Chapitre 11

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♪By the time you've finished your coffee - Korantemaa



Son réveil affichait 08 h 48 lorsqu'Eren émergea d'un doux sommeil. Ses yeux, qui ne s'étaient pas encore habitués à la luminosité de la pièce, s'étaient pourtant déjà posés sur l'homme allongé à ses côtés.

Levi avait dormi chez lui. Dans son lit.

Complétement vêtu.

Eren avait proposé au noiraud de rester pour la nuit, l'alcool et la drogue commençant à faire effet sur l'enseignant qui avait senti rapidement, après leur échange fougueux, sa tête tourner. Il avait dû insister lourdement pour qu'il ne dorme pas sur le canapé, le plus vieux refusant catégoriquement de dormir dans le même lit que le plus jeune. Finalement trop fatigué et mal en point, Levi avait fini par abdiquer et s'était endormi à peine sa tête posée sur l'oreiller. Le brun en avait profité pour observer le noiraud dans son sommeil, hallucinant de le voir chez lui, dans son lit. Il avait lui aussi finit par tomber dans les bras de morphée, plus heureux que jamais.

Après avoir repris la contemplation du noiraud qu'il avait dû abandonner alors qu'il s'endormait, Eren se fit violence pour détacher son regard du plus vieux et décida de sortir de son lit pour aller préparer le café. Debout devant sa cafetière à observer le liquide brun couler, il prit tout à coup conscience que c'était la première fois qu'il faisait le petit-déjeuner pour l'une de ses « conquêtes ». Il se trouvait dans l'embarras, ne sachant absolument pas comment se comporter. Devait-il attendre que Levi se lève ? Devait-il lui préparer à manger en plus du café ? Mais que mangeait-il le matin ? Est-ce qu'il fallait lui apporter le petit-déjeuner au lit ? Il se grattait l'arrière de la nuque, confus. Trop de questions se bousculaient dans son crâne et aucune n'avait trouvé de réponse. Il hésita à appeler Armin pour lui demander son avis lorsqu'un raclement de gorge le sortit de ses pensées. Levi était appuyé contre l'encadrement de la porte de sa chambre, l'air tout aussi embarrassé que lui.

« 'Jour. » Il observait le jeune de biais, gêné. Il n'avait clairement pas l'habitude lui non plus de ce genre de situation. Eren continuait de se gratter la nuque, de plus en plus mal à l'aise.

« Bien dormis ? » Le noiraud hocha simplement la tête pour toute réponse, ce qui n'aida pas tellement le jeune à se détendre, celui-ci avait baissé les yeux et semblait tout à coup très intéressé par les ongles de ses doigts de pieds.

« Je-j'ai fait du café... Hum, est-ce que tu... Euuuh vous ! Est-ce que vous en voulez ? » Levi pouffa, faisant aussitôt relever la tête du brun. Il le regardait, les yeux rieurs, un léger sourire moqueur au coin des lèvres.

« Moi qui pensais être le plus mal à l'aise des deux, j'étais loin du compte. » Il quitta enfin le chambranle de la porte pour s'avancer vers le jeune qui s'était mis à sourire de toutes ses dents.

« Je veux bien un peu de café... Et deux aspirines, si ce n'est pas trop demandé. Et pour l'amour du ciel, arrête de me vouvoyer. J'ai l'impression d'être un vieux croulant. » Il prit avec plaisir la tasse que lui tendait Eren avant que celui-ci ne parte en direction de la salle de bain à la recherche de cachets contre la migraine. Lorsqu'il revint dans la pièce de vie, il fut plus que surpris de voir Levi caresser doucement le dos de Heicho, celui-ci se laissant faire avec plaisir. Ce chat qui, d'habitude, fuyait toute âme qui vive excepté celle de son maître venait d'apprivoiser le noiraud avec une facilité déconcertante.
Ils se ressemblent, pensa le brun en observant la scène. Il zieuta le plus vieux qui s'était adossé au plan de travail, buvant tranquillement son café. Sa chemise, ouverte de quelques boutons, offrait un aperçu du buste albâtre du noiraud et de ses manches remontées apparaissait ses avant-bras fins et musclés. Cette vision lui fit presque regretter de ne pas avoir tenté plus la nuit passée. Arrivant à sa hauteur, il lui tendit le tube d'aspirine, l'autre le remerciant d'un geste de la tête. Lorsqu'il eut avalé ses deux comprimés, Eren osa enfin poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis la veille.

« Et maintenant ? »

« Maintenant, je vais rentrer chez moi, prendre une bonne douche, avaler ce que je trouverais de plus gras dans mon frigo et pioncer toute la journée. »

« Levi ... » Le noiraud poussa un profond soupir avant d'ancrer ses yeux dans ceux du brun.

« J'ai bien envie de te répondre "rien". J'ai bien envie de croire qu'hier soir, il ne s'est rien passé et que notre petit quotidien va continuer comme avant. Seulement, le fait que je me réveille chez toi, dans ton lit prouve bien que je n'ai pas imaginé tout ça... » Ses paroles avaient blessé le brun, inconsciemment ou non, qui s'était malgré tout attendu au fait que l'enseignant pourrait nier en bloc les événements de la veille.

« Pourquoi ? » Levi fronça les sourcils, la question du jeune lui paraissait stupide.

