Chapitre 13

120 16 0
                                    

Sweeterman - Zach Farache


Levi avait essayé de contacter le brun durant toute la semaine, sans succès. Celui-ci était introuvable dans les couloirs et salles de l'université. Il l'évitait, Levi n'en avait aucun doute et il s'en voulait d'autant plus de l'avoir blessé l'autre soir.

Alors dire qu'il avait été surpris de voir le brun devant son bureau le vendredi soir aurait été un euphémisme. Il l'attendait, une main dans la poche arrière de son jean, adossé au mur, les yeux rivés sur les pages d'un bouquin. C'est seulement lorsque le noiraud fut arrivé à sa hauteur qu'il daigna poser les yeux sur lui. Il leva alors son poignet sous le nez de l'enseignant interdit et déclara :

" T'es en retard."

Levi écarquilla un peu plus les yeux, complètement perdu.

" Qu'est-ce que tu fais là ?"

" On est vendredi."

" Je sais quel jour on est, merci. Je te demande ce que tu fiches ici ?"

Eren haussa des épaules, l'air blasé.

" On a cours ensemble le vendredi soir. 19 h 00, aucun retard ni aucune absence ne seront tolérés. Tu te souviens ? "

Levi ne savait comment réagir. Il avait envie d'insulter le jeune pour l'avoir ignoré toute la semaine, mais il était aussi ravi qu'il ait pris lui-même l'initiative de le retrouver là. Il décida donc de ne rien dire, ne voulant pas envenimer la situation. Après avoir ouvert la porte de son bureau et d'y avoir invité le brun, il posa ses affaires sur son siège tout en analysant le jeune qui s'était déjà affalé dans l'un des fauteuils en cuir. D'après ses sourcils froncés et les regards noirs qu'il lui lançait, il était toujours en colère. Le noiraud se gratta la nuque d'un geste hésitant, après tout, il ne savait pas du tout comment lancer la conversation avec le brun.

" Tu... Hum. Tu vas bien ?"
Eren fronça davantage les sourcils, ce n'était pas bon signe.

" Je n'ai pas traîné mon cul jusqu'ici pour que tu me fasses des politesses. J'espérai qu'on pourrait reprendre là où on s'était arrêté la dernière fois."


Levi parut perdu tout à coup. Eren, comprenant le malentendu, préféra préciser :


" Je ne te parle pas de la dernière fois quand, après avoir sucé mon doigt comme s'il s'était agi de la plus délicieuse des sucettes, tu m'as lamentablement repoussé et insulté. Je te parle de notre dernière entrevue, lorsqu'on avait évoqué l'analyse de la passion amoureuse en vase clos d'À la recherche du temps perdu."

Aïe. Il ne l'avait pas volé celle-là.

Ça lui faisait mal de l'avouer, mais ça chagrinait Eren d'être aussi froid et distant avec le noiraud. Il lui en voulait toujours pour la dernière fois, mais il avait dû mal à rester fâcher contre lui. Il croisa les bras dans un air de défi, invitant Levi à répondre à ses reproches. Celui-ci soupira avant de s'approcher des fauteuils sur lesquels était installé le jeune. Il lui devait des explications et surtout des excuses. Il s'assit au bord de l'un des deux fauteuils, les avant bras posés sur ses genoux, mains jointes.

" Écoute Eren... Je suis sincèrement désolé si ce que je t'ai dit la dernière fois t'a blessé..."

" Je me fou pas mal de tes excuses à deux ba-"

" Non, s'il te plaît, laisse moi parler. Même si tu n'en as rien à carrer, c'est une épreuve pour moi de m'ouvrir à toi, alors s'il te plaît, ferme-la et écoute moi jusqu'au bout."

Il prit une nouvelle inspiration, la tête baissée, essayant de trouver les bons mots.

" Tu l'as bien remarqué, je suis une vraie bite lorsqu'il s'agit de m'exprimer sur autre chose que Proust ou la littérature en général. Je ne saisis pas les codes de la bienséance et pour te dire la vérité, je m'en tape royalement. Mais j'ai été un parfait connard avec toi, je le sais, et j'en suis désolé. Mais je suis ce genre de personne, Eren. Je suis le genre d'homme qui balance ce genre d'horreurs sans se remettre en question. Je suis le mec qui fait souffrir les autres et qui n'en a rien à foutre. Ce même mec qui ne s'attache jamais à personne. Je suis le genre d'homme qui n'aime pas l'amour, Eren. Rien que le mot me fout la gerbe. Je l'ai pourtant adoré, ce mot, fut un temps, j'en étais fou, comme tout amoureux de l'amour. Mais je l'ai très vite détesté, ce mot, ce sentiment qui me rongeait le cœur et les tripes. Je ne suis plus cet homme-là depuis bien longtemps maintenant... Je vais te faire souffrir, je vais te faire espérer des choses qui n'arriveront probablement jamais. Tu te voiles la face si tu penses pouvoir attendre quoi que ce soit de moi. La seule chose que j'apprécie dans l'autre, ce sont les échanges philosophiques et physiques. Le reste ne m'intéresse plus..."

Il releva la tête pour encrer ses orbes acier dans le regard tendre du jeune.

"Mais je ne sais pas pourquoi, avec toi, j'ai eu envie d'essayer. J'ai pensé que peut-être, je ne faisais pas une putain de connerie en me laissant aller. Je suis désolé de t'avoir fait du mal. J'ai bien peur de ne jamais être à la hauteur de tes attentes, voir même de ne pas pouvoir y répondre... "

A la recherche de Proust - [1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant