Daress - Tome 3

Chapitre 5

Chapitre 5

Asbel laissa leurs sacs pleins de vêtements de rechange, de sacs de couchages, d'objets plus ou moins utiles et de vivres légères tomber lourdement sur le sol. Les bras croisés sur son torse épais, Sélu plissa les yeux, pour les examiner de l'extérieur : son regard accusateur était amplement suffisant pour donner à Asbel des sueurs froides. Il gardait les yeux rivés sur le sol, mal à l'aise. Sélu soupesa rapidement leurs bagages, en les portant à bout de bras en faisant la moue. Asbel pinça ses lèvres : il aurait aimé avoir le soutien de ses amis, mais ils l'avaient malheureusement abandonné à son sort.

Le soleil pointait au travers des fenêtres noircies par les cendres et la poussière. Asbel espéra pendant une seconde que leur maison en ruine alerte leurs voisins : une superbe occasion pour eux pour s'enfuir de cette maison de fous. Sélu renifla :

- Où sont les autres gosses ?

- Ils... Ils ne veulent pas vous voir, répondit Asbel, les yeux fuyants

On lui avait de nouveau demandé de couvrir leurs arrières, alors que Leevi et Aaran s'étaient lancés dans des recherches sur les Coeurs d'Élément, tapant comme des furies sur les touches de leurs ordinateurs.

- Ah ouais ? Et ce ne serait pas plutôt une magouille de ta soeur ?

- Non, Leevi dit qu'il ne peut plus vous voir en peinture. 

- C'est ça ! Ecoute-moi bien, bonhomme, j'ai aucune idée de ce que vous foutez, là-haut, mais je sais très bien à qui j'ai à faire : le mensonge c'est une pathologie familiale chez vous, lança Sélu avec un doigt accusateur, avant de retourner s'affairer autour des sacs

Asbel enregistra cette déclaration sur son disque dur.

- Mais, continua Sélu, je vais vous laisser à vos enquêtes : allez-y, chercher les infos. Tout sera beaucoup plus facile si vous les découvrez vous-même.

La surprise d'Asbel chassa sa peur : il n'aurait pas imaginé qu'il leur donnerait une aussi grande liberté... Il sursauta lorsque Sélu ouvrit violemment un des sacs. Il espérait que l'homme n les examine pas avec trop de soin : les Coeurs d'Elements ne s'y trouvaient pas. Simple mesure de précaution : s'ils ne savaient où ils se trouvaient, ils auraient sans doute moins envie de les tuer.

Sélu ouvrit grand le sac de Lada : il y fouilla rapidement, entre les couches de vêtements, et en retira tous les câbles de chargement de téléphone et d'ordinateur en grommelant dans sa barbe. Asbel se mordit les lèvres : ainsi, ils n'auraient accès à aucunes technologies s'ils venaient à partir avec eux... Sélu fronça les sourcils en sortant une boîte du bagage. Asbel retint un sourire satisfait : Aaran avait réussi à persuader Lada de mettre sa plume dans ce coffret, pour essayer de duper Sélu. L'homme balafré lança un regard insistant à Asbel, par dessous ses sourcils. Asbel parvient à le soutenir et Sélu ferma délicatement la boîte pour l'enfouir de nouveau dans le sac, prenant garde à bien le protéger entre deux pulls.

Mais alors il s'arrêta, le corps soudainement figé avec une expression étrange sur le visage. Les sourcils anguleux de Sélu s'étaient soulevés, ébahis, et ses yeux froids étaient envahis d'une lumière nouvelle et inattendue. Il tendit lentement ses doigts de bois et sorti du sac à dos un livre à la couverture de cuir craquelée. Il en ouvrit les pages, les fit craquer, ses gestes étaient tant émotifs et doux que Asbel ne pu s'empêcher de se rapprocher de lui. Sélu s'arrêta alors sur une page, où une ville brumeuse et inquiétante était dessinée. Au dessus de l'esquisse trônait son nom écrit dans une calligraphie complexe : Bénévea...

Soudainement, l'homme prit conscience de l'ombre d'Asbel qui pesait sur lui. Il ferma violemment les page du livre, éclatant à jamais la bulle temporelle qui s'était créée autour d'eux. Il enfonça l'écrit dans le sac de Lada et se redressa précipitamment, faisant flotter son manteau noir dans les airs. Asbel recula vivement, alors que les yeux de Sélu étaient redevenus durs et impénétrables.