« Par ce que je suis ton professeur. Par ce que j'ai presque le double de ton âge. Par ce que nos modes de vies s'opposent totalement. Par ce qu'on ne peut pas, tout simplement. »

« Officiellement, non. »

« Pardon ? »

« Officiellement, tu n'es pas mon professeur. J'ai quitté ton cours, tu t'en souviens ? » Levi l'observait, cherchant à comprendre si le jeune se moquait de lui. Et au vu du regard insistant qu'il lui lançait, il avait l'air d'être tout à fait sérieux. Il se remémora les mots du jeune la veille, ceux qu'il lui avait dits lorsqu'ils étaient tous les deux à l'extérieur du bar.

"Eren je... On ne peut pas faire ça. Je ne peux pas te faire ça. Je veux dire... Tu es jeune, tu es intelligent, quelqu'un de vraiment bien et particulièrement beau. Tu pourrais être avec n'importe quel garçon de ton âge et vivre une belle histoire d'amour aux yeux du monde. Tout ce que je peux te proposer moi, c'est une relation en dents de scie et vouée à l'échec, caché de tous avec un vieil homme aigri et antipathique... Je suis désolé, mais ce n'est pas possible. "

Le jeune avait baissé la tête, essayant de camoufler la douleur qui crispait les traits de son visage. Le souffle saccadé, il avait serré les poings et la mâchoire, retenant tant bien que mal sa frustration. Levi le regardait, attristé. Il n'avait pas voulu blesser le garçon. Lui aussi aurait aimé pouvoir lui répondre par la positive, mais les faits été tel qu'il leur était impossible de vivre l'histoire d'amour dont il avait tant besoin. Le bruit d'une tasse que l'on pose sur le plan de travail sortit Eren de sa torpeur. Le plus vieux allait quitter son appartement d'un moment à l'autre, il devait réagir, il fallait qu'il tente une dernière fois sa chance. S'emparant du bras du noiraud, il le tira à lui et vint prendre de force ses lèvres, lui dérobant un baiser passionné. Levi avait rapidement songé à le repousser, mais ce serait mentir que de dire qu'il n'en avait pas eu terriblement envie lui aussi. Eren l'avait poussé contre le plan de travail, plaquant le bas de son dos au bois du meuble, l'empêchant ainsi de bouger. Le jeune pressait son corps contre celui, plus petit du noiraud, obligeant celui-ci a relevé la tête pour continuer leurs fougueuses embrassades. Lorsqu'Eren mit fin au contact de leurs lèvres en se reculant, il posa ses mains sur le plan de travail de chaque côté de l'Ackerman, gardant ainsi le regard du noiraud braqué sur lui. Il n'avait plus d'échappatoires.

" Je vais te dire un truc, Ackerman : je le sais déjà tout ça. Je sais que je ne pourrais jamais dire à mes amis que je suis avec toi. Je ne pourrais pas te présenter à mes parents ni même t'inviter pour les fêtes de fin d'année. Je ne pourrais sûrement pas changer mon profil Facebook de "célibataire" à "en couple". Je ne pourrais pas éluder sur nous deux avec mes BFF ou me plaindre de toi à Hanji. Je ne pourrais pas t'embrasser dans les couloirs de l'université ni t'accompagner à tes collocs ou aux apéros entre collègues. Je ne pourrais pas étaler notre couple pourtant si photogénique sur Instagram ni t'emmener au resto pour la Saint-Valentin. Je m'en fou que tu vois déjà un autre mec. Je ne te demanderai pas en mariage, on n'aura jamais d'enfants. Et tant mieux. Par ce que tout ça, je m'en branle à un point que tu ne peux même pas imaginer. Je ne veux pas de tout ça, je ne sais même pas si je veux être en couple avec toi. Je ne sais pas où tout ça va nous mener. Mais tant qu'il y a un "nous", je suis prêt à courir le risque. Je suis prêt à essayer quelque chose de totalement nouveau, et ça seulement avec toi. Alors ne me dis pas que notre relation est vouée à l'échec avant même qu'on en ait une, bordel."

Levi avait élevé son sourcil gauche, écoutant sans broncher le monologue du brun.

" C'est bon, t'as fini ? " Eren hocha la tête en guise de validation. Le noiraud se pinçait l'arête du nez, il semblait souffrir.

" Putain, depuis quand tu parles autant ? Et c'est quoi cette histoire d'un autre mec ? Sérieusement, tu me donnes encore plus mal au crâne..." Le jeune allait rétorquer lorsque le noiraud se jeta sur lui, emprisonnant à son tour les lèvres de l'autre. Il avait bien compris comment faire taire le brun.

" Tu ne le sais pas encore, mais je suis une vraie calamité pour tout ce qui touche aux interactions sociales. Je risque de tout faire foirer à chaque seconde que tu voudras passer avec moi et tu finiras sûrement par me détester. Mais si tu es sûr de toi et que c'est vraiment ce que tu veux, alors je suis prêt à essayer, à une condition tout de même : cette relation ne devra pas mettre ton avenir en danger ni ma carrière, on est d'accord ? "

Pour unique réponse, Eren lui balança son plus beau sourire, un sourire franc et heureux, celui qui nous fait plisser les yeux jusqu'à presque les fermer. Il était magnifique ainsi, les pommettes remontées et rougis, la fossette apparente, les yeux brillants d'un bonheur pur. Levi savait qu'il allait regretter son choix, mais après avoir vu le visage d'Eren s'illuminer ainsi, il n'en avait plus rien à faire. Il sourit lui aussi au plus jeune, les yeux dans les yeux, se promettant silencieusement d'essayer de faire de leur mieux.

A la recherche de Proust - [1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant