Chapitre V

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Mia se rattacha les cheveux en y passant minutieusement les doigts, elle serra fermement sa tignasse rouge pour qu'aucune mèche ne gêne son enchainement. Elle effila ses gants de boxe d'un incarnat éclatant et donna le premier coup de poing. 

Le sac de sable ne céda pas d'un pouce comme si un minuscule insecte s'était posé sur un tronc d'arbre millénaire. Qu'est-ce que ce microbe pouvait faire face à cette entité vieille de mille ans qui avait vu passé tant d'imbéciles ?

— J'ai envie de tout casser ! s'exprima-t-elle survoltée.

Dereck au loin la regarda refermer le gant avec dépit. Il avait si souvent vu cette lueur de colère dans les yeux de David qu'il la reconnut en une seconde. Son frère ne voulait pas se laisser faire. Il s'entrainait tous les soirs au dojo et  y notait les règles sur un petit carnet qu'il planquait sous l'oreiller. Tout ça pour ne pas être vu comme un perdant ou plutôt pour toujours faire partie des gens d'exception, ne jamais perdre la face, face aux autres. 

David Cain était un forcené de travail. Un homme qui ne craignait rien, et le voir ainsi s'échiner à dépasser ses limites rendait son cadet admiratif. Il fixait le lit de son ainé non loin, l'observant en silence avant de s'endormir. 

Le plus grand avait accepté que le benjamin entre dans son sanctuaire, sa chambre aménagée sous l'égide d'un groupe de musique anarchiste dont il était fan adolescent. Il lui avait même fabriqué un badge à ce titre. Il ne l'avait admis qu'après un questionnaire long comme le bras que l'enfant prodige lui avait spécifiquement concocté. Heureusement, son frère en grandissant était devenu plus partageur.

Dereck s'avança vers la nouvelle amatrice de boxe qui recollait ses scratches brillants pour reprendre son enchainement. Il stationna juste devant elle, retenant le punchingball qui se trouvait entre eux, elle s'arrêta alors presque instantanément.

— Qu'y a-t-il ? quémanda-t-elle en le voyant baisser le regard vers le sol.

— Moi aussi, j'avais l'impression d'être une mauviette... Face à mon frère et ses multiples talents, commença-t-il, je pensais n'être qu'un moins que rien. Toutefois... je me suis rendu compte d'une chose...

Mia l'observa avec plus d'attention attendant la fin de son récit.

— ... La force ce n'est pas qu'une question de physique. Il ne s'agit pas seulement de savoir se battre. La force n'est pas que destruction. La force c'est aussi la patience. La force c'est savoir aimer, encourager, affronter les obstacles. Tu penses être faible parce que tu n'as pas su mettre en morceaux l'objet de ta contrariété, mais crois-moi, ta force réside aussi dans la résilience.

Mia considéra ses mains avec colère. Elle savait que ce que Dereck disait était vrai, mais elle ne pouvait se contenter de cette réponse de perdant.

Qu'est-ce qui pouvait surpasser un bon coup de poing dans la face d'un agresseur ? La mise à mort d'un criminel n'était-elle pas préférable à sa condamnation ? Car non, elle ne serait pas forte tant qu'elle ne saurait pas aplatir son attaquant, le mettre au sol et l'écraser comme une vulgaire crêpe, rendant ainsi ses attaques inutiles et son corps molle.

Mia ne pouvait oublier ses visions. Elle n'avait rien su faire contre Sophia, rien non plus contre Steve lorsqu'il s'était jeté sur elle comme une bête sauvage. Elle n'avait toujours rien fait contre le groupe de filles qui la harcelait au collège. Un cercle de perpétuel violence, un retour en arrière dont elle était la victime consacrée.

Pour ne rien arranger, elle était encore obligée de mentir à tout le monde, à son fils, à sa meilleure amie, à sa famille. Rien de ce qui sortait de sa bouche ne correspondait à une vérité quelconque. Elle poussa de nouveau le poing contre le sac et lui affligea une dizaine de coups en plus, puis recommença, jusqu'à entendre les cris de Denis qui venait de se réveiller.

Pardonne-moi mes péchésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant