Ep i l o g u e

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Nous étions à présent dimanche matin. Le froid de l'hiver contrastait avec le soleil, chaleureux, reflétant sur le visage de Logan, assit sur le siège passager. Il était neuf-heures. Heure à laquelle la fleuriste du coin ouvrait sa boutique.

Logan affichait un visage étonnamment serein, dont un léger voile de tristesse se laissait tout de même entrevoir. L'odeur des fleurs fraîches parvint à mes narines dès l'entrée dans la boutique. Logan savait très bien ce qu'il voulait. De belles roses blanches. Deux, précisément.

Nous étions rapidement sortis du magasin, avant de nous diriger une nouvelle fois dans ma voiture. Logan entra une adresse sur son GPS, avant de le placer sur mon tableau de bord. Je ne l'avais jamais vu aussi calme depuis que je le connaissais.

Ce n'était pas un calme oppressant, ou même pesant. Je ne saurais l'expliquer, mais c'était un moment particulier, hors du temps.

Durant le trajet, qui allait durer un peu plus de vingt minutes, je laissais tourner la musique, me rappelant de notre dialogue d'hier.

— J'aimerais dire au revoir à Lili.

Mon regard avait probablement trahi mon étonnement, il s'était aussitôt expliqué.

— Lors de ses funérailles, je n'étais pas moi-même. Je ne t'en ai pas parlé par honte. Mais je me sentais tellement incapable de surmonter cette épreuve, que lorsque je m'y suis rendu, j'avais mon fameux cocktail de drogue et d'alcool dans le sang. Je tenais à peine debout. Je n'avais même pas pu lire le texte que j'avais préparé pour elle. J'étais resté figé, à ma place, vide d'expression, d'émotion, comme mort de l'intérieur. Je ne réalisais même pas réellement ce qu'il se passait devant moi. Lorsque je suis passé devant son cercueil pour un dernier au revoir, mon père a dû me soutenir, pour ne pas que je manque de m'étaler par terre devant tout le monde. Je ne sais même pas où ils ont trouvé la force de ne me faire aucun reproche, ni même de m'ignorer après ça. Ils ont été compréhensifs. Trop compréhensifs en vue de la situation. J'aurais mérité un autre traitement, pour le déchet que j'étais.

Il s'était stoppé, semblant tiraillé par ses souvenirs.

— Je n'ai pas dit correctement au revoir à Lili. Je m'en suis rendu compte l'autre jour en discutant de tout ça avec mon psy. Et je sais, comme tout le monde d'ailleurs, que le deuil commence par l'au revoir. C'est peut-être en parti pour ça que j'ai la sensation de ne pas avoir avancé, de ne pas réaliser, comme si c'était tout juste arrivé. Lorsque je pense à elle, mon cerveau n'arrive qu'à me montrer Lili éteinte, sur ce foutu trottoir. J'ai envie de lui rendre un vrai hommage, comme je n'ai pas pu le faire dignement. Pour elle, parce qu'elle mérite mieux que cet adieu teint d'alcool et drogue. Pour moi, pour avancer normalement.

Sa voix avait tellement été teintée de peine et de culpabilité, que les larmes m'étaient montées aux yeux. Je l'avais pris dans mes bras, avant de finalement lui répondre.

— Faisons ça dès demain.

Logan était pensif, regardant les paysages défilés par la vitre côté passager. En dehors de son comportement, même son apparence était différente.

Il portait un pull écru, presque blanc, un jean bleu plutôt clair, ainsi que des baskets blanches, le tout sous un manteau gris froid.

Il m'avait expliqué de Lili avait toujours dit qu'elle n'aimait pas cette habitude que les gens avaient de se mettre en noir aux enterrements, qu'elle lui disait que les visages tristes suffisaient déjà à rendre l'ambiance tragique. Il avait fait le choix de s'habiller le plus clair possible, lui qui portait essentiellement du foncé d'habitude.

Les Âmes Solit/dairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant