Chapitre IV

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Adam était parti de bonne heure. Il faisait route avec David, qui allait devoir voyager incognito, en voiture puis en bateau de fortune. Ils devaient se rendre en Ecosse dans une villégiature située à Invermoriston, près du Loch Ness. Dereck et Sila étaient passés la veille pour leur souhaiter bon voyage. Ils s'enlacèrent, s'embrassèrent et partirent tard.

David resta éveillé une bonne partie de la soirée, puis s'endormit plus tard dans la nuit et sursauta lorsque l'alarme se mit à sonner.

3h00.

Il était tôt. Trop tôt. Le vent ronflait à l'extérieur. On l'entendait frapper la tuile du toit, dans un bruit persistant qui finit par l'agacer. La température était descendue si bas, qu'il resta quelques minutes au lit avant de poser le pied hors de la couverture confortable et chaude.

— Allez un peu de courage ! s'encouragea-t-il avec verve. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer.

Il ouvrit les yeux, se secoua et bondit de la couche en une seconde, sans un regret. Car s'il la fixait ne serait-ce qu'un instant, il serait fini, il ne pourrait plus partir. Il fit cela comme il quitterait une joyeuse amante. S'il ne voulait pas s'y attacher, autant partir sans regarder en arrière.

Lorsqu'il descendit l'étroit escalier qui menait à la mezzanine, il trouva Adam, le col fermé, déjà revêtu de ses habits de curé. Il fut surpris de le voir si alerte à une heure si avancée de la journée. Il n'aimait pas se lever, surtout lorsqu'il faisait froid dehors, alors que le mois d'aout s'annonçait si beau en matinée.

— Alors ? Bien dormi ?

— Si on peut appeler ça dormir... bouda l'ex-convalescent.

Le prêtre regarda ses valises. Toutes celles qu'il avait mises au sol étaient encore ouvertes. Il ne fallait rien oublier d'important. Il cocha tour à tour tout ce qu'il lui faudrait d'essentiel et posa ce qu'il devait laisser sur place.

Des mois qu'il préparait ce départ, pourtant à l'heure J, il n'était toujours pas prêt. En tout cas dans sa tête. Il lui manquait encore tant d'élément, tant de réseau, de lien entre les différents points d'amarrage. Ils devaient partir à 3h 45 précises, prendre le taxi de nuit à l'arrêt de bus, puis une demi-heure plus tard, ils attendraient le bus de Londres jusqu'à Édimbourg, dissimulés sous des casquettes, censées masquer leurs visages aux caméras de ville, puis arrivés au port et au bateau, on ne sait comment, jusqu'au premier lieu, puis...puis... ? Qu'est-ce qu'il fallait faire ensuite ? À part prier, Adam ne voyait aucune option sans contrôle d'identité, attentes interminables, coups de soleil, panne, étouffement, déshydratations...

— Tu es prêt ? s'inquiéta David.

Le prêtre déglutit et fit « oui » de la tête.

— ... Alors foutons le camp d'ici, jura l'ex malade. Cette baraque me rend dingue. Plus vite on partira d'ici, plus vite on arrivera au second point de relais. Allez !

Ils sortirent tous deux et marchèrent rapidement jusqu'au bord du chemin en trainant leurs bagages derrière eux. Ils arrivèrent à bout de souffle jusqu'à l'arrêt de bus. David respira fort. Il n'avait plus l'habitude de l'air extérieur du matin. Il se contentait de regarder par la fenêtre le temps qui changeait parfois de trajectoires. De venteux, l'extérieur se teinta d'une couleur d'ambre chaude puis s'était alourdi pour devenir brumeux.

Au milieu de la nuée, ils virent les flammèches rouges des feux arrière du black cab qui les attendait sagement. Adam se porta volontaire, pour parler au chauffeur, tandis que David posait les sacs dans la malle, dissimulant soigneusement son visage.

Pardonne-moi mes péchésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant