ʟᴇ ʙᴏᴄᴀʟ ᴀ̀ ǫᴜᴏɪ ?

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"À quoi ça sert ton bocal de mots à merde, concrètement ?

— Ah bah tiens, toi aussi tu dois cotiser.

— Putain...

— Encore une fois-

— C'est bon, j'ai compris !"

Shinichiro sort de sa poche une pièce de 100 yens qu'il glisse dans l'interstice, prévue à cet effet.

Himeno le toise avec un air exaspéré.

— Deux mots fleuris, deux pièces.

Il soupire et soutire un autre écu pour le glisser dans le bocal.

— C'est vraiment pour toi que je fais ça...

La brune s'agite avec entrain, en prenant entre ses bras la jarre.

"Et du coup, à quoi va te servir cette urne de pièces de 100 yens ?

— Secret, ânonne-t-elle.

— C'est pas parce que tu fais la fille mystérieuse que tu l'es forcément."

Silencieusement, elle lui fait le signe de se taire.

Il obéit, quoiqu'un peu vexé.

Himeno observe le paysage, dont le ciel dégagé éclaire l'intérieur du restaurant.

"Quel jour sommes-nous aujourd'hui ?

— Le 1er août 1998.

— Tu l'as dit d'une manière qui fait penser que c'est un spécial.

— Peut-être parce que c'est mon anniversaire."

Himeno arrête tout mouvement. Ses yeux restent ouverts, toisant le visage embarrassé du brun.

L'adolescente est surprise, mais pas prise au dépourvu.

Sa poitrine se soulève doucement. Les yeux brillant d'admiration, elle tend innocemment l'objet entre ses mains, au jeune homme devant elle.

— Tiens. Ce bocal est un cadeau pour toi, à la base.

Shinichiro affiche un regard décontenancé.

— Tu savais pour mon anniversaire ?

— Non. On est juste connectés, Shinichiro.

Le concerné sourit comme un niais, involontairement.

Puis, son visage vient reprendre des traits plus neutres.

— Ça valait la peine que je cotise, du coup ?, demande-t-il.

— Oui, oui. Avant, ce n'était que deux pièces de 100 yens.

Elle sort une pièce de sa poche, qu'elle tient vigoureusement entre ses doigts.

— Putain, souffle-t-elle avec aplomb.

Elle embrasse ensuite la pièce, sous le regard hébété de Shinichiro.

— Et maintenant, tu ne peux plus discerner tes pièces des miennes.

Il reste longtemps silencieux.

Elle fixe l'eau fondue des glaçons se mêler à la glace toujours formée. Quelques fois, elle lance des regards au jeune homme, qui a la main sur sa bouche, pour mieux réfléchir.

La brune tente d'aligner quelques mots, sans qu'aucun d'eux ne sortent de sa bouche.

Puis les coins de ses yeux tirent un peu plus vers le bas.

Et elle ajoute, sans sommation :

— C'est pour réparer ton coeur. Celui que j'ai cassé l'autre jour.

Les glaçons fondent comme les coeurs.

Il écarquille les yeux, qu'il lève vers elle.

Remarquant l'attention qui lui est portée, elle détourne le regard en ajoutant :

— C'est une blague. C'est pour racheter le casque j'ai cassé, pendant la dernière virée.

Shinichiro souffle du nez. Il prend le bocal entre ses mains et l'observe attentivement.

— Tu sais que j'ai des tas de casques, à mon atelier ?

Himeno paraît surprise, puis confuse à son tour.

— Mais... tu avais l'air si malheureux quand ton casque s'est fendu.

— Pas tant que ça.

— Pas tant que ça ?

— C'était un casque comme un autre.

— Comme un autre...

Shinichiro enchaîne en souriant :

— Puis, ça n'a jamais été une question d'argent. Je ne t'ai jamais demandé de me rembourser.

— Mais, c'était du bon sens.

— Non ?, se moque-t-il en riant.

— Comment ça "non" ?

— Qui pense à offrir de l'argent en pièces de 100 yens, pour rembourser un objet que personne n'a demandé ?

— Moi visiblement.

— On n'est plus au Moyen-Âge.

— Quel est le rapport ?

— On payait en pièces d'or à l'époque, non ?

— Non, à l'époque on troquait des chèvres contre des lopins de terre.

— S'il-te-plaît, ne change pas de sujet.

L'adolescent fait tourner la paille de son coca, dans son verre.

— Pourquoi tu m'as donné cet argent, Himeno ?

— Parce que j'aimerais me débarrasser de ce qui te rend malheureux.

— Et tu crois que c'est grâce à ce bocal que tu y arriveras ?, demande-t-il avec un sourire.

La jeune fille fronce les sourcils.

— Eh bien, oui. Sinon, comment pourrais-je ?

Le brun eut un rire avant de soupirer.

— Il y a des manières bien plus simples pour me rendre heureux.

Elle secoue toujours la tête, de manière confuse.

— Tu comprendras un jour.

Et il pose son visage dans le creux de sa main, pour dissimuler ses soudaines rougeurs.

Himeno baisse son regard vers le bocal rempli et ajoute avec désinvolture :

"Arrête faire comme si c'était moi la plus idiote du duo."

mortifiée | tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant