ͼɧɑρɨʈɽε ³

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Six heures dix-neuf à ma montre. Vu le soleil qui s'impose déjà en mode beau gosse dans le ciel dégagé, la journée s'annonce étincelante.

Les poumons remplis d'air frais, j'entame mon parcours journalier. Le sport m'aide beaucoup à me centrer sur des efforts positifs, ce qui est impératif à ma santé mentale. Écouteurs vissés aux oreilles, je cours donc de bon train. Les musiques énergiques urbaines et pop rock qui boostent mes foulées ne m'empêchèrent toutefois pas d'entendre le voisinage me saluer en criant mon prénom.

Pour la petite anecdote, Aël est la forme bretonne du prénom « Ange », qui signifie lui-même « messager » en Grec. Mais « ael » est aussi utilisé comme un pronom neutre par la communauté LGBTQ. Coïncidence assez sympa lorsque je veux expliquer mon sentiment de non-binarité¹ avec mon humour décadent. Ceci dit, même sans cela, je n'ai jamais ressenti le besoin de neutraliser mon prénom. Déjà, je l'adore ! Et puis, je préfère éviter autant que possible les dédales des enfers appelés services administratifs.

Tout le long de mon footing, je retourne des petits signes de main polis aux voisins ayant déjà le nez dehors. Papa et moi avons toujours habité le quartier, la plupart des gens nous connaissaient donc depuis mon enfance. Ils s'adonnent aussi à leurs routines matinales, ou s'apprêtent à se mettre en route pour le travail. Sur le chemin du retour, je croise néanmoins un inconnu assez étrange. Affublé de vêtements noirs et les yeux maquillés du même ton sombre, le type se tient debout sur le trottoir opposé. Il semble tout droit sorti d'une vielle série fantastique, genre Angel ou Buffy contre les vampires. Bien que les traits de son visage soient quelconques, je plaide coupable du délit de curiosité. Sans compter l'entêtement, c'est un de mes pires défauts ! J'adresse alors à l'inconnu un hochement de tête en passant. Il l'ignore tout bonnement pour continuer à me fixer.

Super louche !

D'autant plus qu'aujourd'hui, ma tenue de sport répond aux normes genrées conventionnelles. En général, on ne me dévisage pas comme une bête de foire quand je porte des « vêtements de mec ». Mais là, son regard insistant me fait frémir. Et pas dans le bon sens... Je me demande bien ce que ce gars bizarre fiche dans le quartier. Peut-être rend-il visite à quelqu'un ?

M'enfin, les mecs à problèmes, c'est fini pour moi. J'ai déjà trop donné de ma personne pour cette cause. Je poursuis donc promptement ma course et regagne mon pavillon afin de me préparer. Ce serait con de devoir annoncer à mon client que je vais arriver en retard à sa séance de coaching à cause d'un étranger douteux.

***

— Vous avez donc aperçu cet homme au style gothique ce matin, en rentrant de votre jogging, récapitula Raymond d'après ses notes.

Sa voix tranquille me sortit de ce souvenir étrangement vivide.

— Avait-il déjà l'air menaçant ?

— Non, juste bizarre. Il me fixait depuis le trottoir opposé.

— Aurait-il pu vous suivre plusieurs jours durant avant de s'en prendre à vous ?

— Je n'en sais rien. Peut-être... Mais vous pouvez être sûrs qu'il ne me surprendra pas deux fois, grondai-je. Qu'en est-il de mon père, avez-vous une description de la personne avec qui il se disputait avant son malaise ? Et en est-elle la cause ?

— Ah, pour ça, embraya ce condescendant de Baschet, seul le médecin pourra répondre. Concernant le signalement de l'individu non identifié, il s'agissait aussi d'un homme blanc, la trentaine, cheveux longs, noirs, comme ses vêtements... Cela vous rappelle-t-il quelqu'un de votre entourage ? Ou un ennemi de votre père ?

Illégitime Néphilim 1 : AëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant