Le dernier ennemi

1 0 0
                                    

Tout se passe comme prévu. Le « précepteur » est prévisible. Il a atteint son but. Et il est tombé dans ce que je savais, dans ce que j'avais dit. Mais je n'arrive pas à savoir ce qu'il prévoit de faire maintenant qu'il s'est rendu compte de l'échec de sa doctrine.

Il veut rejoindre le continent de l'Europe sûrement. C'est là que les miens m'attendent. C'est en cela qu'il s'intéresse tant à moi, je suis son passeport.

Mais ça ne fonctionnera pas. Je dois le voir, je dois lui parler. Mais ça ne sert à rien. Mon propos sera bien plus recevable quand le plan sera accompli. Et surtout, j'ai une occasion en or avec ce citoyen C. Je ne vais pas la laisser passer.

Je rentre donc dans cette maison complaisamment donnée par les services d'Utopia. Tous ces citoyens, toutes ces personnes qui vénèrent le « Grand Précepteur » alors qu'il est à mes pieds maintenant. Je me délecte de la situation.

Je commence à lire le dossier du nouveau citoyen que l'on m'a envoyé. La couleur est directement annoncée quand j'ouvre le fichier. L'immortalité est un mensonge, comme je le savais.

La durée de vie n'est allongée que de quelques années. Mais le tour de passe-passe marche bien parce que la puce permet de rester dans un état mental intact jusqu'à la fin. Elle annule les effets de la vieillesse, mais pas la mort elle-même.

Le problème débutera quand les habitants commenceront à mourir dans quelques années. Mais cela n'a même plus d'importance.

Alex Ivanovitch. Il a été sélectionner depuis quelques années. Dès que le Précepteur eut fini sa machine, il avait pensé au citoyen C. Je lis « Après la découverte, par un employé du système de l'Utopia, de l'immortalité seulement relatif donné par la puce ... ».

Cela veut dire que le Précepteur a abandonné la gestion de la sécurité des informations de son Utopia tant aimé. C'est même un miracle que cette cité soit encore en bon état actuellement.

« Nous avons donc tué Eden, détenteur d'un savoir trop important. Son frère ne savait pas qu'il travaillait pour l'Utopia et il a des antécédents de psychiatrie. Une base psychotique mais peu développée. Il est le parfait candidat pour être le citoyen C. »

L'a-t-il pris pour se donner bonne conscience ? Un homme peu stable serait une moins grande perte ? Il s'apprête à laisser tomber des millions de personnes, voir des milliards et il s'enquiert de sa moralité ?

À côté de cela, il tue quelqu'un qui est « détenteur d'un savoir trop important » alors que tout ça ne compte plus pour lui. C'est tout simplement le Précepteur qui semble être devenu fou.

Soit. Cet Alex est un simple citoyen. Il est nihiliste, comme tous les autres. A vrai dire, il m'intéresse plus particulièrement. Il semble être plus profondément touché par cette situation.

Son corps crie pour un autre état. Serait-il un des miens ? Perdu dans la masse ? Sa stabilité mentale est à vérifier néanmoins.

Il arrivera dans quelques jours à peine. En attendant, je vais me promener dans cette cité. Voir un peu de quoi est faite cette « Utopia ». Même si j'ai déjà presque tout vu.

Tout y est calculé. Chaque bâtiment, chaque structure, chaque idée y est calculée afin de parfaitement correspondre aux besoins humains. C'est la seule partie du plan du Précepteur qui a réellement été bien fait.

Mais malheureusement pour lui, c'est aussi la seule partie qui ne pourra jamais marcher. L'homme n'aime pas être rangé dans une case. Même dans un système parfait, l'homme trouvera quelque chose qui ne lui conviendra pas.

Pas parce que cette chose ne lui convient réellement pas, mais pour se prouver de son unicité. Pour se prouver qu'on ne peut pas le ranger dans une case.

Ce qui importe ce n'est pas le système qui est mis en place, mais sa capacité à revenir. Tel le phœnix, une ancienne société est construite pour ensuite être détruite dans les flammes et renaître en une nouvelle société.

C'est la capacité à renaître qui importe. Croire en une société parfaite qui serait donc parfaite pour toujours revient à se mettre contre le dernier ennemi. Le temps.

Et ce temps qui passe me rappel qu'il ne faut pas que j'en prenne trop. Une fois que j'aurais détruit cet endroit, je dois ramener mon présent auprès des miens. Ils m'attendent depuis longtemps.

Trop humainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant