Chapitre II

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Dereck Cain conduisit plusieurs kilomètres de Blackheath, d'où il était dorénavant domicilié, jusqu'à Box Hill. Il s'arrêta à la station pour se ravitailler en eau et en essence avant d'arriver au refuge en plein milieu d'une forêt dépourvue d'habitations. Un coin de verdure perdu en banlieue de la grande ville. Heureusement personne ne connaissait l'endroit. Il n'apparaissait nulle part, embusqué dans un territoire vierge d'humains.

Il roula difficilement jusque-là. Effectivement, ce n'était pas la planque la plus pratique au monde mais elle avait l'avantage d'être discrète. Elle reflétait la personnalité de David qui n'aimait ni les cérémonies publiques, ni les foules qui s'y accumulaient. Il fournissait des efforts pour le travail mais c'était tout de même un homme profondément asocial, ne prenant la parole que lorsque c'était nécessaire. C'était le genre de lieu qui lui allait bien. Un lieu sans vie, hostile, introuvable.

L'homme s'aventura sous le porche et attendit patiemment de voir apparaitre un des occupant sur le pas de la porte. Il entra ensuite, la mine déconfite, dans cette petite maisonnée de bois qui tombait en ruine par endroit en se promettant de revenir réparer la rambarde et la toiture abîmées par les intempéries, même s'il aperçut çà et là quelques améliorations, réalisées récemment : David devait être passé par là. Comme d'habitude il avait fait les choses avant même qu'il n'y pense. À se demander quand il avait pris le temps de faire tout ça.

Maintenant que David n'était officiellement plus, il était devenu le nouvel homme de la maison. Il avait le devoir de soutenir les enfants que celui-ci avait laissés derrière lui, mais aussi Mia, une innocente créature plongée dans un profond coma et dont le pronostic vital était encore engagé. Toutes ces responsabilités pesaient lourd sur ses épaules. Il n'avait tout simplement pas l'habitude d'orchestrer tant de choses en 24 heures. Tout ça, c'était tout nouveau pour lui.

Même si les enfants de David étaient presque adultes, ils avaient besoin de lui. Paul et Julian étaient inscrits dans une grande école. Ils avaient poussé mais ils n'étaient pas encore autonomes et ils ne pouvaient pas vivre chez Mégane qui commençait tout juste à s'habituer à sa nouvelle vie. Elle était mère, depuis trois mois, et ses nuits et ses jours étaient rythmés par les cris de bébé et ses réveils brutaux.

Au milieu de cela, un père et un grand père qui avait disparu du jour au lendemain. Une amie et une tante plongée dans le coma. Et une famille qui restait sous le choc de toutes les révélations du drame. Aucun d'eux ne comprenait ce qui avait pu se passer et comment le gérer. Il n'avait jamais eu à prendre autant de nouvelles des siens en si peu de temps. Car, les questions sur ce qui c'était produit le soir de l'attentat, c'était à lui d'y répondre et de démêler le vrai du faux.

Un énorme râle venant de la maison le poussa à se précipiter vers l'intérieur. Sila et Adam, installés dans la petite cuisine de la pièce commune, furent tout aussi surpris que lui, mais attendirent là, le temps que ça passe. Ils avaient veillé toute la nuit et au petit matin, ils avaient été secoués par ses hurlements.

David était agité. Sila et Adam avait dû s'y mettre à deux pour le maintenir et l'immobiliser en lui injectant un sédatif assez puissant pour l'endormir rapidement. Son corps était traversé d'intraveineuses emplies d'antidouleurs et de décontractants.

Toutefois, il s'était levé si brusquement six mois plus tôt, qu'il leur semblât que la douleur était encore vive malgré les antidotes. Il serrait des dents, gigotait et délirait. Il cria plusieurs fois le nom de Sophia, sans qu'ils ne sachent pourquoi. Puis il s'arrêta, en un souffle. Ils purent alors respirer plus confortablement. Et dès qu'ils le purent, ils l'emmenèrent sous la mezzanine. L'atmosphère de cette chambre noire était plus propice au sommeil et ils eurent raison jusque-là. David dormait à point fermé. Mais, depuis une heure, il se tordait encore. Ils attendaient maintenant que son cocktail médicamenteux fasse effet.

Pardonne-moi mes péchésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant