20- Ordre de mission

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Anchise était de service dans l’antichambre avec deux autres gardes qui jouaient à un jeu de cartes et d’argent. Le crépuscule arrivait, les pages allumaient les lampes et le chambellan tentait d’arranger les papiers sur son bureau dont le désordre avait atteint le niveau d’art. De temps en temps, un secret entrait et ressortait avec discrétion.

L’antichambre était l’incarnation même de l’ennui. Il pouvait parfois être intéressant de surprendre ce qui se disait en présence du roi. Il y avait d’ailleurs toujours plusieurs gardes lorsque celui-ci tenait audience. Mais à cet instant, le roi Emeraude recevait la grande inquisitrice. Et même le commandant Auxence n’avait pas le droit d’entendre ses rapports.

La porte extérieure s’entrouvrit à peine pour laisser passer un petit page qui courut vers sieur Anchise et lui remit une note. Dessus était écrit :

Besoin de vous voir. Très urgent.
Meliandre

Mieux valait que ce soit urgent, pensa-t-il, pour le déranger pendant ses heures de garde. Il jeta un œil par la fenêtre, la jeune femme etait pâle et faisait les cent pas nerveusement. Le chevalier la rejoignit d’un pas pressé. Malgré son inquiétude il lui demanda de faire vite, car le temps lui était compté. Mais le regard de la jeune femme prit cet air sévère dont elle seule avait le secret, puis elle lança d’un air grave :

            — Je vais être réaffectée !

— Non, cela ne se peut ! Où ? Quand ?

— Au palais de Jensor.

— Pour combien de temps ?

— Sans date précise. Un jour ? Un mois ? Un an ? À jamais…

La perdre si tôt serait insupportable. Cela fesai que dix sept mois qu'ils étaient ensemble.  Peut-être était-ce une faiblesse, mais il ne pouvait imaginer sa vie sans elle.

— Épouse-moi ! dit-il.

— Comment ? Tu sais que je suis contre les contraintes et les engagements, je…

— Meliandre, je me refuse à te perdre. Et le roi ne te fera pas transférer si nous sommes mariés. Un engagement est un fardeau seulement pour l’homme qui est incertain. Mon cœur, lui, n’en a guère. Tu es la femme avec qui je veux partager ma vie. Avant toi je ne croyais pas en l'amour. A nos début je ne croyais pas que cela pouvait durer.  Aujourd'hui je crois en tous cela . Et si j'y crois c'est grâce à toi . Je t'aime, tu est mon monde.

— Même cela est impossible ! Il n’y a plus de temps…

— Je demanderai au roi cette faveur, alors il nous déclarera mari et femme. Il ne pourra me refuser cette requête. Tout dépend de toi, désormais. Alors, veux-tu être ma femme ?

— Oui, répondit-elle, les larmes aux yeux.

Anchise n’avais jamais étais doué pour montrer ses sentiments alors, et pour la première fois il avais dit ce qu'il avais sur le coeur, puis trop fier pour rester une minute de plus et montrer ses émotions une sorte de pudeur peut-être.  Il l’embrassa et reparti à son poste. Mais en son fort intérieur il se savais chanceux d’avoir cette femme dans sa vie, et bientôt pour épouse.

La grande inquisitrice sortit à reculons de la chambre du Conseil, faisant une dernière révérence, une main sur la poignée de la porte, l’autre sur ses dossiers. Son âge, nul ne le connaissait ,une coiffe noire lui dissimulait les cheveux et son pâle visage lunaire ne montrait aucune ride. Elle se retourna et commença à traverser l’antichambre d’un pas lent. Son regard lugubre alla de visage en visage à mesure qu’elle avançait. Une fois qu’elle fut partie, Anchise sut que c’était le moment de sa requête.

Epeistes : Les Chevaliers de SeirosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant