Daress - Tome 3

Chapitre 12

Chapitre 12

Su, les yeux fermés et le front posé contre l'acier humide et froid, était en train de désespérer. Il essayait de se rappeler le soleil et le bruit des feuilles de l'Ouest, mais tout cela lui paraissait si loin depuis qu'il était enfermé dans ce vieux cachot, coincé au fin fond d'un immeuble effondré... Il poussa un grognement en rouvrant les paupières, tiré de sa fantaisie par Sélu qui secouait avec rage les barreaux qui les retenaient. Ces derniers, irréguliers, étaient faits d'un métal qu'aucun d'entre eux n'avaient pu reconnaître. Avec un cri, Sélu frappa les barreaux de sa main en bois.

Silas le regardait, le menton calé dans le creux de sa main, depuis un siège à l'autre bout de leur cage :

- J'espère bien que tu te rends compte que toute cette colère est inutile.

- Je n'ai pas demandé à ce que tu me ramènes ta science, Silas. Grinça Sélu en découvrant ses canines

L'ancien chasseur de prime pointa le dehors de leur cellule avec haine :

-  Ils ont osé prendre MON manteau.

Silas répondit par un soupir :

- Eh quoi ? Tu espérais qu'ils allaient nous laisser nos armes, peut-être ? Déjà qu'on n'arrive même pas à utiliser notre magie...

Sélu fut encore plus contrarié, lorsqu'il vit le jeune Selkie grimacer de douleur à cause de son bras qui pendait à côté de lui. Le sang ne coulait plus, mais de la sueur perlait sur le front de Silas qui se faisait de plus en plus pâle. Sélu se massa l'arête du nez, bon sang si tout s'était passé comme prévu, ils seraient déjà aux côtés des rois de Daress, et Agathe aurait pu le soigner en un claquement de doigts... Il se mit à faire les cents pas.

Silas l'observait user les pavés, pensif : ce n'était clairement pas en tournant en rond ou en râlant qu'ils allaient trouver une solution. En ce qui le concernait, il n'avait aucune envie de moisir ici, et encore moins que Aaran se retrouve plus en danger qu'elle ne l'était déjà. Cependant, il était invraisemblable qu'on les laisse sortir d'ici : trois habitants de Daress était sans doute une grande menace pour les Atlantes... Et ils n'avaient sûrement pas envie de les relâcher pour qu'ils aillent amener d'autres de leurs congénères sur Kéos. Cela dit, il se demandait à quel moment Rylem allait-il bien leur faire l'honneur de sa visite. Visiblement, il devait être sur Daress, sinon il serait déjà venu à leur rencontre. D'autant plus, qu'il savait pertinemment qui ils étaient, ou au moins que Su appartenait à la famille Ganadane. Or, avoir un personnage aussi important en rançon, cela lui serait très profitable... Il fallait absolument qu'ils sortent d'ici, cela allait plus loin que les ambitions personnelles de Silas.

Le jeune homme lança des regards observateurs à Su et Sélu : le problème était qu'ils étaient beaucoup trop suspects... Sélu à vouloir détruire tout ce qui passait à sa portée, et Su à lancer des gémissements coupables toutes les cinq minutes. Aussi, ils n'allaient certainement pas s'attirer la sympathie des Atlantes... Il avait beau se creuser le crâne, Silas n'apercevait qu'une seule solution qui était assez rapide et efficace pour gagner la confiance de leurs geôliers... Et il ne portait pas ce plan dans son cœur.

Su soupira lorsque Sélu donna un coup de pied rageur dans les barreaux, faisant résonner un bruit métallique dans toute leur cellule :

- Il est hors de question que l'on reste ici plus longtemps !! A l'heure qu'il est, ces sales gosses doivent être au bord de la mort !!

"Et les Coeurs d'Éléments risquent d'être perdus à jamais..." pensa Silas. Le jeune homme releva la tête, alors que des bruits de pas colériques venaient à leur rencontre, le vacarme de Sélu avait au moins eu l'avantage d'attirer leur attention. Silas retint un sourire de satisfaction, en voyant l'Atlante au nom de Yoran leur faire face, les sourcils froncés et sa lance toujours posée sur son épaule. Alors que Sélu affronta son regard sans sourciller, en se saisissant de leurs barreaux de fortune, Silas fit mine de prendre l'attitude la plus misérable possible. Il s'avachit contre le mur, mettant son bras blessé bien avant et ferma les yeux, amplifiant son souffle en faisant siffler sa respiration. En vérité, il n'avait pas à faire grand chose pour jouer la comédie, sa blessure empirait à vue d'œil. Mais Yoran ne faisait pas encore attention à lui.