ᴠᴇ́ɴᴜs

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"Tu savais que les jours sont plus longs que les années, sur Vénus ?"

Le jeune homme écarquille les yeux, puis affiche une expression intriguée.

"Avec ça, on aurait de quoi trouver le secret de l'univers avant d'avoir passé un siècle, enchaine-t-elle.

— On aurait le temps d'envoyer au moins trois fusées sur Vénus, dans la même journée.

— Sur Terre du coup.

— Oui, oui, fin' dans l'espace quoi."

Shinichiro réfléchit, les yeux fixant le paysage. Il reprend, avec un air sérieux :

"On pourrait changer de place tous les grains de sable de l'univers, avant que la planète explose.

— On dirait "bonne année" au moins une fois par jour.

— Les insomnies durerait la moitié de l'année.

— Les travailleurs bosseraient plus de quarante heures par semaine, renchérit-t-elle naturellement.

— Tout le monde aurait le même anniversaire.

— On mangerait autant de repas en un jour que pendant une année entière."

Ils toisent les assiettes épuisées du repas consommé. Le brun rit, la brune aussi.

"Le monde serait un peu à l'envers, non ?, remarque-t-il en s'étalant sur la table.

— Tu veux dire que ce serait l'inverse de notre société actuelle ?

— Ouais, j'pense. T'imagine un peu : les jours sont plus longs que les années, c'est comme si une balle de bowling tenait dans une balle de ping-pong.

— Ça a l'air douloureux."

La jeune fille se tourne vers la fenêtre pour y admirer le ciel. Avec un regard en coin, Himeno déclare :

"Quand on gravera des compliments la place des insultes, c'est là que je me dirais que le monde est à l'envers.

Joue contre table, Shinichiro la dévisage puis poursuit :

 — On boirait quand on aurait faim et mangerait quand on aurait soif.

— Le feu glacerait et la glace brulerait.

— On pourrait danser avec les fantômes.

— Peut-être que Dieu serait parmi les hommes, ajoute la jeune fille en buvant une gorgée.

— Ou peut-être que les hommes seraient supérieurs à Dieu."

Le mutisme suit quelques instants. Les glaçons tombent au fond du verre vide de Shinichiro ; il le détaille longuement. Tous les deux le regard ailleurs, ils cherchent l'inspiration pour continuer.

"Les coups feront du bien et que les caresses seront douloureuses, intervient-t-elle.

— Les héros seraient des criminels.

— Puis, les criminels seraient des héros.

— Ça me parait pas si irréel, confesse-t-il.

— T'as déjà vu un voleur avec une cape, toi ?

— Zorro.

— Je t'aurais cru si Zorro n'était pas un riche qui s'ennuie."

Shinichiro tapote doucement ses doigts contre la table, la tête entre ses bras. Son regard suit le mouvement des voitures sur la route.

"Est-ce que tu penses que j'suis un criminel, Himeno ?

— Ton casier judiciaire est aussi vierge que toi."

Le jeune homme souffle d'exaspération mais rit de ce pic. Il se relève puis s'affale presque sur sa banquette.

"Beaucoup de criminels n'ont jamais eu de menottes aux mains, lui affirme-t-il, l'air pensif.

Elle pose la tasse de thé qu'elle s'apprêtait à boire, pour mieux réfléchir. Quelques secondes s'écoulent, avant qu'elle ne reprenne la parole d'un ton naturel et évident :

— Si t'es un criminel, alors mon monde est à l'envers."

Il sourit en la regardant dans les yeux, la faisant sourire à son tour :

"Ça me va", répond-t-il.


mortifiée | tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant