Ils trouvèrent la salle de garde encombrée de rebuts, la lumière de leur anneau à peine visible dans la lueur du jour.
Xerios ouvrit la porte, s’écarta pour laisser passer son maître, puis la referma derrière eux tandis qu’Anchise courait et ouvrait la porte suivante. Les gonds grincèrent. Il s’élança dans le couloir bordé d’or, entendant sa Lame refermer la deuxième porte. Il pensa qu’ils devanceraient sans doute les Lézards qui couraient sur les murs ou les plafonds, mais ne pouraient pas forcément les vaincre.
Une horde de monstres étaient lâchés dans la nature et ils connaissaient les raccourcis. Les duels, s’il fallait en arriver là, n’auraient cette fois rien d’honorables. Soudain, quelque chose rugit ou cria devant eux, le son rebondissant étrangement dans le couloir. Apparemment, ils seraient forcés de se battre pour parvenir à la trappe.
Anchise dégaina blizzard sans ralentir, sentant la pierre vibrer sous les pas de Xerios derrière lui. Puis la porte du cachot s’ouvrit dans leur dos, inondant le tunnel de lumière. Des reptiles hurlèrent.
Il passa le croisement de la fonderie. Il avait presque atteint l’autre embranchement quand il aperçut un cadavre sur son chemin. Non, c’était un des Lézards en embuscade, étendu au sol.
L’animal poussa le même hurlement discordant que celui entendu un moment plus tôt, se tordant apparemment de douleur. Il était couvert de sang, le sol aussi, et même les murs d’or. Ce ne pouvait pas être une ruse. Hubert seul pouvait en être responsable. L’inquisiteur n’avait pas dû partir à la première lumière.
— Attention ! cria Anchise avant d’enjamber la créature.
Il y avait juste derrière une flaque de sang d’où partaient quelques traces de pas.
— Je vous suis ! répondit Xerios.
Puis ils sortirent de la cave pleine d’or, approchant de la trappe.
— Hubert ! Nous voilà !
Anchise faillit se heurter au mur du tunnel. La trappe était fermée. Il se retourna, mais le jeune Loup était déjà dos à lui, attendant l’assaut, l’épée prête à frapper.
Des hurlements indiquaient que les poursuivants avaient découvert leur frère défunt. Il monta comme il put les pics de fer. S’équilibrant au mieux, il libéra ses deux mains et poussa sur la trappe.
En vain. Par l’enfer ! Il avait vu un reptile la lever d’un seul bras. Tenant le montant le plus élevé des deux mains, il se retourna, dos au mur, puis saisit l’anneau qui pendait à la trappe.
Le couloir était plein de ces monstres glapissants, d’épées et de torches. L’anneau à la main gauche de Xerios brillait de tous ses feux, éblouissant un peu ses adversaires, semblant même leur faire mal, la magie passive elfique était vraiment remarquable. C’était un maigre avantage.
Pendant ce temps, il fallait qu’Anchise les fasse vite sortir de là, ou ils trouveraient Blaydym et ses amis à la surface. Il cala ses épaules contre la dalle et monta les pieds aussi haut qu’il le put. S’il glissait, il tomberait tête la première sur le sol. Il appuya de toute la force de ses jambes et de son dos. Il entendit craquer ses articulations. La trappe se souleva comme à contrecœur.
Le métal claqua quand un grand Lézard voulut frapper Xerios. Et à nouveau. L’escrime dans un couloir étroit est un art en soi.
Un cri triomphant de l’épéiste et un hurlement animal annoncèrent le premier sang. La dalle bascula, et la lumière du jour se dessina dans les interstices. Anchise poussa un peu plus fort.
Un autre cri de triomphe, nouveau rugissement animal. À présent, l’angle était pire, mais le poids moindre. La dalle se mit à la verticale et y resta, le laissant étendu de tout son long au-dessus du puits. Il s’en extirpa et s’allongea sur les pavés, la main tendue. Xerios recula dans le couloir jusqu’à la lumière, épée contre épée. Un seul Lézard pouvait l’attaquer, mais il lui suffisait de heurter un mur pour ruiner sa parade et le rendre vulnérable.
— Pourrez-vous combattre pendant que je vous hisserai ?
— Il faudra bien !
Anchise saisit le poignet de l’épéiste et s’appuya de l’autre main. Ce n’était pas possible. Il faudrait que ça le devienne. Les dents serrées, il souleva Xerios pour qu’il puisse escalader les pitons en métal tout en parant les coups du reptile en contrebas. À bout de souffle, Anchise se hissa sur un genou, puis les deux. En dessous, les épées s’entrechoquaient, le chef des reptiles — une énorme salamandre rouge et noire — hurlant furieusement contre sa proie qui s’échappait pas à pas, défendant ses jambes contre ses assauts. Anchise posa un pied à terre, se préparant à extraire le corps de Xerios. Juste quand il le faisait passer par l’ouverture, Blaydym la referma d’un coup de pied.
Xerios hurla, mais ce ne fut sans doute que l’air expulsé de ses poumons. Il avait dû mourir avant même cela, quand son cœur fut broyé. Quelques postulants arrivés en avance regardaient par-dessus le mur, sans doute très intrigués par ce changement d’habitude. Une demi-douzaine de moines se dressaient devant la porte du monastère, sans faire le moindre geste pour approcher.
Pourquoi se donneraient-ils cette peine alors que le Terrible Blaydym était déjà là ? Il avait noué une sublime cape sur ses épaules, une épée noire en main. Son sourire et ses dents étaient blancs. Anchise tira Blizzard d’une main, et se jeta à l’attaque. Blaydym jeta sa cape à terre et para les premiers coups du chevalier. Son sourire disparut. Les épées sonnaient comme une fanfare. Anchise était superbe, incroyable. Mais son adversaire l’était encore plus. Chaque parade repoussait la mort in extremis, chaque riposte était un coup de dés fatal. Il n’avait jamais rencontré un combattant qui soit son égal. Mais la Lame avait un ami à venger, et guère de vie à perdre. Le premier sang dicterait l’issue du duel, car la moindre douleur perturberait et déconcentrerait assez le combattant pour l’exposer aux coups.
Blaydym semblait avoir l’avantage, avec sa force brute et son épée extraordinaire. Il frappait avec violence, obligeant son adversaire à parer et à esquiver constamment. Sa variété de coups était louable. Anchise esquivait et se déplaçait avec dextérité, ripostant avec des coups rapides et précis.
Ils en échangèrent d’autre encore plus violents, les cris des combattants et le bruit des épées résonnant dans la nuit. À chaque coup, des étincelles jaillissaient des lames qui s’entrechoquaient. Rarement les duels à l’épée durent à ce point.
Blizzard mordit Blaydym à l’épaule. Il cria, et un filet sanglant s’écoula sur son flanc. Anchise avait maintenant l’avantage. Il persista, recherchant le coup fatal tout en n’obtenant que des égratignures. Visage, cou, poitrine. Il lardait Blaydym, mais ce n’était pas un jeu. Chaque entaille était un meurtre avorté. Comment un homme pouvait-il tant souffrir et conserver une défense aussi parfaite ? Puis Blaydym frappa en pique, sa lame traversa le bras droit du chevalier de Seiros. D’un coup vif, il désarma Anchise, avant de le jeter au sol d’un violent coup de pied. Le moine guerrier approchait pour l’achever. Anchise l’éblouit de la lumière de son anneau de pouvoir, et profitant des quelques secondes que cette diversion lui offrit, il saisit Blizzard au sol, bondit dans un ultime effort qui le fit hurler de douleur, et ouvrit la gorge de Blaydym. Son épée tomba sur les pavés, et il s’étala dans un océan de sang. Mais sa mort devait être certaine, car les Frères pouvaient guérir l’impensable. Anchise lui trancha la tête en trois coups de taille. Essoufflé, il regarda autour de lui. Les hommes à la porte avaient enfin commencé d’accourir. Il partit en trombe vers la sortie à quelques pas de là, se demandant vaguement pourquoi les combattants qui attendaient sur la place l’acclamaient tant. La sortie était verrouillée… nouvelle traîtrise.
— Attendez ! cria une voix tandis que des bras puissants s’abaissaient vers lui. Il agrippa un poignet tendu de la main gauche et leva le bras qui tenait Blizzard pour qu’un autre le saisisse. Ils le hissèrent d’un geste, face aux pierres. La douleur était terrible. Puis d’autres mains agrippèrent sa chemise et il passa le mur. Il les remercia d’un mot et se remit sur ses pieds, rengainant l’épée en courant. Il aurait suffi d’un cri : dix lingots d’or pour cet homme ! Si le cri retentit, il ne l’entendit pas. Il s’enfonça dans une allée et continua à courir.
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Epeistes : Les Chevaliers de Seiros
FantasiaŒuvre que je dédicace à une personne cher. Helas la vie me l'as retirer un triste mois de décembre. Comme quoi le destin ne nous laisse pas forcement libre arbitre. Pour elle voici, les épéistes de Seiros, des combattants légendaires, aux aptit...