Le soleil était à son zénith, et ses rayons se reflétant dans ma montre Hello Kitty m'empêchaient de faire convenablement mes lacets. Autour de moi, mon ancienne maison. Je la reconnaissais à la couleur du papier peint, bien plus chaleureuse que les motifs grecs que ma mère a installé dans la nouvelle. Mon père se tenait derrière moi, tapotant sa montre. Un puissant coup de klaxon, probablement celui d'un bus, se fit entendre à l'entrée. Je penchai ma petite tête bouclée par la fenêtre cherchant l'origine de ce vacarme et je découvris avec stupeur qu'un bus de voyage attendait.
Derrière les vitres, des enfants, aux visages très familiers; à l'avant, une jeune femme blonde, plus souriante qu'elle ne l'avait jamais été.
Je retournai à mes lacets, cette fois-ci avec plus d'anxiété. Mais peu importe à quel point j'essayais, ils refusaient de se solidariser, les boucles glissaient les unes sur les autres sans ne jamais s'unir. Je jetai un regard désespéré à mon père, qui resta de marbre et tapota une nouvelle fois sur sa montre. Le bus klaxonna une nouvelle fois, et la peur s'empara de moi pour de bon.J'attrapai mon sac à dos, rassemblai toute mon énergie et dévalai les escaliers avant de marcher sur mon lacet et atterrir la tête la première contre le parquet. Mon visage me faisait atrocement mal, mais pas assez pour m'immobiliser, alors je repris ma course. Le bus m'attendait encore, et je ne pus réprimer un sourire. La femme blonde me vit et chuchota quelque chose dans l'oreille du conducteur. J'eus comme un mauvais pressentiment et j'accélérai mon rythme, mais le sol semblait absorber mon énergie motrice, presque comme si je courrais sur du sable.
Mon chat apparu près de moi, et des larmes roulèrent sur mes joues. Le sang ne maculait pas son sublime pelage blanc, et il m'avait l'air en pleine forme. Je pris quelques instants pour le caresser et j'entendis le bus démarrer. Je repris ma course, essayant à tout prix d'attirer l'attention de la dame, mais elle ne semblait plus avoir d'oreilles. Mon sac semblait s'alourdir au fur et à mesure de ma progression, et une boule se forma au fond de ma gorge tandis que je réalisai que j'étais abandonnée une nouvelle fois.
"Attendez-moi!" hurlai-je d'une voix muette. Un liquide salé brouilla quelque peu ma vue, et je trébuchai une nouvelle fois après avoir piétiné l'un de mes lacets. Le vent arracha mes larmes pendant ma chute, et après avoir relevé une fois de plus la tête, j'aperçus le bus s'en aller pour de bon.
Une fille aux nattes collées frappa contre la vitre, alertée par mes appels. Mais il était déjà trop tard. Gelée dans mon impuissance, je me laissai tomber dans la poussière, et pleurai avec toute la haine et la peine que pouvait contenir le cœur d'une petite fille.
"C'est prêêêêêêêêêêêêt ! Allez, debout!" couina une voix, près de mon oreille.
Je sursautai. Ayant beaucoup de mal à dissocier mon rêve de la réalité, je vis les deux dimensions fusionner sous mes yeux. Nour était allongée sur le matelas de la veille, recouverte de tomates et autres accompagnements. Autour d'elle Yaëlle, Léo, Mehdi et Félix semblait se disputer afin de savoir qui mangerait son cœur. Je poussai à nouveau un cri muet et les illusions de mes camarades de classe se tournèrent vers moi.
"Maman, dis à Maëlys d'arrêter d'embêter ma copine!""Maëlys! IM-BE-CILE ! Viens ici!" hurla une voix âgée. Et ce fut tout ce dont j'avais besoin pour me reconnecter avec la réalité. Le matelas était vide, tout comme la chambre de Yaëlle. Mon nez était intact, mon chat avait disparu, mais un simple coup d'œil à mon oreiller me fit comprendre que mes larmes, elles, étaient bel et bien réelles.
Je me recroquevillai quelques instants afin de retrouver mes esprits. Il ne servait strictement à rien de chercher à interpréter ce rêve, puisque je faisais toujours le même depuis des années, à quelques détails près. Même décor, même scénario à un détail près. Aujourd'hui les enfants du bus avaient un visage, celui des Olympiens. Une nouvelle larme s'apprêta à plonger dans le sillon tracé par ses prédécesseurs, mais après avoir entendu un bruit de pas, je fus obligée de l'avorter.
VOUS LISEZ
MYTHOLOGIES
Teen FictionSurvivante d'un bad buzz sur les réseaux sociaux, Camille passe désormais sa terminale sous l'œil vigilant de sa mère. Elle intègre un lycée autogéré peu commun où les élèves réinventent les règles du jeu. Faisant la rencontre de Clara, une rescapé...