Cohésion de groupe

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VIPER

Trois jours plus tard.

Posé sur le tabouret du bar, j'attends avec impatience que la réunion exceptionnelle à laquelle Sam nous a convié commence. Cela fait trois jours que mon cul est scotché à ce siège dans l'unique but de broyer du noir et je dois bien avouer qu'un peu d'action me ferait le plus grand bien. Je dois me vider la tête pour enfin avoir les idées claires. Me défouler. Extérioriser mon mal-être de manière concrète et un peu plus discrète.

J'ai besoin de m'occuper l'esprit. De me retrouver en plein vacarme. D'entendre des os craquer et se briser sous ma poigne et d'effacer de mon crâne toute trace de calme. Parce que c'est lui mon plus grand ennemi. Ce sont les silences qui m'empêchent de vivre normalement. Ils sont dérangeants et étouffant. Il suffit qu'un son vienne perturber ce semblant de paix pour que mon cerveau se mette à vriller. Et, en ce moment, un calme asphyxiant règne autour de moi. C'est certes relaxant pour certains membres, je le conçois aisément, mais c'est tout simplement abominable pour un gars tel que moi.

Je connais le silence. Je sais ce qu'il signifie. Il n'engendre que la souffrance. Car, pour tous, il est la garantie d'une sécurité, alors qu'en réalité il ne sert qu'à camoufler ce qui ne tardera pas à arriver. C'est le calme avant la tempête qui se prépare silencieusement à frapper.

C'est d'autant plus flagrant quand mes yeux se posent sur l'horloge face à moi. J'ai à peine besoin de tendre l'oreille pour entendre le tic-tac répétitif de l'affreuse pendule. Tic-Tac. Tic-tac. Tic-Tac. C'est comme un compte à rebours qui tente de nous mettre en garde. L'intégralité de votre vie va bientôt vous péter à la gueule sans crier garde. Le silence est votre pire ennemi. Le calme, un faux ami.

Ajoutez à ça le tapotement nerveux de mes doigts contre le comptoir et les talons de Sin qui claquent au sol comme un marteau-piqueur et vous aurez droit à un cocktail détonnant. Tic-Tac. Clac-Clac. Tape-Tape. Ce silence borné de bruits rythmés est déjà un véritable cauchemar pour quiconque y ferait un minimum attention, alors imaginez ce que ça peut être pour des types ayant vécu un traumatisme.

Les cuisses en mouvement, les pieds qui s'activent contre le bois du tabouret et les mains tremblantes, je m'agite sur mon siège et me dandine comme si j'avais la chtouille du siècle. Mon obsession pour les sons contraste avec la mine guillerette des autres mecs, qui boivent tranquillement leur verre en s'extasiant de ce silence permanent. Ce que j'aimerais me retrouver à leur place ! Pouvoir outrepasser cette peur démesurée et faire l'impasse sur ce qui ce qui me ronge véritablement.

Au lieu de ça, je dois faire appel à toute ma volonté pour ne pas me retrouver à nouveau plongé dans l'angoissant bureau du Docteur Maboule. L'idée même de revoir son ignoble robe au coloris canari et d'assister une nouvelle fois au tintement de ses talons vertigineux, me donne aussitôt la nausée. Je crois qu'il est temps pour moi de combattre le mal par le mal ! Aux grands maux, les grands remèdes ! Sans même y réfléchir à deux fois, j'attrape mon verre et le vide d'une traite. Le whisky me fait légèrement grimacer et, bien qu'il soit une valeur sûre pour endormir mon esprit, il reste finalement, lui aussi, un faux ami. J'en suis d'autant plus convaincu quand je repense à ces derniers jours et à toutes les embrouilles que mon alcoolisme m'a valu. Ma tolérance à l'alcool a augmenté ces derniers temps, mais je ne peux pas en dire autant pour ce qui en est de ma capacité à en éviter les mauvais effets.

- Ça va, mon beau ? T'as pas l'air dans ton assiette.

La main posée sur mon avant-bras, Sin me sourit affectueusement tandis que je fixe comme un demeuré ses doigts manucurés. Je rêve ou je viens de sursauter à son simple touché ? La main crispée autour de mon verre, je me détends finalement. Bien que son contact ne soit pas celui tant recherché, il m'apaise tout de même légèrement. Le corps penché au-dessus du comptoir, la brebis, bien loin d'être aussi bête que ses congénères, suit mon regard qui a quant à lui dérivé vers le véritable objet de mes désirs. Sa main tapote presque immédiatement la mienne avec compassion quand elle prend conscience du bordel monstre qui règne dans ma tête.

Hell's Sky : Partition amoureuse (#2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant