorées: Såsom i en spegel: Drömland
- C'est du suédois, expliqua Bonnie. Ça signifie "Comme dans un miroir: le pays des rêves".
Devon se remémora ce que Lacie  avait mentionné la veille, quelque chose à propos d'une... dimension des rêves.
- Ce livre était pénible à traduire, tu n'as pas idée, poursuivit Bonnie, mais il a été très utile pour ma thèse. J'ai gribouillés quelques notes et traductions sur les marges qui te faciliteront la lecture.
Elle lui tendit le bouquin.
- Tu peux le garder, si tu veux, je n'en ai plus besoin.
Devon le prit délicatement, parcourant ses doigts par dessus les inscriptions en relief avec une sorte de fascination. 
- Merci, Bonnie, dit-il. Je... je crois que ça me sera très utile.
Et pour la première fois depuis son arrivée à FairyLake, Devon vit le visage de Bonnie s'éclairer d'un sourire. La vision était si rare qu'un sentiment agréable lui chatouilla les entrailles, et les commissures de ses lèvres s'étirèrent malgré lui, mais le moment se dissipa lorsque les clochettes du magasins tintèrent depuis l'étage du dessous.
- On ferait bien d'y retourner, fit remarquer Bonnie en revêtant son masque de glace.
- Oui... répéta Devon en perdant son sourire. On ferait bien.

Once Upon a DreamlandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant