A la recherche de Proust - [1]

Chapitre 3

♪So Nice to meet You - KOKO

Eren avait attendu pendant plus d'une semaine avant d'aller enfin frapper à la porte du bureau du professeur Ackerman, soucieux de ne pas paraître trop impatient. Il n'avait pas eu la chance de le croiser depuis son premier cours avec lui et mourrait d'envie de sentir à nouveau ses iris lunaires posés sur lui. Armin et Jean l'avaient encore charrié, continuant de prendre les paris sur les possibles tentatives d'approche du brun. Celui-ci s'était lancé dans l'invention d'un nombre incalculable de scénarios, dans lesquels faut-il le préciser, ni lui ni son professeur n'avait besoin de porter le moindre vêtement. Il avait l'habitude de conclure rapidement lorsqu'il jetait son dévolu sur une proie, et celle-ci était pour lui un challenge des plus plaisant. Il avait réussi in extrémis à convaincre Mikasa de lui donner quelques tuyaux sur l'enseignant, afin de mettre toutes les chances de son côté lors de leur prochaine rencontre. Il avait été soulagé d'apprendre que Mr Ackerman n'était pas marié et n'avait pas de compagne/compagnon connue à ce jour. Le jeu de séduction qui commençait pour Eren en serait facilité.

Il se trouvait donc là, face à la vieille porte en bois du bureau abîmée par les années, de l'homme aux yeux de glaces. Il sentait poindre en lui l'appréhension de cette rencontre. Après tout, l'homme en question était sûrement le plus impressionnant qu'il lui ait été donné d'apercevoir du haut de ses 21 ans et il n'avait pas l'habitude d'aborder ce genre de personnage. C'était plutôt lui qui avait tendance à impressionner les autres lors de leurs échanges. Autant les hommes que les femmes avaient du mal à résister au charme du jeune homme. Son long corps fin et musclé avait la couleur du miel, lui donnant des airs exotique. Ses cheveux bruns en batailles, ses lèvres charnues et son visage de poupon le faisaient paraître plus jeunes, mais c'étaient surtout ses yeux qui rendaient fou même le plus froid des hommes. Eren avait un regard d'une teinte magnifique, celle des plus belles pierres précieuses: d'un jaune citrine au centre qui venait se fondre dans un vert émeraude puissant. Cette Heterochromia centrum lui venait de sa mère, dont le regard avait fait succomber bien des hommes avant qu'elle ne rencontre enfin son père, le chirurgien neurologue Grisha Jaeager. Eren avait certes hérité de la grande beauté de sa mère, mais la génétique l'avait aussi doté de l'éloquence et l'élégance de son père. Un cocktail séducteur et explosif qui avait déjà fait de nombreuses victimes dont lui-même. L'adonis avait découvert la sexualité très jeune et malheureusement dans des conditions plus malsaines qu'il n'avait imaginé à l'époque. Il était adolescent et inexpérimenté, il s'était laissé séduire par un homme bien plus âgé que lui. Il n'avait pas eu conscience de la gravité de leurs actes jusqu'à ce que sa mère tombe sur des clichés dans son téléphone portable, provoquant la fureur de son entourage. Le psychologue que le juge des enfants l'avait forcé à voir lui avait doucement fait comprendre que l'homme avec qui il avait eu cette liaison l'avait simplement manipulé, son jeune âge aidant, et avait abusé de lui et sa naïveté. La confiance envers autrui l'avait complètement quitté depuis, entraînant relation sans lendemain sur coup d'un soir. Il n'espérait jamais plus, se sentant en sécurité derrière l'immense barrière de ronces qu'il avait érigé tout autour de son cœur. Et l'Ackerman ne ferait pas exception à sa règle.

Il prit une grande inspiration et frappa trois coups à la porte. Rien. Ses sourcils se froncèrent légèrement sous l'agacement. Il avait pourtant vérifié l'emploi du temps du noiraud. À cette heure-ci, il devait être dans son bureau. Or après avoir frappé à nouveau à plusieurs reprises, il dut se rendre à l'évidence : son professeur était aux abonnés absents. La déception faisait doucement son chemin vers sa gorge alors qu'il faisait déjà demi-tour, son sac à dos jeté nonchalamment sur l'épaule lorsqu'il aperçut une silhouette connue au bout du couloir. L'Ackerman était plongé dans un livre, le nez plissé sous la concentration, les sourcils toujours froncés, une tasse pleine d'un liquide fumant dans sa main droite. Il avançait droit devant lui sans jamais relevé les yeux de son ouvrage, n'ayant pas encore aperçu le brun qui l'observait, bras croisés sur la poitrine, un sourire réjoui aux lèvres.