10. Potentiel révélé

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L'ambiance du cours était extrêmement tendue, même si il s'agissait pour moi du meilleur cours auquel j'ai assisté depuis mon arrivée à Montaigne. Le professeur d'anglais était une très grande Vietnamienne dont je pardonnerai la coiffure en as de pique car mes cheveux n'étaient pas enviables. Mais dont l'enthousiasme était très communicatif. C'était une femme de la quarantaine très décomplexée et qui n'hésitait pas à poser des questions très précises sur l'actualité du monde du divertissement anglo-saxon. Ce à quoi j'étais quasiment experte à force de me goinfrer de séries B américaines et d'espionner le compte Twitter de 1001 boysbands du monde entier.

"Very good Emma. You should participate even more often. But next time I want you to let your comrades the time to prepare an answer too." me souffla-t-elle en souriant au point que je ne puisse plus voir ses yeux. Elle reposa une nouvelle question et je levai instinctivement la main, mais la fille à la tresse fut plus rapide.
Elle répondit d'une voix claire et intelligible avant de remettre en place sa natte. Un sourire satisfait s'installa sur ses lèvres lorsqu'elle démontra à toute la classe son intelligence. Je farfouillais dans ma mémoire à la recherche du nom auquel elle avait répondu lors de l'appel. Puis la réponse s'imposa à mon esprit, avec tant de vigueur et de clarté que je la pensai à voix haute : "Alice..."

"Quoi ?" me rétorqua-t-elle sèchement.

"Non rien. Très bon accent." la complimentai-je avant de détourner le regard vers la fenêtre. La grande cour me parut soudainement la chose la plus intéressante du monde, malgré les arbres décrépis et les bancs désertés.

"Merci." chuchota-t-elle, sans me regarder. Je contemplai son visage presque triangulaire et remarquai l'attention qu'elle portait à la propreté de sa prise de note. Elle paraissait préoccupée par la présence de la prof. "Le tien aussi n'est pas mal. Mais la prochaine fois évite de m'apostropher de cette manière, sache que je ne parle jamais en cours." finit-elle avant de se renfermer à nouveau.

La cloche retentit et j'étais la première à sortir. Je fus bousculée sur la gauche en manquant de perdre l'équilibre : "Oh ! Fais gaffe !" criai-je à l'aveugle.
Une voix rauque me répondit : "Bah reste pas en plein milieu du chemin la prochaine fois ! Balai brosse."

Je fis comme si je n'avais rien entendu et continuais mon chemin jusqu'au local à valises où j'ai récupéré mes bagages. Je me sentais comme Hermione lorsqu'elle avait été traitée de sang de bourbe : impuissante.
Je ne savais pas qui avait bien pu me dire quelque chose d'aussi méchant, mais ce n'était pas quelqu'un que je connaissais. Et heureusement, car je lui aurais fait payé le profond mal être dans lequel il m'avait fait plongé durant tout le trajet de retour à Marne La Vallée.

Noisy-Le-Grand était une ville très agréable, mais rien n'égalerait le bien-être que je ressentais lorsque je rentrais chez moi à Bordeaux.

"Je viens du SuuuUUUuUuUUUuuud..." chantonnais-je, avant de me faire dévisager par une vieille dame. Je rougis de honte en réalisant que le reste du wagon me regardait et décida de faire profil bas jusqu'à mon arrivée à la Gare St Jean.

Le trajet fut très long et je ne pus m'empêcher de repenser à cette seconde Olympienne qui avait daigné transgresser le protocole et m'adresser directement la parole. Enfin, pas directement puisque je lui ai un peu forcé la main, mais... Quand même.

Quelle divinité pouvait-elle bien être ? L'influence qu'elle avait sur les autres filles de la classe et son sens de la répartie me rappelait beaucoup Artémis, mais j'attendrai l'avis de Clara avant de faire des conclusions trop hâtives. Quelque chose me plaisait dans cette classe, probablement le fait qu'ils me paraissaient tous uniques en leur genre. Je n'avais pas spécialement l'impression d'avoir affaire à des copies.

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